15/12/2008
De la littérature comme moyen de survie (2).
« Pourquoi écrit-on ? J’imagine que chacun a sa réponse à cette simple question. Il y a les prédispositions, le milieu, les circonstances. Les incapacités aussi. Si l’on écrit, cela veut dire que l’on n’agit pas. Que l’on se sent en difficulté devant la réalité, que l’on choisit un autre moyen de réaction, une autre façon de communiquer, une distance, un temps de réflexion.»
J.M.G. Le Clézio : Dans la forêt des paradoxes. Début du discours prononcé le 7 décembre 2008 lors de la remise du prix Nobel. «
"Si l’on écrit, cela veut dire qu’on n’agit pas» nous dit le nouveau Nobel. En effet et c’est le genre de question que l’on s’est déjà posée ici même, sans vraiment trouver de solution satisfaisante.
La réponse, cependant est peut-être dans ces mots «distance» et «temps de réflexion». L’écrivain serait toujours ailleurs, en retrait, en train d’observer et non en train de vivre. Il y a entre lui et l’existence une distance critique. Il regarde, il observe, puis il couche ses impressions sur le papier, ce qui lui permet de «dire» ce qu’il a ressenti face aux événements observés. C’est donc son point de vue subjectif qui l’emporte et non les faits eux-mêmes, son intériorité et non la vie qui passe. Ecrire serait donc par définition se raconter soi-même, dans une sorte d’autobiographie mentale en quelque sorte. Dès lors, c’est aussi affirmer la suprématie de sa propre sensibilité sur le monde ambiant et donc tenter de dire que l’on existe. Ecrire, ce serait donc une course de vitesse avec la mort, une course que l’individu tente désespérément de gagner, même s’il sait qu’il n’y parviendra pas. D’où sans doute ce sentiment du tragique si souvent présent dans la littérature.
14:39 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, écriture, le clézio
Commentaires
Qu'est-ce que ça peut dire comme conneries, un prix Nobel !
Pas autant qu'un prix Goncourt, mais presque...
Ecrire c'est agir....Avant tout.
D'ailleurs, sans parler de littérature stricto sensu, sans l'écriture, pas de bouleversements sociaux, pas de prise de conscience collective, pas de fédération autour d'idées plus claires.
Ecrire, agir sur la courbe du temps, écrit, en substance et de mémoire, François Bon...Il ne m'en voudra pas si c'est pas tout à fait ça...
Écrit par : B.redonnet | 15/12/2008
Bon ! je ne suis pas une littéraire , tout le monde l'aura compris ... Je ne me suis jamais posé la question de savoir si lorsque j'écris mes petites historiettes je ne vis pas , je n'agis pas .. En tous cas j'existe, je dis, je fais, je vis .... Il ne me semble pas être figée lorsque je dis en écrivant puisque l'écriture est mouvement, le mouvement c'est de l'action non ? !!!
Écrit par : Débla | 15/12/2008
@ Bertrand:
"sans l'écriture, pas de bouleversements sociaux"
Bien sûr, je n'en doute pas un instant. Mais il n'empêche qu'écrire passe d'abord par une étape d'intériorisation qui peut ressembler à de la contemplation, laquelle se distingue de l'action immédiate.
@ Débla: vous me semblez une littéraire qui s'ignore (mais c'est un autre débat). Bien sûr que vous vivez quand vous écrivez ce que vous appelez "vos historiettes", c'est même peut-être ce que vous avez fait de plus important.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des gens qui sont dans l'action (s'ils ont faim, ils travaillent pour devenir riches) et d'autres qui sont des contemplatifs (ils écrivent sur l'injustice qu'il y a à avoir faim). Les premiers s'en sortiront à titre individuel, les deuxièmes non, mais ils feront bouger le monde.
Écrit par : Feuilly | 15/12/2008
On peut être contemplatif sans écrire !
Rester immobile, rentrer en soi, se visiter.
Je pense aussi comme Bertrand Redonnet qu'écrire c'est agir et se propulser vers l'autre ...en tout cas si on veut être lu.
C'est construire des ponts, créer des liens, rompre avec l'isolement.
La course contre la mort ?
à quoi bon puisqu'on sait qu'on la perdra.
Écrit par : Rosa | 15/12/2008
J'aimerai bien me classer dans la catégorie de ceux qui font bouger le monde .....
Merci en tous cas pour votre appréciation.
Je ne sais pas si je suis une littéraire qui s'ignore, toujours est-il que j'aime venir chez vous et chez Bertand car je comprends votre écriture chacun dans vos styles, je l'apprécie et cela m'a re donné le goût de lire .....
