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30/05/2016

"Le miroir d'une vie" de Nadège Piéron

Dans ces salons ou ces bourses aux livres, on parle et c’est assurément ce qui les rend intéressants. Il faut dire que les rencontres avec le public se transforment le plus souvent en rencontres entre auteurs et c’est très bien aussi.

Ce jour-là, j’avais été intrigué par ma voisine. Très jeune, assise dans un fauteuil roulant, elle arborait pourtant un grand sourire. Ou trouvait-elle la force de ne pas en vouloir à la vie, qui manifestement ne l’avait pas gâtée ? On a parlé un peu, pas beaucoup, quelques banalités, finalement. Mais elle écrivait, ce qui m’intéresse toujours au plus haut point, et j’ai tout de suite pressenti qu’elle devait puiser là une force certaine. Les gens heureux n’ont pas d’histoire et aux racines de l’écriture on trouve souvent une faille, une déchirure ou un drame. Dans son cas, il ne fallait pas aller chercher bien loin. Pourtant, je ne savais encore rien.

Revenu chez moi, j’ai lu son livre de poèmes. Le premier texte m’a semblé un peu naïf.

Mon cœur souffre quand tu es loin de moi

Mon cœur sourit quand je suis dans tes bras 

Bon, soit. Mais à la deuxième page, le sujet devenait plus interpellant : « Pourquoi moi ? Pourquoi pas elle ? » Elle, la sœur jumelle qui ne souffrait pas d’un handicap. Question existentielle s’il en est. Oui, pourquoi ? Pourquoi la vie s’acharne-t-elle sur certains et pas sur d’autres ? Pourquoi est-elle si injuste ? Il n’y a pas de réponse, on peut juste poser la question pour montrer qu’on est conscient de cette injustice. L’écriture, c’est cela aussi : dire.

Le livre, du coup, commençait à prendre un certain poids et à devenir beaucoup plus profond.

Ensuite venaient des poèmes d’amour, dans lesquels on sentait que la jeune femme avait trouvé l’âme sœur, le compagnon idéal. Un sourire aux lèvres, le lecteur que j’étais était content pour elle. Enfin, la vie s’était montrée tendre et généreuse à son égard. L’injustice était en grande partie réparée et voilà sans doute ce qui expliquait le sourire qu’arborait la poétesse.

Vient ensuite un poème intitulé « Aurore » qui s’adresse à l’enfant désiré, à la fille que la jeune femme voudrait avoir. C’est beau et émouvant de s’adresser ainsi à un enfant qui n’est pas encore né. Sur un plan littéraire, c’est très réussi. On sent le rêve qui s’exprime par les mots :

J’ai tellement peur

De ne pas voir naître ce bonheur.

Pour moi,

Tu es déjà là.

Mais le bonheur est court et soudain le rêve se brise. L’homme qui partageait la vie de l’auteure a disparu. Le futur père, l’amoureux, l’amant merveilleux, s’en est allé rejoindre les étoiles, sans doute frappé par la maladie.

Et là on arrête sa lecture. On se dit que ce n’est pas possible, autant de malheur. On a peut-être mal compris. Mais quand on revient aux poèmes, la vérité est bien là :

Je suis envahie par le désespoir

Je ne sais plus y croire

Viennent ensuite des poèmes remplis de tristesse, de solitude et de manque, très beaux, très émouvants.

Quand on referme le livre, on n’est plus le même. C’est un petit livre, certes, mais qui reflète toute une existence. Le titre, « Le miroir d’une vie », auquel on n’avait tout d’abord pas prêté attention prend subitement tout son sens.

