Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/06/2013

Moby Dick

Or, quand ces pauvres marins hâlés, pieds nus, les pantalons roulés hauts sur leurs mollets d’anguilles, eurent péniblement tiré au sec leur gras poisson, se promettant un rapport de cent cinquante livres d’argent sonnant pour son huile précieuse et ses fanons, alors qu’en imagination ils sirotaient déjà un thé de choix avec leurs épouses, et une bonne bière avec les amis sur la foi de la part qui devait leur échoir à chacun, alors s’avança un gentilhomme très savant, très chrétien et très charitable, portant sous le bras un exemplaire de Blackstone et qui, l’ouvrant sur la tête de la baleine, leur dit: «Bas les pattes ! les patrons, ce poisson est un poisson amarré. Je le saisis au nom du Gardien. » À ces mots, les pauvres marins, dans un atterrement respectueux, si spécifiquement anglais, ne sachant que répondre, se mirent à se gratter vigoureusement la tête à la ronde, leurs regards allant lugubrement de la baleine à l’étranger. Cela n’arrangea pas l’affaire pas plus que cela n’attendrit le cœur de pierre du savant gentilhomme -à-l’exemplaire-de-Blackstone. Enfin l’un d’eux, après un long grattage en quête d’idées, s’enhardit à parler :

–S’il vous plaît, sir, qui est le Gardien ?

–Le Duc.

– Mais le Duc n’a rien à voir avec la capture de cette baleine ?

–Elle est sienne.

–Elle nous a donné beaucoup de tracas, nous avons couru des dangers et dépensé de l’argent, tout cela doit-il être versé au bénéfice du Duc ? N’aurons-nous rien d’autre pour notre peine que des ampoules ?

–Elle est sienne.

–Le Duc est-il si affreusement pauvre qu’il en soit réduit à ces extrémités pour gagner sa vie ?

–Elle est sienne.

–Je pensais venir en aide à ma vieille mère infirme sur ma part de ce poisson.

–Il est sien.

–Le Duc ne se contenterait-il pas d’un quart ou d’une moitié ?

–Il est sien.

En un mot, la baleine fut saisie, vendue et M. le duc de Wellington encaissa l’argent. Pensant que, vu sous certains angles, le cas aurait une petite chance d’être un tantinet revu, étant donné les circonstances et à cause de sa rigueur, un honnête pasteur de la ville adressa une pétition au Duc, le priant respectueusement de prendre en considération le sort de ces pauvres marins. À quoi Monseigneur le Duc répondit en substance (les deux lettres furent publiées) que c’était déjà fait, qu’il avait reçu l’argent, et qu’il serait très reconnaissant au révérend de bien vouloir désormais se mêler de ses affaires (à lui, révérend). N’est-ce pas là le vieillard toujours militant, debout au carrefour des trois royaumes pour arracher de toutes parts l’aumône aux mendiants ? 

On aura tôt fait de comprendre qu’en ce cas le prétendu droit du duc sur la baleine lui était délégué par le souverain. Il faut nous demander, dès lors, au nom de quel principe le souverain détient lui-même ce droit. Nous avons déjà parlé de la loi, Plowden nous donne la raison de principe. Selon lui, la baleine ainsi capturée appartient au Roi et à la Reine « à cause de son excellence ». D’après les plus sains commentateurs, c’est là un argument convaincant.

(Herman Melville)

cachalot.jpg

00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature

24/06/2013

Le retour des dictatures ?

On connaissait le pouvoir des banques et de la haute finance et on savait que les gens qui sont derrière ces institutions  s’enrichissent toujours, ce qui n’est pas forcément le cas des citoyens ordinaires. On savait aussi que les banques étaient prêtes à tout pour accroitre leurs bénéfices, mais ce qu’on ne savait pas, c’est que cela se ferait à notre détriment et d’une manière organisée et planifiée.

