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04/05/2009

La femme et la louve

Toi, la louve aux yeux en amandes

où se réfléchissent tous les lointains,

tu désires un ailleurs où tu n’iras jamais :

l’étendue de la plaine éclairée par la lune,

le firmament des étoiles, les rumeurs de la forêt

et les steppes infinies de toute l’Eurasie.


La vie sauvage est là et la proie qui palpite

entre tes blanches canines

agonise sans comprendre le pourquoi de sa mort.


Hurlement de la meute au cœur de la nuit sacrée,

cauchemar qui devient rêve, puis songe…


La louve est là, sa toison, son regard.

L’amande de tes yeux

et ta tresse que tu défais d’un geste ample et souple

au cœur de la nuit ténébreuse.

Dans le rayon de la grande lune, dévêtue,

tu t’offres comme une proie

et ton cœur sauvage palpite

comme si c’était la mort qui s’avançait dans la profondeur de la forêt,

tandis que les loups n’en finissent plus de hurler.


Par la fenêtre ouverte tu contemples le firmament étoilé

Tu cherches un ailleurs,

un au-delà de toi-même.

Etendue dans la nuit sacrée,

Tu attends dans ta nudité, dans l’aura de ta chevelure d’or

et ton désir n’a d’égal que la peur de la mort qui approche

à pas de loups.


Tu as des yeux en amandes,

de beaux yeux qui pleurent, parfois,

quand l’aube pointe derrière la vitre

et que toute la meute a disparu

dans l’immense plaine de la vie.


Et tu restes là, seule,

à contempler les lointains inaccessibles

comme une louve

qui n’aurait pas trouvé sa raison d’être.


Tu es une louve, perdue dans le firmament des étoiles.







00:22 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : littérature, poésie

Commentaires

C'est beau Feuilly!
C'est la rencontre de deux regards , une femme, une louve, c'est un mystère dévoilé au clair d'une lune ronde...
C'est un moment unique et profond, comme une promesse de liberté.
La nature, la terre, la femme , la louve, font vibrer une force incroyable qui envoûte...
La quête d'un ailleurs se trouve dans les rêves.....

Écrit par : Débla | 04/05/2009

La louve a fini par vous fasciner. Il parait que le prodrome de cette fascination s’est manifestée à l’époque paléolithique, c’est dire…La phase d’état a été notée à l’époque gréco-romaine. Puis chez les égyptiens la symbolique de la louve devint plus…précise. Ils disaient : L’âme de « la proie qui palpite entre les blanches canines » de la louve, retrouve la lumière après la mort (la renaissance après la mort que l’on retrouve en particulier chez les hindouistes). Avis aux amateurs !
Chez les musulmans la symbolique devint plus poétique. En effet la louve incarne le désir sexuel, le libertinage et la fécondité. On dit que la louve empêchait les pèlerins de poursuivre le voyage jusqu’à la Mecque. Les pèlerins abandonnaient la caravane dévote et disparaissaient corps et âme. Certains poètes arabes libertins (parmi lesquels Omar Ibn Abi Rabiaâ, VII e siècle) sont devenus des adeptes de ces rendez-vous annuels avec les louves et se laissaient débaucher avec délectation. Plusieurs poèmes d’ibn Abi Rabiaâ décrivent ces fameux «pèlerinages » sensuels.
Quelques poètes français sont aussi fascinés par la louve, pour le plaisir je citerais celui-là :
Rococo japonais
Ô toi dont l'œil est noir, les tresses noires, les chairs
Blondes, écoute-moi, ô ma folâtre louve !

J'aime tes yeux fantasques, tes yeux qui se retroussent
Sur les tempes ; j'aime ta bouche rouge comme une baie
De sorbier, tes joues rondes et jaunes ; j'aime tes pieds
Tors, ta gorge roide, tes grands ongles lancéolés, brillants comme
Des valves de nacre.

J'aime, ô mignarde louve, ton énervant nonchaloir, ton
Sourire alangui, ton attitude indolente, tes gestes mièvres.

J'aime, ô louve câline, les miaulements de ta voix, j'aime
Ses tons ululants et rauques, mais j'aime par-dessus tout,
J’aime à en mourir, ton nez, ton petit nez qui s'échappe
Des vagues de ta chevelure, comme une rose jaune éclose
D’ans un feuillage noir.

