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22/02/2009

De l'enseignement des auteurs classiques

C’est devenu un peu la mode dans nos écoles, me semble-t-il, d’inviter des auteurs à venir parler de leur oeuvre ou de la manière dont ils écrivent. C’est assurément une bonne initiative et je ne vais pas m’insurger contre cette pratique. Cependant, je me demande si c’est la bonne manière de faire aimer la littérature.

La première question qui se pose, c’est celle de savoir si un écrivain vivant est plus intéressant qu’un écrivain mort. A partir du moment où c’est l’œuvre qui compte pour elle-même, on doit quand même se demander pourquoi tous les classiques sont un peu mis systématiquement de côté au profit de textes plus contemporains qui sont supposés être plus proches des centres d’intérêt des élèves. Pourtant, il y a tout de même des livres relativement abordables (soit par leur longueur, soit par les thèmes exposés) qui mériteraient d’être étudiés en classe. Certes la langue classique demande un effort, mais je n’ai pas dit non plus d’aborder racine ou Corneille à 12 ans. Les romanciers du XIX°, par exemple, devraient quand même pouvoir intéresser les grands adolescents.

Certes je comprends bien la démarche qui consiste à inviter un auteur et je ne la blâme certainement pas, mais il ne faudrait pas faire que cela. Le but est manifestement de montrer que la littérature n’est pas inabordable et qu’un écrivain, finalement, est quelqu’un comme tout le monde (enfin presque comme tout le monde). On peut le voir, le toucher et il peut parler de sa passion, de son travail, etc. toutes choses qui devraient susciter la curiosité. Donc, invitons les auteurs. Mais il faudrait que ceux-ci parlent de leur œuvre car c’est cela qui compte, non ?
Ce que je crains, en fait, c’est une solution de facilité. Ce n’est plus le jeune qui fait un geste vers le livre, c’est l’auteur qui se déplace pour venir parler de lui. Mais si c’est pour apprendre à quelle heure il se lève le matin, combien d’heures il travaille, s’il boit du thé ou du café, s’il a un plan préconçu pour son livre, s’il écrit à la plume ou sur son PC, et bien cela ne nous amène pas à grand chose. Ce qui compte, c’est le texte écrit et l’approche de ce texte écrit. Or un écrivain mort n’est pas dans sa tombe mais dans ses livres et à ce titre il a droit lui aussi au chapitre.

Je me demande s’il n’y a pas une volonté politique inavouée de reléguer le livre aux oubliettes.

La gauche est partie du principe que les enfants issus des classes sociales défavorisées avaient peu de chance d’obtenir un diplôme, ce qui allait les pénaliser dans leur existence. Elle n’a pas tort. Mais du coup, elle a misé sur la facilité. Il fallait baisser le niveau des études pour permettre à tout le monde de réussir. Dans cette optique, le niveau de langue (et on sait que dans les classes aisées, un bon niveau est généralement atteint pour ainsi dire naturellement) ainsi que la pratique de la lecture devaient être strictement réglementés. Plus d’auteurs classiques donc, jugés incompréhensibles puisque parlant une langue tout à fait inconnue pour certains jeunes. Le problème, c’est qu’autrefois l’école permettait justement à ces jeunes de progresser et de sortir en partie de leur milieu (en accédant à la culture dite bourgeoise). Aujourd’hui, je ne suis plus certain qu’elle le permette encore. Certes on aura obtenu un diplôme, mais que représente-t-il en fait ?

A côté de cette dérive de la gauche, la droite, elle, s’est toujours inquiétée de voir le savoir se répandre dans les classes subalternes. Car qui sait raisonner est capable de se rendre compte de l’iniquité d’un système qui l’exploite. Qui a fait des études est capable de revendiquer clairement ce qu’il estime lui être dû. Donc, le livre, là aussi, est devenu un objet dont il faut se méfier. Le résultat, on le connaît. La suppression des épreuves de culture générale dans les concours d’accession à la fonction publique est significative. Plus besoin d’avoir lu La Princesse de Clèves pour faire un bon douanier ou un bon postier, pense un certain président que je ne nommerai pas. C’est vrai évidemment. On a donc orienté la sélection sur les tests de personnalité (une bonne secrétaire doit d’abord être soumise, un bon vendeur doit être entreprenant, etc.), ce qui à mon avis est contestable mais tout aussi injuste que l‘inégalité devant l’école et le savoir. En effet, dans ce cas on ne me juge plus sur ce que je sais (et que j’ai fait l’effort d’apprendre) mais sur ce que je suis (or comment changer la personnalité pour correspondre au poste à pourvoir ?)

Puis, le système ayant sans doute montré ses limites, on en est maintenant à tester la compétence. L’enseignement a emboîté le pas en se disant que de toute façon on oublie à peu près tout ce qu’on a appris sur les bancs de l’école et donc qu’il vaut mieux ne plus rien apprendre. Ce qui compte, in fine, c’est de savoir faire. Certes, mais comment devenir un bon laborantin si je n’étude pas la chimie en profondeur ? Le système qui est en train de se mettre en place est vicieux car on ne donne pas toutes les bases nécessaires aux jeunes générations, mais on leur demande quand même de savoir résoudre le problème qui leur est posé à l’examen. A partir du dossier qu’ils ont sous les yeux (et donc ils ne connaissent strictement rien au départ sur le fond), les plus malins parviendront à proposer une réponse qui se tient. Ceux-ci seront recrutés car considérés comme intelligents et capables de s’adapter à des situations toujours nouvelles. A quoi cela sert-il d’avoir étudié le droit ? Les lois changent quand même sans cesse. Ce que le directeur du personnel (pardon, le Human ressources manager) qui m’engage désire surtout, c’est que je sois capable, par tous les moyens, de remporter les procès intentés contre sa firme. Moralité : à un système injuste, on en substitue un encore plus injuste car on naît intelligent dans certains domaines, on ne le devient pas. Et puis qu’est-ce que l’intelligence ? Il n’y a pas que l’intelligence livresque ou rationnelle (celle que veut développer l’école), il y a toutes les autres : affectives, intuitives, etc. Or on risque de me refuser un emploi parce que je n’aurais pas tel type d’intelligence alors que j’en possède peut-être de nombreux autres…

Enfin, bref, on me juge désormais sur une compétence supposée.

Dans une telle optique, la question de la culture (et donc de la lecture) devient tout à fait secondaire, on l’aura compris. Et puis de toute façon les usines vont continuer à fermer et à se délocaliser. Le nombre des chômeurs va croître d’une manière vertigineuse. Pourquoi dès lors passer son temps à former l’ensemble des citoyens ? Il suffit d’en former 20%, ce sera bien assez, les autres iront quand même au chômage, diplôme de lettres ou pas en poche. Et puis ce qui manque ce sont des chauffeurs de camions, pas des poètes ou des archéologues. Et que ferait-on avec un chauffeur qui lit la Princesse de Clèves, je vous le demande. Mieux vaut donc réduire les impôts (surtout ceux des sociétés, afin qu’elle soient concurrentielles) et ne plus dépenser bêtement de l’argent dans les écoles.

Conclusion : droite comme gauche sont tombées d’accord pour ne pas se poser la bonne question, qui est de savoir comment on pourrait transmettre le meilleur au plus grand nombre ?

Car si l’ancienne école était sélective sur les contenus, les plus courageux pouvaient encore espérer réussir par leur volonté. Maintenant la sélection est toujours aussi sévère mais on ne conserve qu’une tranche réputée « compétente ». Tant pis pour ceux qui n’en font pas partie. Pourtant il est évident que la culture conduit à plus d’humanité et à moins de barbarie. Mais en quoi une société qui fonde ses valeurs sur l’échange des marchandises a-t-elle besoin de la culture ? Du coup, l’apprentissage de la langue et les livres passent au second plan (ou au troisième).

Pourquoi les jeunes ne lisent-ils pas ? Parce que la littérature est trop difficile ? Non, parce qu’elle est trop difficile pour eux, ce qui n’est pas pareil. Et si elle est trop difficile, c’est parce qu’on ne leur a pas appris à lire. Une fois passé le cap de la première année primaire, on estime qu’un enfant sait lire. Mais c’est une capacité qui ne demande qu’à s’exercer. Il faut développer les potentialités de l’enfant, disent les programmes, partir de son vécu, de ce qu’il connaît et le pousser plus loin. Et bien justement, allons-y. Tout enfant de trois-quatre ans adore qu’on lui raconte des histoires. Une fois l’apprentissage de la lecture acquis, il faut continuer. Quelle joie pour l’enfant de pouvoir enfin lire tout seul ses histoires favorites, sans devoir attendre le bon vouloir d’un adulte (je me souviens encore de cette joie qui fut la mienne : acquérir une indépendance totale face aux histoires que je pouvais enfin lire autant de fois que j’en avais envie et quand j’en avais envie, sans parler de la fierté de savoir lire, évidemment). Or il semblerait bien que l’école ait fini par décourager cette petite flamme qui brillait au fond des yeux des bambins, si on en juge par le niveau de lecture des adolescents.