Je vous propose donc de lire l’article ci-dessous attentivement, il vaut assurément le détour. En gros, on y explique que pour que les banques continuent à faire du profit, il faudrait un peu restreindre les acquis sociaux des citoyens, mais comme ces derniers (ou du moins certains de ceux-ci) ne semblent pas d’accord, il faudrait songer à saper les bases de la démocratie et à mettre en place des régimes beaucoup plus durs, quasi dictatoriaux, pour empêcher toute tentative de révolte.

http://www.comite-valmy.org/spip.php?article3616

Bon, on va me dire que c’est là un article tendancieux, issu des mouvements  d’extrême-gauche. Certes, mais qui peut être certain qu’il ne dit pas la vérité ? Ce qui est sûr, par contre, c’est que notre presse classique (qui est aux mains, justement, de la haute finance) ment sans arrêt. Il suffit de voir les sornettes qu’on nous a livrées sur l’Irak (armes de destructions massives), sur la Libye (6.000 civils tués par l’aviation de Kadhafi) et aujourd’hui sur la Syrie (utilisation de gaz sarin par l’armée régulière) pour se rendre compte que cette presse officielle ment tout le temps. Depuis les USA ont reconnu s’être trompés en Irak (la version des armes de destructions massives provenait d’un opposant et non de l’ONU, opposant qui a ensuite été récompensé pour ses mensonges en devenant  vice-premier-ministre d’Irak). Quant à la Libye, on sait que le vote à l’ONU a été obtenu sur base des déclarations d’un médecin libyen en exil à Genève, lequel se basait sur les dires de ses amis restés en Libye, amis qui depuis, sont évidemment devenus ministres dans le nouveau régime. Bref, ils ont menti pour faire tomber Kadhafi et ont été les premiers bénéficiaires du changement. Pour ce qui est de la Syrie, Carla del Ponte elle-même avait dit que le seul gaz sarin qui avait été utilisé l’avait été par les rebelles eux-mêmes. Malgré cela, des journalistes du  Monde tentent de faire croire qu’ils ont ramené des échantillons de sang qui prouvent l’utilisation de ce gaz par l’armée régulière. Mais les conditions d’acheminement de ces échantillons sont si rocambolesques qu’on a du mal à les croire fiables (n’importe qui ayant pu ajouter n’importe quoi à ces échantillons). De plus les articles de presse relatant les faits sont ridicules : aucune convulsion chez les personnes soi-disant atteintes, mais une irritation des yeux qu’on soigne  par de simples gouttes ophtalmiques. Sans parler des absurdités médicales qui sont écrites, comme ces quinze doses d’atropine administrées au même patient, alors qu’il aurait dû succomber à la troisième dose.

Bref, tout cela pour dire que si mon article du Comité Valmy est tendancieux, il ne l’est certes pas plus que les articles de la presse officielle. Il le serait plutôt moins, car il n’a à défendre que la vérité et des idées, tandis que la presse classique défend les intérêts économiques de certains.

Oui, mais me direz-vous, le Comité Valmy reprend de nombreux articles du Réseau Voltaire, or le Réseau Voltaire, c’est Thierry Meyssan et Thierry Meyssan c’est celui qui soutient que les attentats du 11 septembre 2001 à New-York ont été commandités par ceux qui voulaient justifier l’invasion de l’Irak (invasion qui était par ailleurs programmée bien avant ces attentats).  C’est donc là une hérésie, me direz-vous et cela discrédite le travail de ce journaliste.  C’est en tout cas ce que j’entends autour de moi quand je parle du Réseau Voltaire.

Mais si Thierry Meyssan avait raison ? Après tout sa version n’est pas plus farfelue que la thèse officielle, qui soutient que l’avion qui a percuté le Pentagone s’est « dématérialisé » (puisqu’on n’en a  retrouvé aucune trace), ce qui est quand même difficile à croire. Sans compter que cela n’explique pas comment cet avion  a pu traverser un mur de béton armé en ne laissant qu’un trou de quelques mètres carrés (ce qui ferait plutôt penser à un tir de missile). Mais passons, ce n’est pas le lieu de débattre de ce problème.