Et on se souvient une nouvelle fois du sourire de la jeune femme, à la bourse aux livres, et on se demande plus que jamais où elle trouve cette énergie vitale. En elle-même, manifestement, et dans les mots qu’elle écrit et qui relèvent d’une démarche cathartique. Quand je disais que ceux qui écrivent le font par nécessité…

 

Littérature

00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature

28/05/2016

"Le Puma" de Joël Remy

Rencontre intéressante, l’autre jour, au salon du livre de Vresse-sur-Semois, avec Joël Remy, qui m’avait gracieusement offert le livre qu’il venait présenter. Je viens d’en terminer la lecture et je dois dire que je me suis laissé emporter par ce récit qui se situe en Bolivie et au Pérou et dont le réalisme-magique n’est pas sans rappeler celui de Garcia Marquez.

Le thème du livre est celui d’une quête. Quête réelle, puisque la femme du héros, Bernard Desille, a mystérieusement disparu et que celui-ci part à sa recherche jusqu’à l’autre bout du monde, mais quête existentielle aussi puisque ce voyage est avant tout initiatique. En effet, confronté à une autre civilisation où le mystère et le chamanisme ont toujours droit de cité, notre personnage va peu à peu accepter cette autre manière de concevoir l’univers. Il va donc progressivement abandonner son point de vue d’Occidental cartésien pour adopter celui des Incas ou des Indiens de l’Amazone. Sa quête est aussi un voyage au bout de lui-même, car dans cette aventure aux mille rebondissements il va se transformer. Lui qui au début paniquait à la vue du moindre serpent devra faire preuve d’un courage de plus en plus grand, découvrant en lui des qualités dont il ne soupçonnait pas l’existence.

Ce livre peut se lire à plusieurs niveaux. Il y a indéniablement un aspect politique, avec l’armée qui est sur le point de prendre le pouvoir afin d‘établir une dictature et qui n’hésite pas à massacrer les faibles, les indiens en premier. Il y a de la poésie aussi et le lecteur se laisse emporter dans des paysages superbes, sur les routes des Andes ou au cœur des marécages amazoniens. Il y a surtout des relations humaines de qualité, que le héros tisse avec divers personnages qui deviennent des amis intimes et qui l’aident d’une manière exemplaire dans sa recherche. On appréciera les rapports authentiques tissés avec les paysans péruviens, qui n’hésitent pas à ouvrir leur maison à leurs hôtes de passage. Ce roman peut-être lu aussi comme un roman policier car c’est à une véritable enquête que Bernard Desille se livre. Il y a des gens qui le surveillent et le prennent en photo, il y a des enlèvements, du chantage, du cynisme. Mais cet ouvrage est d’abord un roman d’initiation. Le héros traverse des rivières pour accéder à un autre monde. Sans vêtements et nu, couvert d’argile comme les Indiens, il devient différent et renaît à une autre vie, une vie centrée sur l’essentiel, à savoir l’amour qu’il éprouve pour sa compagne.

Mais il y a surtout ce côté magique, qui oblige le lecteur à remettre en question son point de vue occidental sur le monde. Et c’est là qu’intervient le Puma, cet animal mythique qui donne son titre au livre. C’est le Puma qui donnera à Bernard la force de combattre ses ennemis et qui le guidera sur le chemin qui devrait l’amener vers sa femme. Celle-ci, avant de disparaître mystérieusement, lui a d’ailleurs laissé quelques signes qu’il tentera d’interpréter pour la localiser. Quant au Puma, purement imaginaire au départ, il suffit de croire en lui pour qu’il apparaisse réellement, guide éternel sorti tout droit de la mythologie indienne. On n’est pas loin du fantastique dans la dernière partie du livre, mais c’est très beau, très prenant, un peu comme un conte merveilleux.

Je ne vous dirai pas ici si le héros retrouvera ou non sa femme, vous laissant le soin de le découvrir en lisant cet ouvrage, qui vaut franchement le détour.

Notons que l‘auteur, jeune retraité, était instituteur et directeur de plusieurs écoles dans notre belle province du Luxembourg. Il a été aussi bénévole dans une association humanitaire ce qui l’a mené à visiter la Bolivie, où il a puisé son inspiration pour le présent livre.

