13/10/2009
Nocturne (autrefois, une nuit)
Il y a une grande ville qu’un fleuve traverse de part en part
et le reflet de la lune qui scintille et disparaît.
Il y a des ruelles étroites où les gens mangent et boivent
et des pavés mouillés de pluie, où je marche sans savoir pourquoi.
Il y a une place avec une cathédrale
et l’immense silence du cœur de la nuit.
Il y a des boulevards qui mènent au bout des rêves
et des arbres partout aux frondaisons mouvantes.
Il y a un temple de la musique qui reste muet
et un violon abandonné sur un banc public.
Il y a une librairie au fond d’une ruelle
où jamais personne ne se rend.
Il y a une faculté où on enseigne les lettres
et des étudiants qui rêvent des reflets de la lune sur le fleuve
Il y a, dans les ruelles, des restaurants qui sont maintenant fermés
et dans les cafés, des garçons qui mettent les derniers clients dehors.
Il y a cette impasse où je cherche mon ange
et cette porte qui reste fermée ce soir.
Il y a un grand pont qui enjambe le fleuve
et cette eau noire et profonde que je regarde et regarde encore.
Il y a un train qui passe dans un bruit d’enfer
et deux lumière rouges qui s’évanouissent dans la nuit.
Il y a une colline avec une forêt profonde
et des bêtes de la nuit qui gémissent dans l’ombre.
Il y a dans le lointain la rumeur de la ville
et comme une grande lumière rouge dans les nuages.
Il y a ce banc sur lequel je suis assis
et la musique intérieure qui me parle de toi.
Il y a tout ce noir quand je ferme les yeux
et ton visage qui apparaît comme dans un rêve.
Il y a une lueur à l’horizon
et un oiseau qui s’éveille en chantant.
Il y a une impasse où dort mon ange
et une porte qui s’est refermée sur tous mes espoirs.
00:12 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature, poésie
Commentaires
Bel itinéraire et belle trajectoire.
J'aime bien ce dernier vers, qui peut se comprendre de manière très positive (malgré l'apparent pessimisme si on lit le texte comme un poème amoureux) : derrière la porte, tous les espoirs sont protégés, ne risquent rien.
Et j'aime bien aussi ce croquis d'une ville dressé, de vers en vers.
Écrit par : solko | 13/10/2009
Une ville avec un fleuve, comme Lyon d'ailleurs, cher Solko. Les villes sans fleuve me semblent toujours un peu tristes. Il leur manque une âme.
Quant au denrier ver, c'est vrai qu'on peut le lire de manière positive, finalement.
Écrit par : Feuilly | 13/10/2009
Superbe mélancolie et ce "il y a", lourd et gauche en prose, et dont la répétition poétique donne ici ce balancement du monde.
Cette multitude du monde qui entoure le poète. Ce zoom décroissant aussi, de la ville jusqu'à l'intime du poète.
Oui, superbe.
Écrit par : Bertrand | 13/10/2009
ALors Lyon a deux âmes (puisque la ville est traversée de deux fleuves) : c'est d'ailleurs ce que dit Michelet.
Écrit par : solko | 13/10/2009
Oui, c'est vrai, deux âmes pour l'ancienne capitale des Gaules. La gauloise et la romaine sans doute.
Écrit par : Feuilly | 13/10/2009
La rapidité de l'un qui "précipite son flot" et la langueur de l'autre à "l'onde tranquille".
Écrit par : Michèle | 13/10/2009
Je me suis surpris en train de vous dire:"A votre place je prendrais le violon oublié sur le banc et, tel un troubadour, je chanterais toute la nuit devant la porte de la bien-aimée. Alors, peut-être, au petit matin, verrais-je apparaitre l’ange, et la porte close ne serait plus close." Ce n’est vraisemblablement pas ce que désire le poète, sans souffrances le jeune Werther aurait été un petit bourgeois de province lisse et sans influence. René Char dit : Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir. Alors respectons la souffrance du poète, chassons le troubadour et évitons d’écrire Les joies du jeune Werther.
Écrit par : Halagu | 17/10/2009
@ Halagu: ma réponse est dans la note suivante.
Écrit par : Feuilly | 18/10/2009
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