J’ajouterai cependant que si les thèses de Meyssan restent des hypothèses (mais plus que crédibles), il est d’autres faits, historiques ceux-là, qui démontrent que ce ne serait pas la première fois qu’un pays tue des innocents dans son propre camp pour soulever l’opinion mondiale en sa faveur. Ainsi, le 08.06.1967, deux jours avant la fin de la guerre des Six Jours, Des Mirage et des torpilleurs israéliens attaquent le navire américain « USS Liberty ». Ce bateau n’était pas armé et se trouvait dans les eaux internationales. On a même tiré sur les canots de sauvetage, afin de ne laisser personne en vie. En effet, le but était d’accuser l’Egypte de Nasser afin  que les Etats-Unis soutiennent Israël dans sa guerre contre le monde arabe. Malheureusement (ou plutôt heureusement), un bateau soviétique croisait dans les parages et a pu relater les faits. Israël a alors évoqué une erreur de tir et les choses en restèrent là (enfin, pas vraiment car l’absence de réaction des Etats-Unis fit comprendre à Israël qu’il avait le soutien inconditionnel de la plus grande puissance du monde).

Ce fait semble incroyable, mais il est pourtant historique et authentique. Dès lors, tous les articles « incroyables » que l’on lit sur les sites du Réseau Voltaire ou du Comité Valmy pourraient bien être vrais eux aussi. En tout cas ils semblent bien plus crédibles que ceux que l’on lit dans la presse officielle. Et dès lors, ce qui est dit plus haut du désir de JP Morgan d’imposer des dictatures en Europe ne devrait peut-être pas être pris à la légère. 


1967, Grèce, mise en place de la dictature des Colonels

6a00d83451decd69e20147e10e83b8970b-580wi.jpg

17/06/2013

Village natal (suite et fin)

Elle roula droit devant elle, dans la grande forêt, sans penser à rien. Elle prit des routes au hasard, puis encore d’autres routes, et finalement se retrouva sur une autoroute sans trop savoir comment. Elle roula comme cela une partie de la nuit puis, à un moment donné, exténuée, elle s’arrêta sur un parking. Elle prit une chambre d’hôtel et s’endormit sans faire le moindre rêve. Vers midi, la femme de chambre la tira de son sommeil, lui faisant comprendre poliment mais fermement qu’il était temps de quitter les lieux. Elle mangea un sandwich insipide, but un café qui lui brûla l’estomac, puis elle reprit la route. Elle ne voyait devant elle qu’un long ruban de bitume qui n’avait pas de fin et qui ne menait nulle part. Au  soir, elle était à Montpellier, tout étonnée d’être là.

Elle entra de nouveau dans un hôtel et se retrouva dans une chambre absolument identique à celle qu’elle avait quittée le matin. Là, elle s’endormit et fit un rêve étrange. Elle marchait dans  une forêt et à un moment donné le chemin qu’elle suivait se divisa en deux. Par habitude, elle prit celui de droite, mais un peu plus loin celui-ci se divisa encore en deux et ainsi plusieurs fois de suite. A la fin, elle marchait dans un sentier tellement étroit qu’elle avait du mal à se faufiler entre les arbres. Bientôt celui-ci disparut dans la végétation et elle ne savait plus où aller. Elle prit conscience qu’elle était complètement perdue. C’est alors qu’elle le vit, Lui, à une  centaine de mètres. Il était donc vivant ! Elle essaya de l’appeler, mais aucun son  ne sortit de sa bouche. Lui, de son côté, s’éloignait déjà et bientôt il disparut. Elle tenta de le rejoindre, mais elle se prenait les pieds dans des ronces et ne parvenait pas à avancer.  A un moment donné, elle entendit des voix et se dirigea de ce côté. A la sortie du bois, dans une clairière, des paysans étaient occupés à fumer. Elle leur demanda s’ils n’avaient pas aperçu son ami, mais ils n’avaient rien vu. Elle insista, expliquant qu’il ne s’agissait pas seulement de son ami, mais de son amoureux. Ils la regardèrent, un peu embarrassés, puis expliquèrent que de toute façon, s’il s’était engagé seul dans le bois, il était forcément mort à l’heure qu’il était, à cause des loups qui rodaient sans arrêt dans le coin. A ces mots, elle se sentit vaciller et se laissa tomber sur le sol. Elle se réveilla dans la chambre de l’hôtel, au pied de son lit. Il était neuf heures du matin.

