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13/12/2008

De la littérature considérée comme un voyage

Un lecteur a fait remarquer que plusieurs textes récents faisaient allusion aux voyages. C’est vrai. Pourtant à y réfléchir, il ne s’agit pas de voyages géographiques, mais plutôt poétiques et existentiels. Nous serions donc tous plus ou moins à la recherche d’un ailleurs imaginaire, autrement dit d’un monde meilleur et différent.

La littérature n’a-t-elle pas justement pour fonction de dire cette aspiration à un au-delà (sans qu’il n’y ait rien de mystique dans ce terme) ? L’individu veut s’affirmer, être pleinement lui-même, mais la réalité ne lui en donne pas toujours la possibilité. Quelques-uns y parviennent, mais ce sont des êtres d’exception. Encore que ces personnages célèbres dont l’Histoire a conservé le nom ne se sont bien souvent affirmés que dans un seul domaine et que leur personnalité et leurs aspirations profondes ne devaient sans doute pas se résumer uniquement à ce domaine.

Mais parlons des autres, c’est-à-dire tout de même des 99,99 pour cent de la population. Il y a toujours un fossé, un hiatus, entre leur for intérieur et la réalité dans laquelle ils doivent bien vivre. Certains se résignent, d’autres se révoltent, d’autres encore s’échappent par le rêve. C’est un peu ce que nous faisons tous ici en allant butiner de blogue en blogue. C’est une parenthèse dans notre journée, de petites coupures qui permettent d’aller respirer un peu d’air frais ailleurs. On va lire les pensées des autres, écouter leurs aspirations, les regarder vivre intérieurement, finalement.

D’où ces textes sur les voyages («la nef des fous», «les rêves d’Amérique ») ou sur leur inutilité (« l’antivoyage »). C’est d’un ailleurs de la conscience dont il s’agit. D’un lieu non géographique et atemporel où nous aurions enfin l’impression d’être pleinement nous-mêmes.

Utopie, certes. Les plus habiles parviennent à s’accommoder du monde ambiant en se construisant un petit nid douillet qui correspond plus ou moins à leurs désirs et pour le reste ils se résignent, sachant bien qu’ils ne changeront pas le monde et encore moins les hommes et leur folie.

D’autres, plus intransigeants (ou moins habiles) crieront leur désespoir à travers l’art. Qu’on pense aux toiles de Van Gogh ou au « Cri » de Munch.


Munch qui n’a pas peint que le « cri » mais aussi «la madone », ce qui fait resurgir la problématique déjà évoquée dans les commentaires antérieurs au sujet de la présence de la femme dans ce monde imaginaire. Encore faudrait-il voir si de leur côté les femmes artistes parlent des hommes dans leurs oeuvres…

MunchSkrik.jpg

MunchMadonna.jpg

Commentaires

"Nous serions donc tous plus ou moins à la recherche d’un ailleurs imaginaire"
Je relève ta phrase car c'est précisément le sujet sur lequel je travaille en ce moment, afin que tu ne sois pas étonné si un jour ce manuscrit voit la lumière.
Mais les ailleurs, tout comme les "autrement" ne sont pas imaginaires. Ils ont ceux que nous créons dans une lecture poétique du monde et de ses paysages.
Lecture solitaire. Plus loin...
Cordialement

Écrit par : B.redonnet | 14/12/2008

Nous les créons, oui, fondés sur la nostalgie sans doute. Mais ces ailleurs sont aussi tournés vers l'avenir. Nous savons cependant que ces ailleurs géographiques ou temporels n'existeront jamais ailleurs que dans notre imaginaire.

Écrit par : Feuilly | 14/12/2008

Dans notre culture à nous (pour nous différencier de la culture grecque par exemple), l'homme est certainement moins mis en vedette que la femme. Les femmes artistes sont rares, les artistes connues peu connues. Certaines se penchaient sur leur entourage proche, vers une peinture intimiste, (Zoum Walter, l'auteure du berceau), d'autres sont des portraitistes (Marlène Dumas), d'autres sont cubistes (les avant-gardistes russes) et donc passionnées par la peinture en ellle-même (minimalistes avant l'heure), il y a la compagne de Natalie Barney (les noms m'échappent pour le moment), la muse d'Apollinaire, mais au fur et à mesure du temps, les hommes sont à la périphérie de leur vie, sauf dans la vie mondaine, résolument hétérosexuée.

Écrit par : Pivoine | 16/12/2008

Donc, la femme serait au centre de l'imaginaire masculin, mais pas l'inverse. Dommage.

Écrit par : Feuilly | 16/12/2008

Eh bien, chez Graphite, où je fais du modèle vivant, nous sommes à peu près à égalité, hommes et femmes (c'est rare). Les hommes veulent des modèles féminins (certains les aiment jeunes et jolies), les femmes demandent des modèles masculins. J'en ai eu un seul jusqu'à présent, il y en a un demain (mais je ne sais pas y aller). Moi, cela m'est égal (j'avais l'idée d'ailleurs d'un tableau représentant un homme mais le modèle me fait défaut). La norme est cassée en publicité car la femme est un public consommateur que l'on vise: donc, on lui offre des hommes dans des situations viriles... Irréalistes souvent (ex. Pubs pour voitures).

Écrit par : Pivoine | 17/12/2008

C'est vrai que la publicité fait une surconsommation d'images et de symboles et que finalement elle les « use », comme elle fait d’ailleurs avec le vocabulaire. Autre conséquence néfaste de notre monde essentiellement mercantile.

Écrit par : Feuilly | 17/12/2008

Les commentaires sont fermés.