28/09/2013
Du mensonge d'Etat
Le 02 septembre dernier, la France a « déclassifié » un document secret défense afin de prouver la culpabilité du régime de Bachar el Assad dans l’attaque chimique qui a occasionné de nombreuses victimes dans la banlieue de Damas à la fin du mois d’août. Cette démarche visait à obtenir l’approbation des députés en vue d’une frappe militaire française contre le régime syrien.
On sait que le renversement d’Assad tient particulièrement à cœur au Président de la République puisque ce dernier en faisait déjà son cheval de bataille lors de sa campagne électorale. Un tel acharnement déclaré doit nous rendre prudents sur toutes les preuves qui seront avancées quant au côté malfaisant du régime syrien. On a connu la France moins prompte à condamner les dictatures de Franco, de Pinochet et de bien d’autres. Les disparus chiliens, torturés et exécutés n’ont jamais beaucoup ému le gouvernement français. Les Argentins ou les Nicaraguayens assassinés non plus.
Donc, de prime abord, cette volonté déclarée de renverser Assad me semble louche car je ne vois pas en quoi la Syrie menace l’Etat français. Par contre je vois très bien en quoi il dérange Israël.
Vous me direz que le régime d’Assad n’est pas un exemple de démocratie (ce que j’admets volontiers) et que la générosité du président le pousse naturellement à défendre les droits de l’homme. Certes, je ne peux que me réjouir d’un tel sens altruiste, mais pourquoi alors le sieur Hollande ne s’insurge-t-il pas contre la condition de la femme en Arabie ou au Qatar et même contre la manière dont ces pays conçoivent les droits de l’homme ? Pourquoi la répression de la révolution au Bahreïn ne le préoccupe-t-elle guère ? Pourquoi la situation préoccupante des Palestiniens de la bande de Gaza ne l’émeut-elle pas davantage ? Mystère.
Donc, l’acharnement avoué qu’il manifeste contre le régime syrien doit pour le moins poser question.
Mais revenons-en au document déclassifié qui a été présenté aux députés afin d’obtenir leur approbation pour une intervention armée. Que contient exactement ce document, supposé prouver la culpabilité d’Assad ? Eh bien il faut avouer qu’il ne contenait strictement aucune preuve concrète. En gros, on s’appuie sur le fait qu’on a affaire à des armes chimiques pour dire que seule l’armée syrienne aurait eu la capacité d’en employer. Que l’armée ait cette capacité, personne n’en doute (mais pourquoi par ailleurs aurait-elle employé de telles armes alors qu’elle remportait enfin le succès sur le terrain ?). Par contre, quand je vois les vidéos que les rebelles eux-mêmes postent sur Youtube et où on les voit munis d’artillerie lourde, je me dis qu’ils auraient été très capables d’envoyer un obus contenant du gaz chimique.
Pourtant, pour le document déclassifié, seule l’armée aurait eu la capacité technique voulue. C’est sur cette « preuve » fragile que les députés devaient décider d’envoyer l’armée française bombarder la Syrie en représailles (tuant par ailleurs d’autres innocents).
Cependant, quand on y réfléchit bien, seuls les rebelles avaient intérêt à utiliser les armes chimiques et à faire croire que le gouvernement syrien était à la base de cette attaque. L’aviation américaine serait alors intervenue en leur faveur au moment précis où ils commençaient à essuyer des défaites sur le terrain.
Le document présenté aux députés se gardait bien de dire que cette « opposition » syrienne était surtout constituée d’éléments étrangers non syriens, par ailleurs épaulés, entraînés et armés par l’Occident. Sans compter qu’il n’était pas difficile d’entraîner ces « troupes » à la manipulation des armes chimiques (armes qu’elles possédaient puisque c’est bien pour cela que l’Onu était venue enquêter sur le terrain suite aux déclarations de Carla del Ponte elle-même).
Si le Parlement britannique n’avait pas désavoué Cameron et si la Russie n’avait pas proposé aux USA un moyen de sortir de la crise, l’armée française serait en guerre en ce moment et elle soutiendrait en fait sans le savoir les djihadistes qui sont plus que probablement les responsables de l’attaque chimique.
On peut donc supposer que le fameux document présenté aux Parlementaires était un faux destiné à obtenir leur adhésion à l’invasion de la Syrie. Qu’on se souvienne avec quel aplomb Colin Powell avait brandi une fiole de « poison » devant l’assemblée de l’ONU pour obtenir le droit de destituer Sadam Hussein. Maintenant on sait que toutes ces soi-disant preuves étaient fausses (au point qu’on peut se demander si Colin Powell lui-même n’a pas été manipulé et qu’il aurait donc menti de bonne foi).
Mais si ce document est un faux, est-ce la DGSE qui a essayé d’obtenir l’adhésion des Parlementaires ou bien s’est-on servi de son nom pour apporter des « preuves» aux députés ? Mystère.
22:13 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : syrie
Commentaires
Il ferait mieux de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales : 70 à 80 milliards d'euros de pertes en France (environ mille milliards en Europe).
Mais les paradis fiscaux, on n'en parle ni n'y touche. État sainte-nitouche.
Écrit par : Michèle | 29/09/2013
Ce qui me déçoit c'est que les gens votent pour des candidats proposant un programme social et se retrouvent avec des dirigeants tenant un discours colonialiste. Car évidemment, le bonheur du peuple syrien, avec ou sans Assad, tout le monde s'en moque.
Écrit par : Feuilly | 29/09/2013
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