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01/02/2016

Le chaperon rouge, étymologie

Revenons encore une fois au conte du Petit Chaperon rouge.

Mais avant d’aller plus loin, il conviendrait de s’interroger sur le sens de ce « chaperon ». Ce terme désigne une coiffure à bourrelet terminée par une queue que portaient les hommes et les femmes du Moyen Âge. Selon Furetière, cette coiffure serait restée en usage pour les hommes jusque sous le règne de Charles VII. Pour les femmes, le chaperon était plutôt « une bande de velours qu’elles portaient sur leur bonnet ; et c’était marque de bourgeoisie ». Le terme a désigné également un grand voile dont les veuves se couvraient la tête et le «bourrelet à pendant d'étoffe, garni d'hermine, fixé sur l'épaule gauche de la robe des magistrats, docteurs, professeurs ».

L’idée de base est donc bien celle d’une étoffe qui recouvre. Chaperon est en fait un diminutif de chape.

Le Robert historique nous apprend que « cape », puis « chape » est issu du bas latin « cappa », désignant un capuchon et manteau à capuchon. Notre mot « cape » actuel est de formation savante.

La « chape de plomb » était le nom d’un ancien instrument de torture qui est passé dans l’usage avec une valeur figurée. Sinon, le terme a pris une valeur technique en maçonnerie : la chape qui recouvre un mur.

Le chaperon, quant à lui, est comme je l’ai dit un diminutif de chape et désignait donc une coiffure à bourrelet terminée par une queue. Dans le conte de Perrault, c’est par métonymie que le terme a désigné la petite fille qui portait le chaperon. A mon avis la couleur rouge choisie n’est pas innocente puisqu’elle préfigure le carnage perpétré par le loup. Si on veut bien accepter la théorie qui veut voir dans le conte l’éveil d’une jeune fille à la sexualité (cf. aussi l’expression « voir le loup », « avoir déjà vu le loup ») cette couleur rouge pourrait faire référence aux premières règles de la puberté. Quant à voir une autre allusion sexuelle dans la queue du bonnet, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Revenons plutôt à l’histoire de la langue.

Par extension et au figuré, le chaperon a fini par désigner « une personne respectable, généralement d'un certain âge à qui l'on confiait naguère (parfois encore aujourd'hui) pour des raisons de convenance et notamment pour les sorties, la surveillance d'une jeune fille ou d'une jeune femme. » (Dictionnaire de l’Académie, 1932).

Furetière parle de « grand Chaperon » pour désigner ces dames respectables qui accompagnent les jeunes filles. Le Dictionnaire de l’Académie (1694) reprend la même définition : « on appelle figurément grand chaperon les femmes d’âge qui accompagnent les jeunes filles dans les compagnies, par bienséance et comme pour répondre de leurs conduites ».

L’idée de protection que contenait le mot chaperon est donc passée dans le sens moral.

Notons aussi que ce sens du mot « chaperon » renvoyait donc bien une personne et dès lors Perrault n’a eu aucune difficulté à nommer la petite fille de son conte par sa coiffe.

Quant au verbe « chaperonner », utilisé surtout au participe passé, il signifiait à l’origine « coiffé d’un chaperon », mais le sens strict s’est limité au domaine de la fauconnerie (« Petit casque de cuir dont on recouvre le crâne et les yeux des rapaces »).  Au sens dérivé, chaperonner veut dire « accompagner une jeune personne pour la protéger et la surveiller ».

Pour revenir à notre conte de Perrault, on remarquera donc toute l’ambiguïté du terme « chaperon » puisque la petite fille ainsi habillée était supposée être protégée (contre les intempéries, mais aussi moralement) alors qu’en réalité elle est livrée à elle-même sur les routes où rode le loup. C’est d’ailleurs sur les conseils du loup qu’elle prend le chemin le plus long (tandis que le loup prend le plus court). De plus, tandis que le loup se met à courir, la petite fille prend le temps de cueillir des fleurs (reflet de ses états d’âme romantique, préfiguration de l’amour ?)

La couleur rouge, celle du sang, accolée au chaperon supposé la protéger est donc une sorte de contradiction ou si vous aimez les figures de style, un oxymore.

 

Littérature

Commentaires

Quoi de plus naturel : le loup aussi occit et mord.. :)

Écrit par : agnès | 01/02/2016

L'occit mort c'est cette pauvre gosse livrée à la folie qui voit rouge. On lui fait porter une coiffe déjà surannée du temps de Perrault, autrement dit une parure anachronique, un bibi de vieille coquette. Elle est rendue ridicule, risible, un vrai carnaval. Le conte le dit littéralement: "sa mère en était folle et sa mère-grand plus folle encore".
Elle est dévorée par les yeux de ses prédatrices naturelles (tout aussi redoutables que le loup), qui en l'affublant de cette vêture de fête insensée, la subliment en signe sexuel affolant.
Relisons "Une faim de loup" (lecture du Petit Chaperon Rouge), d'Anne-Marie Garat

Écrit par : Michèle | 01/02/2016

"la subliment en signe sexuel affolant" : de fait, on ne peut pas ne pas la voir. Elle est presque donnée au loup qui occit et mord :))

Écrit par : Feuilly | 02/02/2016

Avec son chapeau rouge à queue et bourrelet, son petit panier (on peut y mettre la main, à son panier?) sa mission insensée de traverser un bois que l'on sait habité par le loup rusé... qu'elle trouve d'ailleurs déjà au lit, ardent et affamé de sa chair fraîche... oh la la en effet ce conte a bien peu pour les enfants :))))

Écrit par : Edmée De Xhavée | 07/02/2016

@ Edmée : tu me fais penser en effet, que le panier en lui-même est plein de symboles et de sous-entendus. Mais tu sais de quoi tu parles, toi qui justement fustigeais récemment le comportement de quelques loups :))

Écrit par : Feuilly | 07/02/2016

Non seulement le panier est plein de symboles mais il est plein tout court. Non solum sed etiam.

Écrit par : Michèle | 08/02/2016

:)) L'histoire ne dit pas qui finalement aura mangé la galette et le pot de beurre.

Écrit par : Feuilly | 08/02/2016

Les commentaires sont fermés.