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01/04/2009

Recueillement

"Il se leva et traversa la route et entra dans le cimetière… (…) Il s’arrêta son chapeau à la main sur la terre qui ne portait aucune marque. Cette femme qui avait travaillé pour sa famille pendant cinquante ans. Elle avait gardé sa mère au berceau et elle avait travaillé pour sa famille bien avant que sa mère ne vînt au monde et elle avait connu et gardé les oncles de sa mère les fils Grady qui étaient de vrais sauvages et qui étaient tous morts depuis si longtemps et il restait là avec son chapeau à la main et il l’appela son Abuela et il lui dit adieu en espagnol puis il fit demi-tour et remit son chapeau et tourna son visage humide vers le vent et resta un moment les bras tendus devant lui comme pour reprendre l’équilibre ou bénir la terre là où il était ou peut-être pour ralentir le monde qui fuyait dans sa course folle et semblait n’avoir nul soucis ni des vieux ni des jeunes ni des riches ni des pauvres ni des basanés ni des visages pâles ni de lui ni d’elle. Nul souci de leurs luttes, nul souci de leurs noms. Nul souci des vivants ni des morts."

Cormac Mac Carthy, « De si jolis chevaux »



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Source

Commentaires

Cela m'a tout de suite fait penser à ce poème de Baudelaire :

"La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l’entour de leurs marbres,
Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
À dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s’égoutter les neiges de l’hiver
Et le siècle couler, sans qu’amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil je la voyais s’asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l’enfant grandi de son œil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?"

Écrit par : Meriem | 01/04/2009

En effet, merci pour Baudelaire. Ic il s'agit, comme on l'a compris, de la grand-mère du héros.

Écrit par : Feuilly | 01/04/2009

Je ne sais si je dois en vouloir à l'heure tardive à laquelle j'ai lu le texte... Je pensais qu'il s'agissait d'une aimante et dévouée gouvernante.

Écrit par : Meriem | 01/04/2009

Non, c'est vous qui avez raison et moi qui étais fatigué. Dans le roman, la défunte est bien la mère de Luisa, la servante. D'ailleurs on le dit : elle avait travaillé pour la famille bien avant que la mère (du héros) ne vienne au monde. C'est par amour et affection que celui-ci l'appelle "abuela". Disons que cette femme a tenu, affectivement, le rôle de grand-mère, rôle d'autant plus important que la propre mère du héros avait quitté le foyer. C'est un roman sur la solitude existentielle et le moyen de la vaincre en partant à l'aventure chercher "autre chose".

Écrit par : Feuilly | 01/04/2009

Ca pouvait prêter à confusion ...L'abuela c'est la grand mère en effet, mais dans ce texte c'est sûrement une forme de tendresse ... Je l'ai lu comme cela en tout cas ...

Écrit par : Débla | 01/04/2009

Oui, c'est cela, de la tendresse car la vraie mère étant partie, la servante a joué tous les rôles. Mais on ne fait que le deviner dans le livre, qui se situe après l'enfance du héros.

Écrit par : Feuilly | 01/04/2009

Je n'ai pas lu ce livre , mais je peux imaginer cette femme d'origine mexicaine, qui semble déjà âgée, d'où : abuela ...Prévenante, aimante , aimant ces enfants comme les siens ..Une douce abuelita ( petite grand mère) , il y a dans ce mot , ce nom une grande douceur ....

Écrit par : Débla | 01/04/2009

Débla, tu as une oreille délicieuse...Je trouve que ce mot, c'est un murmure, un chuchotement confidentiel...
Il y a des mots comme ça, dont la sonorité ouvre les voies à bien des paysages...
Des mots qu'on dirait faits pour des poèmes, au sens où le maître de céans parlait de poésie sur un autre billet...
Merci de l'avoir souligné.

Écrit par : Bertrand Redonnet | 01/04/2009

Ecriture qui m'attire et que je ne connaissais pas. Je retiens cet auteur que je découvre et qu'il seriat que j'explore un peu plus.

Écrit par : xavier | 01/04/2009

Cette phrase centrale (de treize lignes sur cette mise en page) est superbe. L'écriture à l'oeuvre. Chapeau bas au traducteur. C'est marrant, parce que sans la remarque de Bertrand qui avait tout de suite repéré la reprise incessante du "et", je me demande si j'aurais regardé cette fabrication du texte d'aussi près.

Écrit par : michèle pambrun | 02/04/2009

Oui, oui, le tout en une seule phrase, absolument.

Écrit par : Feuilly | 02/04/2009

C'est un peu du Faulkner ou du Claude Simon... mais au Texas...
Amitié

Écrit par : Andrea Maldeste | 02/04/2009

Oui, il y a du Faukner chez lui. J'aime surtout cette vie marginale, parallèle à celle des autres, ce désir d'aventures, ces grands espaces, cette complicité avec les chevaux et puis toujours l'amour qui pointe son nez. Des amours qui finissent toujours mal, d'ailleurs. Il y a matière à réflexion chez Mac Carthy!

Écrit par : Feuilly | 02/04/2009

Les commentaires sont fermés.