 

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24/05/2016

"Sables" de Laurent Dumortier

Dès la première phrase qui est une sorte d’exergue, le ton est donné : « Chaque grain du sablier qui s’écoule est un morceau de vie qui tombe, une chute dans le néant du passé. Le futur est là, sous nos yeux, mais il est irrémédiablement condamné… »

On l’aura compris, les textes que l’on va lire ne brilleront pas par leur optimisme. L’auteur nous dit que la vie (notre vie) nous file irrémédiablement entre les doigts. A peine vécu, le moment présent est déjà du passé et ne nous appartient plus. Quant au futur, inutile de se réjouir, il sera bientôt, lui aussi, du passé. La vie (notre vie) nous apparaît donc comme illusoire. Privés de futur, nous ne sommes déjà plus que du passé avant même d’avoir été. 

J’adore ce genre d’approche, qui fait réfléchir tout en nous donnant une gifle pour nous réveiller. Car la littérature, cela me semble aller de soi, n’est pas là pour nous raconter des histoires (dans les deux sens du terme) mais pour nous amener à la conscience. On peut dire que Laurent Dumortier y arrive pleinement car on ne sort pas tout à fait indemne de ses textes.

Ceux-ci sont courts, très courts même, et l’auteur s’en explique au début de son petit recueil. Il ne veut pas, ici, s’embarrasser de la psychologie de ses personnages (sans quoi il aurait écrit un roman) mais nous présenter « un instantané, une photographie d’un événement ». Dès lors, le genre littéraire adopté doit correspondre à ce qu’il veut exprimer. Ses récits voulant aller à l’essentiel, une ou deux pages suffisent amplement pour nous montrer que la mort n’est jamais loin et qu’elle nous guette au tournant.

Le thème du sable (celui du sablier, qui symbolise le temps qui fuit) est le leitmotiv qui traverse toutes ces petites nouvelles, aussi sombres que percutantes. Sable du désert, rose des sables un peu magique, sable avec lequel on fabrique le verre, sables mouvants dans lesquels on s’enfonce désespérément sans espoir d’en ressortir, sable qui envahit l’espace et qui risque de nous étouffer, sable des plaines de jeux où les enfants disparaissent… Tous ces sables sont inquiétants et nous rappellent que notre vie actuelle, que l’on croit bien stable, peut  très vite basculer dans l’horreur.

Car certaines des nouvelles de ce recueil sont à la limite du fantastique, ce qui leur donne un petit côté original que personnellement j’ai adoré. Bon, je ne vais pas ici vous donner trop de détails, mais retenez que ce côté fantastique sert surtout à nous montrer que notre vie confortable peut basculer à tout moment. Comme je le disais au début : nous n’avons pas de futur, le temps de nous apercevoir que nous sommes éphémères et déjà nous avons passé.

L’illustration de couverture (merci à France Delhaye !) est en elle-même un résumé du livre, puisqu’elle nous montre un squelette dont les os sont déjà partiellement éparpillés sur un lit de sable. Beau raccourci pour dire que chaque grain de sable qui s’écoule du sablier nous rapproche de l’instant fatal. « Vulnerant omnes, ultima necat » (Toutes blessent, la dernière tue), disaient les anciens Romains en parlant des heures. Voilà une formule que Laurent Dumortier aurait pu faire sienne, assurément.

Bonne lecture, ne traînez plus pour vous procurer ce livre, car le temps presse, je vous assure !  

 

Littérature

00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature

19/05/2016

"Nuageux à couvert" de Marcelle Dumont, aux Editions Chloé des Lys

Nuageux à couvert de Marcelle Dumont

Joli recueil de nouvelles que nous offre là Marcelle Dumont. C’est le premier livre que je lis d’elle mais je n’ai vraiment pas été déçu (pour ceux et celles qui n’auraient pas compris,  cette tournure est une litote pour dire que j’ai adoré).