Par contre il est un blog trés littéraire où je passe, blog où je ne comprends pas souvent le mode d'expression tant cela est intellectualisé, avec des mots qui cherchent midi à quatorze heures. Quand il faut que j'ouvre le dico pour y trouver la définition des mots utilisés hé bien c'est là où je me dis : ma fille tu cherches à jouer dans la cour des grands ....Parfois les grands sont d'un compliqué !!!
Écrit par : Débla à Feuilly | 16/12/2008
Peut-être cherchent-ils à faire les grands en se montrant compliqués, il faut voir... N'oubliez pas d’abord que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement..." c’est une vérité qu’il faut toujours avoir à l’esprit. Maintenant j’ignore de quel blogue il s’agit, donc je n’en dirai rien. Disons qu’il faut parfois employer un certain vocabulaire pour faire passer certaines idées complexes, mais employer systématiquement des mots compliqués pour épater la galerie ne sert pas à grand chose.
Écrit par : Feuilly | 16/12/2008
Des mots qui cherchent midi à quatorze heures alors qu'il suffit de consulter sa montre.
La mienne est en panne et je ne la fais pas réparer.
Tant pis pour moi.
Écrit par : denis montebello | 16/12/2008
Bien sur qu’écrire c'est agir... d’ailleurs écrire est un acte... j'ajoute qu'on peut être dans l'action et dans la réflexion... jamais en même temps certes… plutôt dans l’action puis dans la réflexion ou vice et versa… Maintenant c’est certain… l’action d’écrire entraine plus ou moins de réaction… Le Clezio n’est certes pas Bakounine…
Nous avons d’ailleurs suffisamment d’auteurs pour illustrer le propos… Malraux… Char… Malaparte etc. Ces trois exemples ont même écrit tout en agissant… dans le même temps (mais pas en même temps c’est évident)
Il y a une phrase (de je ne sais plus qui) qui dit en gros « la réflexion annule l’action… » je sais aussi que Valéry a écrit des choses très intéressantes là-dessus… cela se résumerait ainsi : il faut ne pas avoir fait le tour de la question pour penser que l’action a une utilité… en bref quiconque à creuser la question à fond connait l’inanité de toute action… mais cela c’est je crois… une posture de lettrés… parce que le ventre qui à faim lui n’a plus le temps de penser… il lui faut manger et il doit agir… et il fait bien…
Je tique aussi sur « il y a des prédispositions » à écrire… peut-être… je ne sais pas… cela mériterait un développement plus long que cette simple phrase…
Écrit par : Andrea Maldeste | 16/12/2008
J'aime bien la réflexion de Denis sur sa montre en panne ....
( je précise aussi que ce n'est pas de son blog que je parle )
bref! la montre me ramène à celle de mon neveu, qui n'a pratiquement jamais fréquenté l'école ( chez les Gitans ceux de ma génération n'ont pas usés leurs fonds de culottes sur les bancs de cette noble institution )... C'est par la musique qu'il s'exprime, qu'il nous donne à lire toutes ses émotions et ce admirablement bien, sans chercher midi à quatorze heures ...
Je disais donc qu'il a essayé un jour de réparer sa montre, l'a ouverte, a enlevé aiguilles et mécanisme etc etc... et n'a jamais réussi à la remonter correctement ... C'était une montre de grande valeur, mais peu importe, une montre vide ce n'est pas joli , alors il y a placé une pièce de 2 € .... A l'heure de sa montre il est toujours 2€.....
bon ! hors sujet avec votre note Feuilly , pardonnez moi ! C'était pour sourire de la complication dont j'ai parlé ....
Écrit par : Débla | 16/12/2008
Débla, n'est pas hors sujet. Tu es même en plein dans le mil : les choses sont et deviennent ce que nous en faisons.
Andrea, un petit extrait d'une vieille chanson anar pour toi :
"Le ventre plein, l'homme peut discuter. "
Denis, lui, c'est à force de la démonter, sa montre, qu'il l'a cassée. J'en suis sûr. Une manie d'archéologue poète.
Écrit par : B.redonnet | 16/12/2008
Oui B.redonnet... dans le même ordre d'idée j'avais écrit quelque part à une époque :
"le ventre qui a faim a davantage besoin de pommes de terre que des nourritures terrestres d’un Gide."
Il a aussi le fameux « Que vaut Shakespeare en face d’une paire de bottes, pour celui qui doit marcher pieds nus ? » de Tolstoï dont on pourrait parler...
Écrit par : Andrea Maldeste | 16/12/2008
Je voulais juste voir ce qu'elle avait dans le ventre. Maintenant c'est moi qui retarde, Débla, ils en sont déjà aux pommes de terre.
Écrit par : denis montebello | 16/12/2008
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