Là, elle se dit qu’il était temps de se ressaisir. Elle se rendit à la cafétéria et mangea deux croissants. Ils étaient excellents et bien croustillants. Elle sentit que la vie reprenait le dessus. Ensuite, elle roula  jusqu’à Béziers et là prit l’autoroute qui remonte vers Paris en passant par le Massif central. Elle s’arrêta plusieurs fois pour admirer les paysages, surtout ceux des Causses, avec leurs grands plateaux désertiques et leurs falaises à pic.

Le soir tombait quand elle arriva chez elle. Après avoir garé la voiture le long de la pelouse, elle prit ses clefs et, machinalement, fit un détour par la boîte aux lettres. Et là, sous quelques publicités, il y avait une lettre. Elle n’y fit d’abord pas plus attention que cela, mais tout en marchant vers la porte d’entrée, elle la regarda distraitement et là elle eut un choc. Elle venait de reconnaître l’écriture. Son écriture ! Ainsi donc elle avait assisté à son enterrement ou plus exactement elle était allée se recueillir sur  sa tombe, puis avait roulé au hasard pendant deux jours, et voilà que pendant ce temps il lui avait écrit ! La main qui tenait la lettre se mit à trembler. Elle ne comprenait plus rien. Il lui fallut plusieurs secondes pour se calmer et réaliser, le cachet de la poste faisant foi, que cette lettre avait été écrite et envoyée avant son décès.

Toujours tremblante, elle ouvrit la porte, alluma la lampe et s’effondra dans un fauteuil. La lettre était devant elle et elle n’osait l’ouvrir car elle savait que c’était la dernière et qu’elle n’en recevrait plus jamais de Lui. C’était un peu comme s’il lui avait écrit de l’au-delà, pour lui faire un dernier petit signe. Après plusieurs minutes, elle se décida à déchirer l’enveloppe et les premiers mots la laissèrent complètement anéantie : « Mon amour, toi pour qui je donnerais ma vie, si tu savais à quel point je t’aime… »

 

Elle resta là, la lettre dans la main, n’ayant plus le courage d’en continuer la lecture. Une fois de plus, désespérément seule. 

Littérature

17:49 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature

09/06/2013

village natal

Elle avait garé la voiture à la sortie du petit bois, et avait attendu là patiemment. Devant elle, la route descendait en pente raide vers le village, longeait le cimetière, puis se perdait près des premières maisons.  L’esprit vide, elle ne pensait à rien. Elle attendait, c’était tout. Elle attendait quoi au juste ? Cela avait-il un sens d’être là ? Oui, bien sûr ! C’est ne pas y être qui aurait été incompréhensible. Dans son esprit, les idées se mélangeaient. Elle regarda les grands bois qui couvraient l’horizon, de l’autre côté du village. Voilà donc la région qu’il aimait tant et dont il lui avait si souvent parlé. Elle n’y était jamais venue. Ni seule ni avec lui. Forcément. On le connaissait ici et même s’il n’y vivait plus depuis longtemps, cela restait son village natal. Qu’est-ce que cela aurait été bon, pourtant, de se promener à deux dans ces forêts sauvages. Quand elle aurait eu peur d’un bruit étrange, il lui aurait pris la main et ne l’aurait plus lâchée. Elle n’aurait rien dit, mais qu’est-ce qu’elle aurait été heureuse, comme cela ! Le soir, ils seraient rentrés à l’hôtel et il aurait expliqué que ce bâtiment était en fait la vieille ferme de son grand-père, laquelle avait été vendue et transformée pour les touristes. La charrue que l’on voyait au milieu de la pelouse avait été tirée par un cheval qu’il avait encore connu, lorsqu’il était enfant. Il aurait parlé pendant des heures de son passé et elle l’aurait écouté, heureuse de découvrir ce qui avait fait ce qu’il était devenu, cet homme à la fois renfermé et généreux, persévérant et pourtant si fragile à ses heures. Puis ils seraient allés dormir dans une chambre aux murs de schistes gris et avant de sombrer dans le sommeil, ils se seraient aimés comme jamais. Au milieu de la nuit, elle se serait réveillée en entendant le hululement d’un hibou, si près qu’on aurait dit que l’oiseau était à l’intérieur de la chambre. Elle aurait souri de sa naïveté et se serait blottie contre lui pour le reste de la nuit. Alors, heureuse, elle aurait rêvé de l’océan et de son enfance à elle.