Souvent les lecteurs sont un peu réticents à lire des nouvelles. Ils ont tort, car chaque texte pris isolément est souvent très fort. Sans doute préfèrent-ils les textes plus longs, qui leur permettent de rester avec les mêmes personnages pendant 250 pages. Sur ce point-là, évidemment, on ne peut que leur donner raison et j’avoue que moi-même j’étais tellement pris dans les différentes histoires racontées ici que j’aurais voulu qu’elles se poursuivent. Loin d’être là un défaut, c’est plutôt la preuve d’une grande qualité littéraire.

Ceci dit, à y bien réfléchir, les textes de Marcelle ne sont pas des nouvelles au sens strict. En effet, une nouvelle est généralement courte et sa fin doit être surprenante. Ici, certains textes sont tout de même assez longs et la situation qu’ils décrivent se poursuit jusqu’au bout. Plutôt qu’une fin étonnante, on a plutôt une fin inéluctable, qu’on sentait venir, mais qui du coup plonge le lecteur dans une réflexion existentielle. En effet, les histoires racontées, qui tournent pourtant autour de l’amour et du désir, finissent quasi toutes de manière dramatique. Non pas qu’il y ait des crimes (à vrai dire, il y en a un, mais chut, je ne veux rien révéler) mais plutôt une sorte de destin auquel les personnages n’échappent pas. Pourtant, on n’est pas ici dans la tragédie grecque, avec des dieux qui se jouent des hommes et de leur « ubris », de leur orgueil. Non, on a plutôt des personnages qui recherchent l’amour à tout prix, pour différentes raisons, et qui du coup se retrouvent dans une relation de couple peu satisfaisante. Quelque part, ils sont donc responsables de la situation dans laquelle ils se sont mis. Pourtant, Marcelle Dumont ne les condamne pas. On dirait plutôt qu’elle voudrait les voir réagir, prendre enfin leur vie en main  et retrouver leur liberté. Mais les pauvres n’y arrivent pas, car les hommes (ou plutôt les femmes, car ce sont surtout elles les héroïnes) sont faibles.

Différents cas de couples mal assortis sont envisagés (ce qui donne au recueil une unité certaine et il suffit de suivre ce fil rouge pour passer d’un texte à l’autre). Il y a la petite bourgeoise hautaine, fière de sa beauté, dont la mère repousse tous les prétendants car ils ne sont jamais assez bien pour elle et qui finira vielle fille. Il y a celle qui veut fuir sa mère à tout prix et qui pour cela épouse le premier venu. Il y a celle qui rêve de voit enfin mourir ce mari mal aimé qui végète maintenant dans un lit, quasi inconscient. Il y a la petite employée qui passe son temps de midi avec un collègue bien sympathique, mais qui se rend compte un jour qu’elle est sur une pente dangereuse. Il y a les amoureux de la Grande Guerre, qui ne peuvent que s’écrire des lettres de plus en plus tendres. Pourtant le beau Poilu restera dans sa tranchée et en reviendra pas. Il y a deux marchands de glace italiens qui se battent pour les beaux yeux d’une demoiselle un peu provocante. Il y a celle qui a épousé un artiste un peu fou, avec qui la vie est tout simplement impossible, mais qu’elle aime et qu’elle aimera toujours, même quand le couple se sera défait. Il y a  Christine, qui sombre peu à peu dans la folie (un cas d’Alzheimer ?) au décès de son mari. Ce texte est beau et poignant, car la décrépitude de l’héroïne est décrite par petites touches, ce qui prouve que Marcelle Dumont sait raconter une histoire. Tout est vu en fait par les yeux naïfs et incrédules de Christine, qui ne comprend plus rien au monde qui l’entoure et qui perd peu à peu la mémoire. Il y a enfin la petite tenancière d’une pompe à essence qui finit par prendre un amant pour échapper à sa vie morne.

Dans tous les cas, donc, les femmes de ces histoires avaient misé sur l’amour et elles se retrouvent malheureuses et prises au piège. Marcelle Dumont semble donc vouloir nous donner une leçon de lucidité. Ne rêvez pas, ne comptez pas sur les autres et encore moins sur le prince charmant. Trouvez plutôt assez de force en vous pour vous assumer.

