Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/03/2015

De la première mondialisation

Au fil de mes lectures, je suis tombé sur ce passage qui m’a paru d’une singulière modernité puisqu’on y évoque déjà le recul des frontières et la mondialisation que nous connaissons aujourd’hui. Une fois que les navires ont cessé de longer les côtes et qu’ils se sont élancés sur la pleine mer, d’autres rivages ont été découverts et on a connu d’autres peuples. Les échanges commerciaux ont fait le reste.

 

Nos ancêtres ont connu des siècles d’innocence,

 ignorant toute perfidie.

Chacun demeurait tranquillement sur son rivage

et vieillissait sur la terre de ses aïeux.

Le peu qu’il possédait suffisait à faire sa richesse ;

C’est de sa terre natale qu’il  tirait tous ses biens.

Les frontières heureusement établies ont été effacées

Et le monde a été unifié

Par le vaisseau de pin construit en Thessalie.

Il a forcé la mer, l’a battue de ses rames,

Et cette mer dont on ne se souciait pas,

Il nous l’a imposée – nouveau sujet de crainte.

(…)

N’importe quel navire peut parcourir la haute mer.

Toutes les limites ont été repoussées

Et des villes ont édifié leurs murs

Sur de nouvelles terres.

Le Monde, désormais totalement accessible,

Na rien laissé à sa place d’origine :

L’Indien boit l’eau glacée de l’Arax,

Les Perses se désaltèrent à celle de l’Elbe et du Rhin.

Dans de longues années viendra un temps

Où Océan relâchera son emprise sur le monde,

Où la terre s’ouvrira dans son immensité,

Où Téthys révélera de nouveaux continents,

Où Thulé ne sera plus l’ultime terre connue.

 

 

De quand date ce texte ? Du XVIème et du XVIIème siècle, quand les galions espagnols ramenaient de l’or d’Amérique ? De l’époque de Christophe Colomb ? Non, ce texte est extrait de la pièce de théâtre « Médée » du philosophe Sénèque (-4 av. J-C ;  65 après J-C). Comme quoi il n’y a rien de neuf sous le soleil.

 

Littérature

00:22 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature

Commentaires

Après la mer, longtemps après la mer, vint la conquête de l'air et ses pionniers : Saint Exupéry, Mermoz, Guillaumet etc...
Là, les frontières ont reculé plus loin encore. Puis vint la conquête de l'espace, encore embryonnaire. Mais il n'est pas idiot de penser que cette conquête, en dépit des connaissances fabuleuses de l'univers qu'elle peut amener, participe elle aussi au recul des frontières de l'activité humaine avec tout que cela peut supposer.
Imagine que les Américains aient découvert sur la lune ou ailleurs, des peuplades telles que Colomb - ses successeurs plutôt - en découvrit en Amérique.
Je te laisse deviner le sort qui leur aurait été réservé. Pire : je te laisse deviner le sort qui leur sera réservé si un jour cela advint, ce que n'est nullement du domaine du fantasme et de l'impossible car rien n'est plus fat de considérer que nous soyons les seuls habitants "intellligents" ( sens étymologique) de l'infini cosmos.

Écrit par : Bertrand | 25/03/2015

@ Bertrand : oui, il s'agit toujours de conquérir et de dominer. Ce mythe de Médée est d'ailleurs fabuleux car cette héroïne est une Barbare pour les Grecs, donc une étrangère. Elle provient de Colchide soit plus ou moins l'actuelle Géorgie, tout au bout de la Mer Noire. Par amour pour Jason, qu’elle a aidé à conquérir la Toison d’Or, elle a tué son propre frère et a trahi son père et sa patrie. Plus tard, elle tuera encore. Et voilà que Jason l'abandonne pour épouser une princesse grecque (comme Thésée avait abandonné Ariane, qui l'avait pourtant aidé à vaincre le Minotaure). De rage, elle tue les deux enfants qu’elle a eus avec Jason, pour le punir. Acte horrible et barbare s’il en est, acte que seule une étrangère (et donc une barbare) peut poser. L’étranger est donc toujours mauvais.

Sénèque, pessimiste, nous donne une morale peu optimiste : à la fin de la pièce, Médée, qui vient de tuer ses enfants, est emmenée dans le ciel par les dieux, qui cautionnent donc son acte. Tout dans ce monde est donc fondamentalement pervers.

Écrit par : Feuilly | 25/03/2015

"participe du recul"
" car rien n'est plus fat que de considérer

Écrit par : Bertrand | 25/03/2015

Les commentaires sont fermés.