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31/12/2008

Reflets

Ton eau est un miroir où se reflètent des palais d’un autre temps.
Leurs façades décrépites témoignent de splendeurs perdues et le voyageur qui les contemple s’interroge longuement devant les moulures aux ors fanés.

Quand vient le soir sur le canal, on croit parfois apercevoir l’ombre de ces hommes qui ne sont plus : un chapeau au coin d’une rue, une cape qui traverse un pont. Un parent de Casanova, peut-être ?

Passe une barque, sans bruit. Clapotis discret, froissement imperceptible, elle a déjà disparu, au point qu’on doute même qu’elle ait jamais existé. Mirage intemporel, essence de cette ville aquatique, perdue dans la lagune.

Il est, à qui sait chercher, des quartiers froids et tristes où l’eau semble morte au pied des maisons ternes. Il est des palais d’or aux volets fermés qui n’en finissent plus de mourir de leur belle mort. Il est tout au bout un front de mer aux allures estivales sous les pins qui embaument. Il est des musées aux peintures énigmatiques où les toiles pendent depuis des siècles. Il est des églises de marbre blanc qui se mirent dans l’eau bleue tandis que de grands bateaux remontent le canal principal. Il est une tour fantastique d’où l’on contemple le rêve de la mer.

L’autre soir, en arpentant la riva degli schiavoni, perdu dans ma solitude, j’ai cru voir de grands voiliers accoster en silence, remplis de toutes les épices de l’Orient. Un rêve, probablement. Quand je me suis retourné, les voiliers avaient disparu, tels des fantômes de l’Histoire. Pourtant, l’air embaumait le gingembre, la cannelle, la coriandre et la muscade au point que c’était à en perdre la tête. Je me suis enfoncé dans des ruelles étroites jusqu’au cœur de la nuit noire, me souvenant que ces bateaux apportaient parfois la peste et la mort.

Et pendant ce temps, Venise n’en finit plus de s’enfoncer dans la lagune, s’abolissant elle-même, comme prise d’un remords devant sa richesse passée.

"Feuilly"

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Photo Internet

Commentaires

Trés joli texte Feuilly qui me dépayse, qui m'emmène doucement au fil de l'eau à cette ville où je ne suis encore jamais allée ... Un doux rêve pour finir l'année....

Écrit par : Débla | 31/12/2008

Il est bien de finir l'année par des rêves, non?

Écrit par : Feuilly | 31/12/2008

Oui belle évocation pour finir l'année même si la chute est un peu triste...

Écrit par : Rosa | 31/12/2008

Ce qui est merveilleux avec ce texte, c'est qu'on sent passer le passé intensément parce que cela reste assez bref pour que ça claque et parce que le promeneur qui "arpente la riva degli schiavoni", ne renonce pas à accompagner ce passé dans la douleur de son passage.
Comme dans la volupté sexuelle : ne pas ravaler son cri.
C'est-à-dire faire passer ce qu'on fait dans quelque chose d'un peu plus profond et d'un peu plus intense. En amont et en aval.

Écrit par : michèle pambrun | 31/12/2008

@ Michèle: On peut supposer en effet une interaction entre, d'une part, le côté un peu triste des palais aux ors fanés et l’état d’esprit du « promeneur solitaire », lequel semble si réceptif à ce passé révolu qu’il croit voir d’anciens voiliers accoster. Puis ce passé révolu se projette dans le futur et le poème se termine par la menace de l’enlisement futur de Venise.

@ Rosa: vous aurez remarqué que la fin est souvent triste chez moi.

Écrit par : Feuilly | 31/12/2008

Alors que le début ne le soit pas : bonne année à vous, Feuilly, riche en lectures, reflexion, écriture, passion ...
Très bonne année 2009

Écrit par : solko | 01/01/2009

Non Feuilly ! Je ne l'avais pas remarqué. Je trouve plutôt dans vos billets une sorte de sérénité à la fois désabusée mais très humaine.
je vous souhaite une belle année et, très égoïstement, que vous continuiez de nous enrichir, de nous interroger et de nous faire vibrer.

Écrit par : Rosa | 01/01/2009

Bonne année Solko et Rosa. A tous les autres aussi, lecteurs/lectrices habituel(le)s ou de passage.

Une sérénité à la fois désabusée mais très humaine? Oui, cela me convient bien comme définition. Je crois en effet que j'essaie d'avoir un regard humain sur le monde et forcément celui-ni ne peut devenir que désabusé, à la longue, ce qui n'empêche pas la recherche d'une certaine sérénité intérieure. Hélas cela reste souvent au stade de la recherche.

Écrit par : Feuilly | 01/01/2009

Faudrait quand méme pas trop phantasmer,et retourner
aux réalites quotidiennes.Venise, c est la foire a touristes
et si on veux y voire quelque chose,on a intéret a venir
quand il pleut ou il fait froid.J y suis allé 2 fois,au mois de juin, c était la foule.et a la Toussaint,la j ai pu mieux aprecier tout le charme de cette ville.C est vrais c est une ville innoubliable,un conte de fée une ambiance de
fete(pensez donc a la fete sur le grand Canal de Handel)
Mais quand on regarde de prés on voit aussi tous ces
grands Palais qui se soutiennent les un les autres pour ne
pas tomber dans l eau.Si certains efforts ont été accomplis ces dernieres années il reste tellement de maisons a refaire.
Amicalement Latil

Écrit par : Latil | 01/01/2009

C'est bien pour cela que je parle des" quartiers froids et tristes où l’eau semble morte au pied des maisons ternes" et que je dis que " Venise n’en finit plus de s’enfoncer dans la lagune."

Pour ce qui est des touristes, il y moyen de les éviter en partie en allant vers des quartiers moins renommés. C'est moins joli, mais cela a son charme aussi.

Écrit par : Feuilly | 01/01/2009

Dans ces quartiers, je n'ai vu que le charme.

Écrit par : Rosa | 03/01/2009

MMMMMMmmmm, as-tu lu "Fable de Venise", une aventure de Corto Maltese ? En édition cartonnée et commentée, c'est superbe...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fable_de_Venise

J'aime beaucoup ton texte et ta veine romantique.

Écrit par : Pivoine | 07/01/2009

Non, je ne connais pas La Fable de Venise et pas trop la bande dessinée d'ailleurs.

Écrit par : Feuilly | 07/01/2009

Les commentaires sont fermés.