04/06/2009
Elections européennes (suite)
J'apprends que Le Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement ne prend pas part à la campagne des élections européennes et qu'il préconise au contraire un vote blanc ou nul.
On me dira que ce n'est pas étonnant, de la part d'un petit parti qui n'a pas grand chose à espérer de ce scrutin. C'est vrai, bien entendu, mais je retiens tout de même que dans sa déclaration il reprend un peu ce que j'ai dit de mon côté dans la note précédente :
" Cette élection à un Parlement-fantôme est un trompe l'œil. Dans cette enceinte où 770 soi-disant députés inconnus de leurs électeurs peuvent s'exprimer trois minutes chacun, en usant de l'une des vingt-deux langues officielles reconnues, aucune volonté générale ne peut bien évidemment s'exprimer.
M. Sarkozy, à Nîmes, a parlé de politique de change volontariste, de protection communautaire et de politique industrielle commune, mais il sait très bien que le texte du traité de Lisbonne qu'il a fait adopter, l'en empêchera. La même schizophrénie - pour ne pas dire hypocrisie - frappe le Parti socialiste qui a approuvé lui aussi le traité de Lisbonne. D'ores et déjà MM. Brown et Zapatero ont fait savoir que les députés travaillistes anglais et ceux du PSOE espagnol soutiendraient le candidat libéral à la présidence de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso. Cette élection est vide de contenu.
(...)
Le Mouvement républicain et citoyen appelle au vote blanc ou nul de préférence à l'abstention : le peuple français, en effet, ne doit pas laisser bafouer la volonté qu'il a démocratiquement exprimée le 29 mai 2005. »
Et c'est vrai que lorsque tous les partis, de gauche comme de droite, suivent finalement la même politique et acceptent sans broncher les décisions d'une Commission européenne qui est non seulement influencée mais même carrément dirigée par la haute finance et le grand capital, on peut se poser des questions sur le sens du mot démocratie. Pris en otages, les citoyens, par leur vote, ne font que participer à l'enlisement général. Ne pas voter, c'est s'abstenir de donner son avis. Voter blanc, c'est au moins montrer qu'on n'est pas d'accord, même si cela ne change rien au résultat final du scrutin, puisque les postes seront répartis entre les partis selon le souhait exprimé par ceux qui auront voté, même s'ils ne sont que quelques-uns.
Ce vote est donc complètement faussé puisque l'électeur n'a pas une vision d'ensemble sur le parti auquel il va donner sa voix. Imaginons un citoyen français qui vote socialiste, par exemple, il ne pourra pas se faire une idée générale de la politique qui sera menée par l'ensemble des socialistes européens. Il n'a, lui, pour justifier son choix, que le programme du PS français. Rien ne dit que le PS espagnol ou le PS danois ont la même vison des problèmes que le PS français. C'est même d'autant moins probable que chaque parti, quelle que soit finalement sa couleur, a tendance à réagir en fonction des problèmes spécifiques du pays qu'il représente. Inversement, s'il y a une ligne directrice de tous les PS des vingt-sept états membres, on aimerait bien la connaître car cela n'apparaît absolument pas dans les programmes exposés lors de la campagne. Et même si c'était le cas, ce qui serait quand même plus logique, on tomberait alors dans une autre ineptie, à savoir que les décisions et les lignes de conduite d'un parti seraient prises lors de gigantesques assemblées internationales et donc que les partis nationaux seraient parfois amenés à devoir voter des mesures contre l'intérêt même des électeurs qu'ils représentent sur le plan national. Si la production d'huile d'olive concerne certainement les électeurs grecs, il n'est pas certain que cet aspect des choses serait envisagé par un congrès international socialiste qui se tiendrait par exemple à Berlin et où donneraient leur avis des politiciens danois, finlandais et lituaniens.
Tout cela pour dire que l'Union européenne devient un énorme mammouth ingouvernable, ce qui ne serait pas encore trop grave en soi si les états membres n'avaient pas entre temps perdu une grande partie de leurs prérogatives. Nous nous retrouvons donc devoir confier la direction d'un bateau à un équipage dont on sait déjà qu'il s'acquittera mal de sa tâche. C'est d'autant plus inquiétant quand on sait que le bateau en question effectue une traversée qui va contre nos intérêts de citoyens ordinaires.
18:37 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : elections européennes
Commentaires
> Un Smic européen égal à 60% du salaire moyen dans chaque pays (soit 1600 € par mois en France)
> L'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits et l'instauration d'un droit de veto des comités d'entreprise sur les licenciements
> La remise en cause des "libéralisations" des services publics et notamment des directives qui menacent La Poste, l'électricité, la SNCF. Le refus de la privatisation de la santé et de l'hôpital. Le développement de services publics de qualité sur tous les territoires
> La rupture avec les modes de production et de consommation polluants
> Un pôle public bancaire et la soumission de la Banque centrale au contrôle des peuples
> L'arrêt de la ratification du traité de Lisbonne pour respecter le vote démocratique des citoyens
> Le refus de l'alignement sur les Etats-Unis : rejet du projet de Grand marché transatlantique et opposition à l'OTAN
Je voterai dimanche pour ces propositions-là.