Le style est très classique, très beau et se lit sans difficulté aucune. Les mots et les phrases coulent comme une rivière et le lecteur se laisse emporter par ce flot continu. C’est vraiment là un beau recueil.

 

Littérature

00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature

17/05/2016

Edmée de Xhavée, "Villa Philadephie", Editions Chloé des Lys

Je l’avais commandé.

Il m’est parvenu, je l’ai lu, il m’a plu.

Lui, c’est le dernier livre d’Edmée De Xhavée, « Villa Philadelphie ». Il s’agit d’un récit où tout se dédouble, mais où le semblable est finalement différent. C’est l’histoire de deux sœurs qui se marient et à qui leurs parents ont acheté deux maisons jumelles, afin que même adultes elles ne soient pas séparées. Le jardin et la véranda sont même communs, ce qui facilite les échanges. Dans ce jardin, se dresse une nymphe de pierre toute moussue, statue unique qui symbolise le destin de la femme (amour et désir). Et en effet, chacune des sœurs, sortant de l’adolescence, va devoir choisir son destin de femme. Le lecteur va vite se rendre compte que leurs chemins vont être très différents. Le désir des leurs parents de les réunir sous un même toit est donc une illusion. Ce sont eux qui se sont imaginé qu’elles étaient semblables, mais il n’en était rien. Rosalie est énergique, pleine de vie et a épousé un homme qui l’adore. Eveline est plus effacée, plus terne, et on la remarque moins. Il faut dire que depuis sa petite enfance, elle est dominée par son aînée car celle-ci a besoin d’attirer l’attention sur elle. Aimée, la mère, rentrera dans son jeu sans même le remarquer et complimentera toujours son aînée au détriment de la cadette. Rien d’étonnant que celle-ci devienne plus effacée et épouse un homme sans relief qui ne se marie que par convention et non par amour.

La dualité, cependant, continue en apparence. Mariages, fausses couches, premières naissances, les deux sœurs semblent connaître la même vie. Sauf que la première resplendit et que l’autre est terne, sauf que l’une est aimée et que l’autre n’est même pas désirée. Et c’est là que tout bascule. Se rendant compte de l’échec de son mariage, Eveline cherchera en elle-même le sens de son existence. Elle puisera sa force dans son amour de mère et dans sa richesse intérieure. Du coup, petit à petit elle va se transformer jusqu’à finir par rayonner. Les étranges broderies qu’elle réalisait adolescente, ternes d’un côté et exubérantes de couleurs de l’autre (toujours ce thème de la dualité, donc) préfiguraient déjà cette évolution.

Mais tandis qu’Eveline tire son bonheur d’elle-même, sa sœur Rosalie continue à avoir besoin du regard des autres (celui de son mari, mais surtout celui de sa mère) pour exister. Elle brille, certes, mais à travers leurs yeux.

La vie avance et Edmée De Xhavée fait défiler les années devant nos yeux. Le roman commence en 1920 et se termine au début des années soixante.  Par petites touches, l’auteur nous fait découvrir la vie aisée de la bourgeoisie de Verviers, enrichie par le commerce de la laine, puis c’est la guerre, qui emportera le mari de Rosalie, et enfin le lent déclin de la cité lainière. Derrière le destin des héros, on peut donc lire en filigrane celui de toute une région.

L’écart entre les deux sœurs s’est maintenant creusé à un point tel qu’elles sont devenues bien différentes. Alors qu’Eveline a toujours son mari, son fils Paul et une fille qui est née sur le tard, Roseline est veuve et vit seule avec son grand fils, qui tout doucement regarde ailleurs. N’ayant plus personne pour l’admirer et la mettre sans cesse en valeur (Aimée, la mère, vient de décéder) elle sombre tout doucement dans une sorte de folie, accusant même sa sœur cadette des pires crimes. Vieillissante, l’image que son miroir lui renvoie est désormais celle d’une femme décrépite et laide (toujours ce thème du double, où le même est finalement différent de ce que l’on croyait).