Joris-Karl Huysmans (Recueil : Le drageoir aux épices)

Écrit par : Halagu | 04/05/2009

Oui, elle a fini par me fasciner, cette louve.
Il faut dire que cet animal a quelque chose d'énigmatique et que nous portons sur elle le même regard que sur la femme, finalement (enfin, c'est une image).

Car la femme aussi intrigue. Elle peut se révéler dangereuse et conquérante comme une louve ou devenir elle-même une proie lorsqu'elle est l'objet de notre désir. L'amour et la mort sont finalement bien proches, parfois.

Écrit par : Feuilly | 04/05/2009

Dire d'abord la beauté du poème et qu'on y entend le fin lettré que tu es, Feuilly.

Dire ensuite le régal à lire les contributions de Halagu. Cela fait plusieurs billets que je ressens cela et je ne résiste plus à l'envie de le dire.

Cette remarque n'est exclusive de rien. C'est aussi un bonheur bien sûr, de lire chacun des commentateurs.

Écrit par : michèle pambrun | 05/05/2009

Si on regarde le Robert historique de la langue française, "Lupa", en latin, a signifié "prostituée" avant "femelle du loup".
Les Latins disaient "lupus femina", mais le caractère de lubricité étant attribué seulement à la femelle, le besoin s'est fait sentir de créer une forme spéciale.
Messaline, lors de ses débauches, prenait le surnom grec de "Lycisca" : "la chienne-louve"; L'emprunt "lupanar" garde témoignage de ce sens figuré, attesté en français dès 1265.

Écrit par : michèle pambrun | 05/05/2009

Intéressant, je n'avais jamais fait le rapprochement. Mais rien de lubrique, vraiment, dans la louve du poème ni dans l'image de la femme qui en découle. Certes, dévêtue, celle-ci semble attendre, mais du coup, de louve, la pauvre devient "proie". Il y a l'idée de solitude aussi et de rêverie :

"Et tu restes là, seule,
à contempler les lointains inaccessibles"

Dimension existentielle, donc (cf. "trouver sa raison d'être"), pour cet être sensible qui sait pleurer "quand la meute a disparu". Reléguée dans sa solitude, elle doit dépasser son désir et elle ne peut plus que rêver.

Écrit par : Feuilly | 05/05/2009

"Tu es une louve, perdue dans le firmament des étoiles".

Mathieu Belezi, que je suis en train de lire (Une sorte de dieu), évoque "les champs étoilés où languissent les âmes mortes".

Écrit par : michèle pambrun | 06/05/2009

Les âmes mortes? On dirait du Gogol...

Écrit par : Feuilly | 06/05/2009

Au mitan du groupe, au milieu de la troupe, un étranger se faufile . À mi-temps du chemin, parfois, une étrange aire se dessine, l’étrange erre derrière un chemin.
Caché là, derrière, se figure un air bizarre , un souffle , l’ issue d’un voile .
L’étrange est presque chien ,il se cache, c'est le masque posé sur un désir envisagé, c'est un loup au milieu de la meute.
En faim assouvie, repus , il part sans se retourner chercher à dévorer sa proie, se faire la belle : label- vie .

Écrit par : ellesurlalune | 06/05/2009

C'est ce qui s'appelle exploiter les richesses de la langue...

Écrit par : Feuilly | 06/05/2009

Il gît au mitan du chemin le corps d'une louve tué par le clan aux approches patientes. Encore tiède, il embaume l'air de sa vie échappée.
Il s'est fait la belle. Il n'y a plus rien à faire. L'éparpillement est la règle, la chair s'effiloche, les os se dispersent.
Choc unique où naît l'histoire. Au creux coeur des mots.

Écrit par : michèle pambrun | 06/05/2009

Chouette, bientôt nous aurons autant de poèmes que de lecteurs.

Écrit par : Feuilly | 06/05/2009

Moi je pense toujours à la fondatrice de Rome.
Une louve bonne mère et paisible, très différente de l'image véhiculée dans l'imagination populaire.
D'ailleurs si les bergers italiens s'accommodent davantage du loup que les Français cela vient peut-être de cette image antique.

Pour les poèmes, sans moi ! les Muses ont tourné la tête et regardé ailleurs quand je suis née.

Écrit par : Rosa | 12/05/2009

Chouette sait on jamais ....

Écrit par : ellesurlalune | 24/05/2009

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