Écrit par : Michèle | 05/06/2009
On ne peut qu'être d'accord avec chacun de ces points.
Le problème, c'est que l'UMP est en tête dans les sondages et que ce parti fera juste le contraire. Quant aux socialistes, autant dire qu'ils n'existent plus. Forcément, depuis le temps qu'ils jouent le jeu de la droite...
Comme par aillleurs certains, par vote sanction, choisiront le FN (qui dit qu'il va les défendre contre l'arivée du travailleur roumain ou polonais dont nous avons déjà, parlé), il ne restera pas beaucoup de points pour l'extrême-gauche, dont les beaux désirs resteront lettre morte.
D'où l'idée du vote blanc qui ne sert à rien sauf à montrer qu'on n'est pas d'accord.
Écrit par : Feuilly | 05/06/2009
On se pose la question comment l’Europe composée de vingt-sept exceptions nationales avec vingt-trois langues et prés de cinq cents millions d’habitants, pourra-t-elle atteindre l’unité dans la diversité et atteindre in finish l’universalité. Force est de constater que plus l’espace européen s’élargit et plus le communautarisme se renforce (les Wallons en Belgique, les Basques en Espagne, les corses en France…). Quant à l’entrée de la Turquie en Europe, il faut revenir à l’histoire
- sous Philippe le Bel (Cf. Pierre Dubois) l’idée d’une Europe chrétienne unie est née dans le but de récupérer la Terre Sainte. Cette union « théologique» fut un flop.
- au 16e siècle Le Duc de Sully proposa une Europe de 15 états chrétiens, excluant de facto la Turquie (déjà!) et la Russie.
- Au 17e siècle la pensée philosophique de l’Europe est née, notamment autour d’Emeric Crucé (un homme formidable très moderne et ouvert), et de l’Abbé de Saint Pierre. Crucé lie les perspectives d’unification des États à des objectifs sociaux économiques et politiques pour les peuples concernés. L’idée d’une Europe unie devient un concept politique en dehors des cloisonnements spirituels, associant le Grand Turc qui devient la deuxième personnalité après le pape et avant l’Empereur et le Roi de France. Aujourd’hui on est loin des idées de Crucé.
- A partir du 18e siècle, Castel de Saint Pierre propose une Confédération de 17 pays chrétiens excluant la Turquie tout en gardant des « contacts » avec les Mahométans et les pays d’Asie (Voir ses écrits sur le Net. BnF/Gallica).
- Rousseau, Kant et d’autres philosophes vont « penser » l’Europe en excluant souvent son rôle politique car, pensent-ils, irréalisable. Et cette vision désabusée durera jusqu’au XXe siècle
- On arrive rapidement à la déclaration de Robert Schuman de 1950, qui va donner naissance à l’Union Européenne actuelle C’est une idée qui est née après un désastre, un de plus, et il faut éviter le prochain ! La première tâche est de faire la paix. Or pour les générations actuelles il faut d’autres ferments.
Alors c’est quoi l’Europe ? C’et une singularité qui regarde son nombril. C’est un « machin» qui s’occupe de la taille de la banane importée. Je caricature à peine. Le culturel? Le social ? La faim dans le monde? La santé ? La recherche? La démocratie et les libertés dans le monde? Le droit?... On en parle, « by the way », dans les commissions.
Écrit par : Halagu | 06/06/2009
Le paradoxe, c'est que l'Europe s'est imposée au monde (colonies, etc.) à une époque où il n'y avait pas la moindre unité politique. Malgré les rivalités internes, elle a imposé sa culture à l'extérieur. Maintenant qu'on cherche l'unité, on n' a plus la force d'imposer quoi que ce soit.
Écrit par : Feuilly | 06/06/2009
La raison de la supériorité de l’Europe aux siècles derniers est liée à son regard lointain, transcendantal, critique. Son influence devenue planétaire s’est affirmé dans divers domaines : sciences (médecine, sciences exactes, chimie, biologie…), démocratie (idéal de la société des nations déjà promue par Kant), inventions (du cinéma jusqu’à internet), du savoir (écoles depuis Platon et université dés le 13e s). Actuellement elle est partout, elle domine, mais elle est nulle part. Oui c’est paradoxal mais c’est le paradoxe de toute fin, on connait l’expression chrétienne « Mort où est ta victoire », il suffirait de dire « Europe où est ta victoire ». C’est une victoire à la Pyrrhus ! Elle manque de souffle et n’a plus de grands projets, elle n’est plus dans le lointain, elle consomme. Chirac a bien saisi cette situation en déclarant : « L’Europe n’est ni une géographie ni une histoire … » C’est, en somme, un espace virtuel de vacuité où n’importe qui peut rentrer comme dans un club à condition de payer une cotisation et respecter les règles. La vision planétaire, lointaine, n’existe plus que sous forme antiquaire. A quand un nouveau souffle, une nouvelle idéalité ?
Écrit par : Halagu | 07/06/2009
Pas pour tout de suite, le seul idéal du moment, vous l'avez dit, c'est la consomation.
Écrit par : Feuilly | 07/06/2009
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