Elle en était là de ses pensées quand elle les vit arriver. Ils venaient à pied, suivant la voiture noire. Il n’y avait pas beaucoup de monde, une vingtaine de personnes au maximum. Ils marchaient lentement à cause de la pente qui était raide et quand ils furent devant le cimetière, elle vit bien qu’ils étaient tous contents d’être à destination. Alors on sortit le cercueil du corbillard et ils franchirent la petite grille. Ils restèrent là devant le trou qui était creusé. Elle les voyait bien, d’où elle était. Celle qui se tenait à peine debout, c’était sa femme, manifestement. Ses deux filles la soutenaient, toutes fières au fond d’elles-mêmes d’être pour une fois les adultes que leur mère les avait toujours empêchées d’être. Une voiture arriva à vive allure et se gara sur le parking. C’était le curé. Un curé, il ne manquait plus que cela ! Qu’est-ce qu’il aurait dit s’il avait su cela ! Une fois de plus il devrait faire semblant et subir ce qu’on lui imposait. Elle en eut mal pour lui. Il n’y avait pas à dire, ces gens n’avaient vraiment rien compris à ce qu’il était. Un curé !

Elle vit l’homme de Dieu traverser le cimetière au pas de course, tout en passant son étole autour du cou. Puis il dut faire un discours car tout le monde sembla se recueillir un instant. Ce fut bref car déjà il bénissait la fosse et faisait signe aux hommes des pompes funèbres qu’ils pouvaient continuer leur travail. Elle vit le cercueil descendre au fond du trou et quand il se fut immobilisé, il lui sembla entendre le bruit mat de la caisse contre la terre, ce qui était complètement impossible vu la distance. Pourtant, au fond d’elle-même, elle ressentit un choc et elle sut que sa vie venait de s’arrêter.

Après elle ne sait plus. Ils durent tous faire un dernier signe d’amitié envers le défunt et venir présenter leurs condoléances à la veuve et à ses filles. Mais elle ne vit rien de tout cela, son esprit vacillait et était ailleurs. Elle pensait à ces deux jours merveilleux où il avait pu se dérober à la vigilance des siens et où ils étaient allés visiter quelques églises romanes en Auvergne, du côté d’Orcival ou de Saint-Nectaire, elle ne savait plus trop. Qu’est-ce qu’ils avaient été heureux, là-bas !

Quand elle retrouva ses esprits, la foule quittait le cimetière et les fossoyeurs étaient déjà à pied d’œuvre. Quant au curé, il était parti depuis longtemps ! Visiblement, il n’avait même pas proposé à la veuve de la raccompagner jusqu’au village. Bien fait pour elle, elle n’avait pas besoin de l’inviter !

 

Elle attendit encore deux bonnes heures et quand elle vit le soleil qui se couchait à l’horizon, elle lâcha le frein à main et laissa la voiture descendre sans bruit. Le silence était impressionnant. On se serait cru au fond de la mer et elle entendait les battements de son cœur qui frappaient ses tympans, comme si elle avait été à cent mètres de profondeur. Arrivée devant la grille, elle stoppa et attendit encore un peu. Il n’y avait plus personne et à cette heure crépusculaire aucun villageois ne viendrait jusqu’ici. Alors elle ouvrit la portière qui grinça un peu (en fait elle fermait mal. Combien de fois ne lui avait-il pas dit de la réparer !). Elle la referma lentement. La petite grille avait été laissée ouverte. Décidément, ils avaient tous été pressés de partir ! Elle parcourut l’allée principale et très vite se retrouva devant le petit monticule de terre. Alors là, subitement, toutes les vannes s’ouvrirent en même temps et elle pleura comme elle n’avait jamais pleuré. Elle resta là une bonne heure, assise dans l’herbe, suffoquée par les sanglots. Puis elle se releva et regagna sa voiture. Il faisait complètement noir. Dans le  lointain un hibou poussa un cri et elle frémit. C’est à ce moment qu’elle comprit qu’elle était vraiment seule.   


Photo personnelle

Littérature

00:26 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature