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13/12/2010

Dernière rose

Je me souviens d’un monde où les roses fleurissaient en novembre. C’étaient des fleurs étranges qui gardaient la mémoire de nos amours. Elles étaient belles dans leur ardente robe rouge et avaient en elles-mêmes une grâce et une splendeur incomparables.

Quand il avait plu, elles semblaient fort fragiles, avec une goutte d’eau qui parfois glissait le long de leurs pétales avant d’aller s’écraser dans la boue du chemin. Mais elles, sur leur branche, paraissaient attendre les jours d’un printemps improbable qu’elles ne verraient jamais.

Parfois, j’effeuillais d’un doigt délicat leurs pétales tendres, qui s’ouvraient sans résistance, laissant voir un instant les souvenirs enfermés là, au cœur des ténèbres.

Puis, quand venait décembre, un manteau de neige recouvrait soudain les roses. Immobiles, figées dans l’instant, elles semblaient n’exister qu’en rêve, comme si elles nous avaient déjà quittés.

De temps en temps, une mésange venait se poser sur une branche et, sous l’offense, celle-ci ployait légèrement. D’un bec rageur, l’oiseau effronté picorait alors le givre qui recouvrait la rose, la meurtrissant dans son rêve éternel.

 Plus tard, bien plus tard, quand venait le printemps, la reine des fleurs, desséchée et flétrie, pendait lamentablement. Ballotée au gré des vents de mars, elle finissait par tomber sur le sol humide, où elle disparaissait bientôt sous des pas anonymes.

Il ne restait plus rien alors de la rose, rien qu’un parfum évanoui au plus profond de notre mémoire, rien qu’un souvenir oublié de nos amours adolescentes.

 

2-rose-givre.jpg

12:30 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature

Commentaires

J'aime beaucoup, Feuilly... Cela éveille pas mal d'échos en moi... Un peu de romantisme, mais pas trop, un peu de mélancolie, un petit côté parnassien? Ou baudelairien? Même si c'est de la prose poétique? (Pour distinguer ton texte du poème en "vers") Et c'est très ciselé sur le plan de l'écriture... Comme une rose givrée, en somme.

Écrit par : Pivoine | 15/12/2010

“Poésie ! ô trésor ! Perle de la pensée”, disait Vigny.

Il arrive que la poésie véhicule des idées philosophiques, et la poésie de Vigny se veut, en général, philosophique. Inversement, il arrive au philosophe de s’exprimer exclusivement dans l’idiome des poètes, et les philosophes grecs sont passés maîtres dans ce domaine. Et si quelques-uns continuaient à affirmer que les vérités philosophiques arides ne s’accommodent pas des forme vaporeuses poétiques, je leur conseillerais de lire la «Dernière rose »… La taille d'une pierre précieuse ne met-elle pas en valeur son éclat et sa couleur?

Écrit par : Halagu | 15/12/2010

@ Pivoine: baudelairien, je ne sais pas, mais mélancolique, sans doute.

@ Halagu: difficile de ne pas philosopher d'une manière ou d'une autre. Toute oeuvre parle de la vie et la mort, finalement. Ou alors elle parle de l'amour.

Écrit par : Feuilly | 17/12/2010

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