 Les enfants se marient et quittent la maison. Eveline se rend compte qu’elle ne peut plus rester là, entre sa sœur en pleine décrépitude et qui ne lui adresse même plus la parole et son mari plus que terne et qui ne s’intéresse qu’à sa collection de papillons. Elle décide donc de prendre définitivement sa vie en main et de partir. La villa sera vendue et détruite. Seule subsistera la nymphe dans le jardin. Faite en pierre, elle était finalement la seule à devoir être immuable et éternelle.

C’est donc un beau roman qu’Edmée De Xhavée nous offre là. Comme d’autres l’ont déjà écrit ailleurs, on sent en elle une grande aisance à analyser l’âme féminine et le moindre regard ou la moindre parole de ses héroïnes est toujours finement décortiqué. Le lecteur découvre ainsi, par petites touches, leurs aspirations et leurs déceptions, leurs désirs et leurs regrets. J’ai particulièrement apprécié le lent continuum qui nous montre le cheminement de chacune des deux sœurs et qui fait que finalement la situation s’inverse. C’est Eveline la timide et l’effacée qui finira par rayonner et par prendre sa vie en main tandis que celle que l’on croyait  brillante et qui n’était finalement que superficielle, sombrera perdue dans sa propre médiocrité.

Derrière tout cela, il y a l’amour. Certes Rosalie était aimée de son mari comme de sa mère (tandis qu’Eveline l’était beaucoup moins), mais en femme égoïste elle s’est nourrie de cet amour et n’a rien donné en retour. Une fois les êtres qui l’admiraient disparus, elle s’est retrouvée pour la première fois face à elle-même et ne l’a pas supporté. Eveline au contraire avait de l’amour en elle et même si elle en  a moins reçu, elle a su se construire à partir de ses rêves et de ses aspirations. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’à la fin du roman elle quitte la villa Philadephie pour commencer une nouvelle vie pleine d’espoir à l’étranger.

En conclusion, je recommande vivement ce livre bien écrit, au style agréable, à tous ceux qui aiment l’analyse de l’âme humaine. J’ai pris un réel plaisir à le lire.

 

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00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature

13/05/2016

Manque de temps

J'ai peu de temps, ces jours-ci et je suis occupé de tous côtés : le boulot, le potager et des salons du livre.

Lors de ces derniers, on croise peu le public mais on fait des rencontres étonnantes avec d'autres auteurs. J'ai donc lu leurs livres et en ai fait un petit commentaire sur ma page Facebook. Ben oui, je n'aime pas Facebook, qui contient tout et n'importe quoi (et où il y a rarement de grands articles de fond comme on en trouve sur les blogs) mais je m'y suis mis pour être visible comme auteur débutant car il paraît que c'est là que tout se passe. Bon, ne soyons pas naïfs non plus et comme disait je ne sais plus qui, "Avoir beaucoup d'amis sur Facebook, c'est un peu comme être riche au Monopoly".

Bref, tout ça pour dire que je me suis amusé ces derniers jours à rédiger quelques critiques de livres, ceux des auteurs rencontrés ou ceux qui sont édités comme moi chez Chloé des Lys (articles publiés dans ce cas sur le blog de l'éditeur). A chaque fois, je dois dire que j'ai été agréablement surpris par la qualité des recueils. Comme quoi, on peut découvrir quelques perles chez les petits éditeurs et il n'est pas mauvais de sortir des sentiers battus. 

Bref, ayant peu de temps à consacrer à Marche romane, je vais publier ici dans les jours qui viennent les quelques critiques dont je viens de parler. 

 

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06/05/2016

Chaperon rouge sang

Au coin d’un bois j’ai rencontré le petit Chaperon rouge qui pleurait. Assise sur une souche, la pauvrette semblait désespérée.

– Qu’y a-t-il, petite, qui te bouleverse à ce point ?

– Un chasseur a tué le loup, le grand loup gris qui hantait ces parages.

– C’est peut-être une bonne chose, non ? Un loup, c’est méchant…

– Non, celui-là je le connaissais. On parlait souvent ensemble et je lui offrais des galettes de mon panier, celles que ma mère cuisait pour ma mère-grand.

– je vois, ce loup était ton ami. Peut-être au fond de toi l’aimais-tu ? Tu n’aurais pas été un peu amoureuse ?

– Non, mais je l’aimais bien. Parfois on se roulait sur l’herbe et j’aimais sentir ses poils contre la peau de mon visage.

– C’est ce que disais, tu étais un peu amoureuse.

– Mais non. Pourtant j’adorais quand il me léchait la figure et qu’il descendait dans le cou. J’avais des frissons partout.

– Bon, je ne vais pas insister, mais…

– J’aimais aussi quand il soulevait ma jupe et qu’il mettait sa tête sur mes cuisses nues.

– Tu vois ? Tu l’aimais, c’est tout.

– Mais non, je te dis. L’amour c’est autre chose. L’amour c’est un chevalier qui arrive sur son cheval blanc et qui t’emporte au paradis.  Lui, c’était un loup. Mais quand il avait mangé deux ou trois galettes et qu’il m’embrassait, j’adorais.

– Parce qu’en plus il t’embrassait ?

– Bien sûr, qu’est-ce que tu crois ? Je suis une grande fille, déjà. Et bientôt je serai une femme.

– Certes. Mais quand même, un loup… Qu’aurait dit ta mère si elle avait su cela ?

– Elle m’aurait dit de prendre un autre chemin, celui des aiguilles, par exemple. Et d’éviter le loup

– Et toi, qu’aurais-tu fait ?

– Je ne l’aurais pas écoutée, bien sûr ! J’aurais pris l’autre chemin et j’aurais offert toutes les galettes à mon ami le loup.

– Je vois. Et que vas-tu faire, maintenant que le grand loup gris, ton  ami, est mort ?

– Je ne sais pas. Je ne vois plus trop l’intérêt d’aller chez ma mère-grand. Elle est vieille et n’entend presque plus rien.  Mon ami le loup, lui, avait de grandes oreilles et je pouvais lui confier tous mes chagrins.

– Tu as des chagrins à ton âge ? Quel genre de chagrins ?

– Bien sûr !   Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’avoir des chagrins ?

– Je ne sais pas.  Je croyais que c’était réservé aux grandes personnes.

– Bien sûr que non !

– Et quel genre de chagrin avais-tu ?

– J’aurais voulu passer toutes mes journées et toutes mes nuits avec mon ami le loup. J’aurais tellement aimé sa chaleur quand il se serait blotti contre moi.

– Oui, je comprends. Tu dois terriblement en vouloir à ce chasseur…

– Si je le croise, je le tue.

– Et comment t’y prendras –tu ?

– Je ne sais pas. Encore que… Tu sais, je suis une femme ou c’est tout comme. Il suffit de faire un peu de charme et il va déposer son fusil pour m’embrasser. A ce moment-là, je n’ai plus qu’à prendre le fusil.

– Diable ! Tu ferais cela ?

– Et pourquoi pas ?  Il a bien tué mon ami le loup !

– Oui, c’est ce que je disais. Tu devais être amoureuse.

 

Littérature

01:25 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature

01/05/2016

Contestation

Il y aura toujours quelque part un homme debout

Un homme qui dira non et qui fera trembler tous les gouvernements

Il y aura toujours quelque part des peuples qui se révolteront

Des peuples qui refuseront de se soumettre

Il y aura toujours certes des prisons pour enfermer les contestataires

Des prisons pour tenter de les faire taire

Mais il y aura toujours aussi des livres et des écrits pour dénoncer et pousser à la révolte

Des livres et des écrits pour faire réfléchir et pour dire non

 

Tant qu’il y aura de tels livres, tout espoir restera permis

 

Littérature

02:01 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature