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08/06/2009

Pierre Leroux

Je termine le livre que Bruno Viard, professeur de littérature à l’Université d’Aix en Provence, a consacré à Pierre Leroux. (« Pierre Leroux, penseur de l’humanité", éditions Sulliver, février 2009).

Leroux est un penseur et un philosophe du XIX° siècle qui aura eu l’originalité de percevoir avant tout le monde le danger des systèmes de pensée. Adepte dans un premier temps du libéralisme, il aura vite compris comment cette doctrine, qui voulait faire progresser la société en développant les initiatives personnelles et en réduisant le rôle de l’Etat, pouvait déboucher sur un égoïsme effréné et ne viser qu’à l’enrichissement personnel. Après avoir fréquenté un temps St Simon, il s’en écarte quand il pressent que pour imposer la fraternité, il faut réduite la liberté. En d’autres mots il devine qu’un régime socialiste fort sera par définition obligé de lutter contre l’individualisme, ce qui l’amènera à limiter la liberté individuelle au profit d’une fraternité collective imposée. En bon dialecticien, il tentera donc une synthèse de ces deux courants de pensée que sont le capitalisme et le socialisme et cela avant même que chacune de ces doctrine ne fasse les ravages que l’on connaît (crise de 1929, dictature stalinienne).

Toute la vie de Pierre Leroux est dans cette synthèse. C’est lui qui a créé le mot « socialisme» et lui encore qui a œuvré pour imposer la devise "Liberté, égalité, fraternité". On peut dire qu’il a pressenti avant d’autres les grands dangers des deux courants de pensée politiques qui sont les nôtres depuis 1789. Il est assez rare de rencontrer un penseur qui ne s’enferme pas dans un système de réflexion mais qui au contraire ose un regard critique sur ses propres conceptions. C’est à son refus des idéologies préétablies que Pierre Leroux doit manifestement sa capacité à percevoir les limites des mouvements de pensée auxquels il adhère. Saluons un homme qui à chaque étape de sa vie a su se remettre en question et qui a toujours tenu compte de son expérience antérieure pour tenter une nouvelle synthèse. Saluons ce penseur qui a consacré son existence à réfléchir à la meilleure manière d’organiser la société des hommes.

 

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Commentaires

Je serais curieuse de lire cette synthèse du capitalisme et du socialisme par Pierre Leroux qui fascina un temps (un temps seulement) George Sand et Flora Tristan.

Écrit par : Michèle | 09/06/2009

A propos de P. Leroux:

"Il est pour moi un nouveau Platon, un nouveau Christ. "
(Georges Sand)

"Il était, le plus grand critique dans la philosophie de l’histoire ; il faisait apparaître le passé dans une si vive lumière et il en promettait une si belle sur les chemins de l’avenir qu’on se sentait arracher le bandeau des yeux comme avec la main".
(G. Sand, Histoire de ma vie)

Et plus tard:

" Ce Leroux fait de la philosophie comme un buffle qui patauge dans un marais. "

(la même)

C'est l'époque de la rébellion romantique et G. Sand s'enthousiasme pour les socialistes utopiques (Leroux, mais aussi Saint Simon). Elle retient surtout de tout cela que l'amour a tous les droits et sans doute a-t-elle apprécié que la libido puisse ainsi s'exprimer en dehors des conventions bourgeoises. C'est son côté anti-conventionnel et un tantinet provocateur qui doit la pousser vers ces hommes. Mais eux sont surtout centrés sur leurs idées politiques et philosophiques. Sans doute lassent-ils à la longue. Il est vrai qu’elle avait bien aidé la famille de Leroux, toujours dans le besoin et que lui-même a profité des relations de G. Sand pour tenter de récolter quelques fonds pour son action.

Écrit par : Feuilly | 09/06/2009

Comme vous avez raison de nous parler d’un de ces intellectuels ardents militants de la liberté et de la justice! Y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent… (Ferré me manque !). Les autres intellectuels assurent un besoin alimentaire, un narcissisme ou un plaisir solitaire. Je garderai toujours dans ma mémoire l’image de J.P. Sartre distribuant la cause du peuple et des tracts en faveur de la paix, puis embarqué par la police. Le combat n’est pas terminé -aucun l’est-il jamais ?- et combien sont-ils à se dire « j’ai mené le bon combat, j’ai gardé la foi »… ( à prendre dans un sens sécularisé, bien entendu).

A Michèle je dirais, si vous permettez, que tous les amis de Leroux, y compris Sand, ont préférés le quitter par calcul ou par peur-pouvait-elle être absente à cette époque ?- de la police de Charles X. Leroux est resté pauvre et fidèle a ses idées jusqu'à sa mort. Il aurait pu chanter avec Gavroche :
Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à Rousseau…
Et il est resté misérable mais debout. Je reprendrais volontiers à mon compte la conclusion du texte de Feuilly.

Écrit par : Halagu | 09/06/2009

@ Halagu
J'ai un peu de mal à croire aux héros purs et durs ; peut-être parce que je rêve d'en rencontrer.
Mais je suis heureuse de ces précisions ; je veux vous croire.
@ Feuilly
La question reste celle de tout historien, celle des sources. A partir de quels recoupements, confrontations de documents, établit-on la "vérité" sur un personnage qui passe à la postérité et pour lequel on n'a plus que des écrits (les siens et ceux des autres sur lui).
Comment Bruno Viard, par exemple, a-t-il travaillé ?

Écrit par : Michèle | 09/06/2009

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