Maintenant, j’accuse ici l’école, mais n’est-elle pas le simple reflet de notre société ? Si elle s’adapte (et pas toujours dans le bon sens, comme on le voit), c’est simplement parce qu’elle essaie de suivre comme elle peut l’évolution de la société. On lui reproche d’ailleurs sans cesse de ne pas être assez en phase avec le monde professionnel. On retombe donc toujours sur la même problématique : la société a besoin de chauffeurs de camions et de vendeur d’aspirateurs, il nous faut donc des écoles qui préparent à ces métiers, disent certains.

Pourtant il me semblait qu’une rencontre personnelle avec les grandes œuvres de l’humanité ne pouvait pas faire de tort. Il est même des auteurs dont la lecture peut changer une vie et dont on ne sort pas intacts.

Evidemment, si la vie idéale consiste à regarder le football, à s’enrichir et à s’acheter le dernier modèle d’enregistreur vidéo, alors effectivement il ne sert à rien de lire. Mieux vaut apprendre à écraser l’autre que de se plonger dans les subtilités psychologiques de la Princesse de Clèves, non ?

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31/10/2007

Bonnes nouvelles

Dans la presse d’aujourd’hui, rien que de bonnes nouvelles.

Tout d’abord, le petit Nicolas (prince de Sarkozie et actuellement porteur de couronne au royaume de France), a non seulement demandé une augmentation de salaire de 140 % mais en plus il l’a obtenue. Il n’y a pas à dire, quand on se lève tôt et qu’on parcourt la planète dans tous les sens, on est récompensé. Au moins il y a une justice sociale.

A propos de justice sociale, les syndicats en sont encore à se demander s’ils n’organiseraient pas une nouvelle grève pour défendre les régimes spéciaux de pension. Ils sont en retard. Le gouvernement a déjà expliqué qu’il fallait 40 ans de cotisation pour tout le monde afin d’être équitable. Depuis, il défend déjà l’idée que ces 40 ans doivent devenir 41 ans. Evidemment, si tous les pensionnés veulent vivre un an de plus sur le compte de la collectivité, il ne faut tout de même pas exagérer. Mourir ou cotiser, il faut choisir. Encore quelques semaines et on proposera le chiffre de 45 années pour une carrière normale. Il faut être logique : pourquoi n’y aurait-il que le prince de Sarkozie qui devrait se lever tôt ?

Hier, justement, ledit prince s’était rendu en Corse, qui est manifestement la nouvelle île à coloniser (à moins qu’il n’ait rendu visite à ses anciens beaux-parents et à la mafia locale). «On va vous aider à vous développer et on va faire de la Corse un exemple de réussite républicaine », a-t-il dit sur le même ton qu’il employait jadis dans les banlieues, quand, encore petit candidat, il disait «cette racaille, on va vous en débarrasser ». Il a donc parlé d’investissements. Veut-il investir dans les appartements touristiques de masse et remplacer la côte sauvage par un boulevard digne des bords de Seine tout en faisant plaisir à ses amis entrepreneurs ? Probablement pas. Enfin il n’a rien dit de tel, craignant sans doute qu’on ne place une bombe sous sa voiture (il est sage, car c’est le contribuable qui l’a payée). Non, ce qu’il a proposé, c’est de remettre en question la notion de service public dans les transports. L’Etat n’a plus à assurer des lignes de bateaux régulières (qui coûtent cher), il doit laisser la place à des firmes privées qui font sans doute cela bénévolement puisque le prix de leur billet est moins cher. Donc, en disant, « on va vous aider », Sarko pensait surtout au portefeuille de l’Etat français. Qu’il est brave, tout de même. Les Corses étant presque des Français, ils vont y gagner aussi.

Autre bonne nouvelle, le secrétaire d’Etat à la consommation, Luc Chastel, voudrait privatiser le secteur de l’énergie, afin que le Royaume ne soit plus en retard par rapport aux autres pays européens. Ce serait le principe de l’offre et de la demande, le producteur proposant son prix et le fournisseur l’acceptant ou non. Ce système génial a déjà permis à la Belgique d’augmenter la facture de gaz des particuliers de 30 %, ce qui est remarquable. On aura compris qu’avec ce principe ce n’est pas toujours le consommateur qui gagne, mais au moins il y a toujours un gagnant.

Du côté de l’enseignement, on sait que les élèves du primaire n’iront plus à l’école le samedi et qu’ils pourront donc se lever plus tard. Pourquoi me direz-vous les travailleurs doivent-ils se lever tôt et travailler plus longtemps (voir chapitre des pensions ci-dessus) alors que les enfants doivent faire le contraire ? C’est pour mieux apprendre, nous dit le ministre. Moins on étudie et plus on sait donc. Le système d’apprentissage est donc inversement proportionnel au système de production. Je ne le savais pas (de mon temps on passait encore beaucoup d’heures à l’école) mais le ministre, lui, le savait et c’est ce qui compte. Ce n’est pas pour rien qu’il est ministre. C’est évidemment pour sa compétence qu’on l’a nommé et pas parce qu’il connaissait Cécilia (imaginerait-on une chose pareille ? Il n’y aurait plus de justice).

Les élèves travailleront moins, mais pas les instituteurs, nous a-t-on assuré. Il y a cependant 11.000 postes à supprimer (raison d’économie oblige, c’est normal, il faut être rentable). Oui, mais où et comment ? On imagine déjà de limiter le nombre de redoublement. Ainsi cela fera moins d’élèves au total (puisque la scolarité sera plus courte), moins d’instituteurs et de professeurs et plus d’amour propre pour les jeunes puisqu’ils « n’échoueront » presque plus. Sans doute sortiront-ils avec un diplôme sans avoir maîtrisé toute la matière, mais tout ce qui compte, c’est le diplôme, non ? C’est bien pour cela que Dati avait triché en disant qu’elle détenait celui qu’elle n’avait pas. Mais bon, il faut oser parfois si on veut avoir du boulot. Au moins elle n’est pas chômeuse, elle.

Et les universités dans tout cela ? Les étudiants (surtout ceux de lettres, ces éternels rouspéteurs) continuent à désapprouver le principe de la décentralisation (qui permettra aux régions riches d’avoir un bon niveau d’enseignement et aux régions pauvres de ne plus avoir d’enseignement du tout) ainsi que celui de la responsabilité financière (qui consiste à gérer une université comme une firme privée, autrement dit à ne faire que ce qui rapporte). Ils ont tort, ces étudiants. Quel meilleur moyen de les préparer à la vie des grandes entreprises si ce n’est en rendant leur école semblable à ces grandes entreprises (toutes grandes fournisseuses d’emploi et générant des bénéfices plantureux, comme chacun sait). Vous me direz que les étudiants en lettres ne se retrouveront pas dans ces grandes entreprises mais dans l’enseignement. Comme il n’y a plus de postes de professeurs de prévu, qu’on supprime une fois pour toutes ces sections qui ne servent à rien.

Le groupe franco-américain Alcatel-Lucent, quant à lui, parle de supprimer 4 000 postes, mesure qui viendra s'ajouter à celle déjà mise en oeuvre en février dernier : 12 500 postes avaient été supprimés, dont 1 468 en France. Le but est de réduire les frais afin de dégager (enfin ) des bénéfices (Le sud-coréen Samsung Electronics a de son côté annoncé un chiffre d'affaires de 100 milliards de dollars en 2007, ce qui est nettement mieux). Pour le moment, on ne sait pas encore dans quelle proportion la France sera touchée par ces licenciements. On espère qu’elle le sera beaucoup, ce qui permettra à quelques travailleurs de se lever un peu plus tard. Le libéralisme, en effet, ne vous demande pas des sacrifices toute votre vie, il ne faut pas croire ceux qui vous disent cela.

Dans la presse internationale, on apprend que le barrage de Mossoul en Irak risque de s’effondrer. Cela provoquerait une vague de 20 m de haut qui irait jusqu’à Bagdad et occasionnerait la mort de centaines de milliers de personnes. C’est, paraît-il, les fondations du barrage qui ne sont pas solides. Un petit incident (une bombe américaine larguée là par erreur, par exemple) et c’en est fini des opposants au régime de Bush. Magnanimes, les Américains ont déjà proposé de le reconstruire. Voilà qui va donner de l’emploi et en cette période de crise il faut s’en réjouir. De toute façon les Irakiens ont de quoi payer puisqu’ils ont du pétrole. C’est même nous qui le leur achetons.

Les vrais faux orphelins du Tchad ne seront plus vendus en France pour la modique somme de 2.400 euros. Il faudra attendre la reprise des hostilités pour avoir de vrais orphelins labellisés qu’on pourra revendre plus cher. Kouchner, le sauveur, veut d’ailleurs un couloir humanitaire pour résoudre le problème. Il défend aussi la présence de Total en Birmanie, société, qui, si elle s’en allait de ce pays, laisserait un vide économique sans précédent et fort préjudiciable à la population. Nous n’en avons jamais douté. Le côté philanthropique de Total n’a jamais échappé à personne.