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11/03/2009

Réflexion sur le terme "écrivain" (3)

Continuons donc notre relation épistolaire avec l’auteur et les commentateurs du site « L’exil des mots » sur la définition du terme écrivain.

Ph. Seelen nous fait remarquer à juste titre qu’avant de définir ce qu’est exactement un écrivain, il faudrait peut-être se pencher sur la notion de littérature. Si je lis bien ce qu’il écrit, il considère que la littérature telle que la concevait Balzac par exemple a été bien malmenée au cours du XX° siècle, notamment par la critique universitaire, au point que son existence même s’en trouverait mise en péril.

Sur ce dernier point, je suis rassuré, la littérature trouvera toujours un moyen pour s’exprimer, que ce soit sous une forme ou sous une autre, mais c’est vrai qu’en France elle a subi de rudes coups et qu’on en oublierait le plaisir de raconter simplement une histoire mettant en scène des destins humains. Car la littérature, c’est bien cela, n’est-ce pas ? Parler de l’homme, de la femme, de leur vie, de leur destinée, tout cela d’une manière poétique ou imaginaire, de manière à mettre sous les yeux du lecteur ce qui l’intéresse le plus, à savoir sa propre vie, sur laquelle il peut subitement s’interroger par l’intermédiaire de personnages de fiction. La littérature donne donc du plaisir mais elle fait aussi réfléchir au point qu’on peut dire qu’on ne sort pas toujours intact de certaines œuvres quand celles-ci nous remuent au plus profond de nous-même.

Celui qui écrit ces livres (ce fameux écrivain que nous essayons ici de définir) restait en effet fort discret autrefois, travaillant dans l’ombre et ne se faisant connaître que par ses oeuvres. Aujourd’hui, comme le fait remarquer Philippe, on met sa personne sous le feu des projecteurs et on lui demande de s’exprimer à peu près sur tout et surtout sur ce qu’il connaît le moins, à savoir l’actualité (car toute oeuvre littéraire demande toujours une certaine distance par rapport à l’actualité la plus immédiate, qu’il s’agira d’analyser et de représenter autrement par l’intermédiaire de l’imaginaire). Certes, l’écrivain, comme tout citoyen, a son idée sur les événements contemporains, mais je dirai que ce n’est pas ce que j’attends de lui car justement il s’exprime alors comme n’importe qui et son opinion personnelle sur tel fait politique ou tel conflit guerrier n’a pas plus de valeur que celle de n’importe quelle autre personne éclairée.

En résumé : d’un côté on détruit la littérature, de l’autre on fait de l’auteur un personnage médiatique et on lui demande de s’exprimer sur tout et n’importe quoi (mais surtout pas, à la limite, sur la littérature).


Que s’est-il passé ?

Autrefois, un auteur était supposé maîtriser la langue française à la perfection. Ce rôle, les grammairiens puis les linguistes le lui ont enlevé. C’est le problème dont on a déjà parlé au sujet des « fautes » de Flaubert. L’écrivain peut-il « tordre » la langue jusqu’aux limites de ses possibilités pour exprimer ce qu’il a à dire ? Oui, bien sûr et c’est ce que Flaubert avait fait de son vivant et personne ne lui en avait tenu rigueur, mais au début du XX° siècle, on lui reprocha subitement ses écarts (sur la manière dont il utilisait l’imparfait par exemple). Cela signifie concrètement qu’à cette époque les grammairiens s’approprient la langue une fois pour toutes. Puis vinrent les linguistes, qui dirent que tous les niveaux de langue se valaient d’un point de vue strictement linguistique. De plus, toute langue évoluant, il n’y pas de raison de préférer celle du moment à celle que l’on parlait un siècle plus tôt. D’ailleurs la langue d’aujourd’hui aura disparue demain au profit d’une autre qui sera aussi valable. C’est la mort du bon usage et de la seule forme correcte. Tout se vaut. L’écrivain, on l’a vu, n’avait déjà plus aucune autorité pour parler de la langue ou pour la faire chanter à sa guise. Tout était devenu affaire de spécialistes. De plus, si tout se vaut, que signifie encore un beau style ? C’est dépassé. Il lui restait donc l’histoire à raconter (s’il écrit un roman) pour se consoler. Mais là les théoriciens sont venus porter un dernier coup de butoir. Raconter une histoire, vous n’y pensez pas ? C’est dépassé. Après tout, un article de presse aussi raconte un événement qui s’est produit. Non, si la littérature a une spécificité, c’est ailleurs qu’il faut la trouver. Arrive donc le nouveau roman, qui parle en fait de lui-même, suivi par Barthes qui dit qu’un texte est littéraire si l’auteur a décidé qu’il le serait (c’est l’exemple de l’article de presse qui devient un poème si on change la disposition des mots et la ponctuation).

Dépossédé de la langue et de l’histoire, la pauvre auteur se cherche en vain. Alors il parle de lui et de son désir d’écrire (ma vie ne vaut rien si ce n’est par mon écriture et dans cette écriture je dis justement que ma vie ne vaut rien). Bref on tourne en rond et la littérature est devenue nombriliste, du moins en France, car à la même époque en Amérique du Sud le réalisme magique a un autre souffle et aux Etats-Unis on a encore de grands romans qui parlent de l’homme et du monde (Mac Carthy étant un de ceux-là, à côté de Styron, Penn Warren, Prokosch et quelques autres).

C’est que la « clique universitaire », comme dit Ph. Seelen, n’aurait regardé que le texte et pas le contenu. D’accord. Attention cependant à bien se comprendre. Plutôt que de s’égarer sans fin dans l’histoire littéraire (et vouloir par exemple comprendre une œuvre uniquement par le biais de la biographie de son auteur), on peut se pencher sur le texte, mais pour voir ce qu’il dit évidemment, par pour compter les figures de style et s’extasier sur l’occurrence des noms masculins et féminins. Mais on se comprend, ce qui est visé ici c’est l’approche universitaire qui privilégie la forme au fond. Or cette forme n’est qu’un moyen pour transmettre un message et c’est cela qui a été oublié. On a fait du moyen le but en soi, coupant le texte de ce qu’il disait, le privant ipso facto du lecteur qui en était le destinataire. Ou alors, si on a parlé du lecteur, c’est pour dire que celui-ci vient avec son propre bagage culturel, ses propres lectures antérieures, que cela influence sa compréhension du livre qu’il a en main (ce qui est vrai) et qu’à la limite, ce qu’a réellement voulu dire l’auteur importe peu (ce qui est faux) puisqu’il est de toute façon mal compris et que ses propos sont toujours déformés (ce qui est exagéré).

Donc, il faut revenir à une littérature qui parle de la condition humaine, je suis bien d’accord. La littérature doit être critique par rapport au monde, en dénoncer les insuffisances et les sophismes et nous permettre de prendre conscience de la manipulation permanente qui s’exerce sur nous, par exemple par le biais de cette civilisation marchande qui nous fait croire que le bonheur réside dans l’acquisition de biens de consommation.

Un auteur serait donc quelqu’un qui écrit dans ce sens (qu’il soit connu ou inconnu, finalement, édité ou non édité) et pas un de ces littérateurs qui ne fait que renforcer le rôle marchand de la société en se prêtant au jeu (produire beaucoup de textes, quitte à se faire aider pour cela, parader sur les plateaux de télévisons et permettre à certains de vendre le livre comme n’importe quel produit de consommation).

Maintenant, vouloir faire naître la littérature à la fin du 18è siècle, cela me semble un peu curieux. Certes, on comprend bien que Stendhal, ce n’est pas la Chanson de Roland et que Rimbaud n’est pas Du Bellay, mais que dire de Montaigne, de Rabelais, de Racine, de La Fontaine ? Ce ne serait pas des littérateurs ? Ils l’étaient manifestement plus que certains de nos contemporains.



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Commentaires

Cher Feuilly,

je viens de lire votre dernière contribution et naturellement un certain temps d'écriture m'est demandé pour non pas répondre à votre réponse mais pour avancer de nouveaux pions dans le débat.

Amicalement. Philip avec un p, cher ami j'y tiens, mais je sais les vieux greco-latin que nous sommes ont tendance à rajouter spontanément le deuxième pi de hyppos, ce qui est tout à l'honneur mais contraire cependant à la vérité de mon prénom.

Écrit par : Philip Seelen | 11/03/2009

Désolé pour le prénom. En effet, c'est peu respectueux, mais ne se voulait point tel. Et d'où vient que cet hyppos ait perdu un pi en terre romande?

Écrit par : Feuilly | 11/03/2009

De l'écrivain comme auteur, du lecteur et de la lecture...


Il faut attendre le genre du "Massacre à la tronçonneuse" pour que la culture moderne de masse retrouve le niveau de consommation de bestialité atteint par le spectacle de masse des Jeux du Cirque dans l'Antiquité romaine.

La crise de la littérature comme genre et forme culturelle principale de la formation de l'homme comme humaniste, par l'écrit et par la lecture, qui rend tolérant, qui enseigne la retenue du jugement et l'ouverture de l'ouïe vers l'autre est une manifestation des plus graves de la crise de notre civilisation.

Qu'un Président de la République de France, cette même France qui a inventé parmi les parts les plus déterminantes de la Littérature telle que nous la connaissons jusqu'à aujourd'hui, puisse avoir déclaré à la face de tout ce pays et de toutes ses élites que la littérature il s'en fout et que quant à lui il n'éprouve jamais le besoin et n'a pas le temps de lire un livre, sans que cela ne soulève une vague de protestation dans ce pays montre bien l'état de crise intellectuelle et morale dans laquelle nous vivons sans plus nous en rendre compte ou de nous en offusquer.


La lecture est humanisante si les écrivains, les philosophes, les artistes et les poètes en sont les auteurs, et non les propagandistes ou autres sbires de l'écriture sur commande et influence.

Les Livres sont de grosses lettres adressées aux amis. C'est là le lien si fort de la Littérature avec l'humanisme. Les livres, l'écriture des poètes, des écrivains, des philosophes, des artistes, constitue une télécommunication créatrice d'amitié utilisant le média de l'écrit.

Si la philosophie écrite a pu demeurer virulente jusqu'à nos jours comme genre littéraire, genre littéraire que j'aime autant que le roman, c'est qu'ainsi transmise elle recrute ses partisans en écrivant sur l'amour, sur l'amitié, et en le faisant d'une manière contagieuse. Car elle insiste pour inciter d'autres personnes à cet amour.

Si cette transmission a pu durer depuis deux mille cinq cents ans, elle le doit à la faculté de se faire des amis par le texte. elle s'est laissée prolonger par l'écriture à travers les générations, comme une chaîne épistolaire et a entraîné toutes les générations de copistes et de philosophes écrivains dans sa fantastique aura créatrice d'amitié.

Cette amitié qui nous vient de loin, ou plutôt ces lettres d'amitié a eu donc besoin aussi bien des lettres elles-mêmes que de ceux qui ont été facteurs et interprètes de ces lettres. Si les Romains par exemple n'étaient pas entrés dans ce jeu avec leur remarquable réceptivité, les messages grecs n'auraient jamais atteint les espace ouest européens que nous clients de l'humanisme nous continuons toujours a habiter, bien qu'on veuille nous écarter des systèmes de communication de la connaissance.

Si nous pouvons discuter ici sur internet, en direct, par écrit, sans se connaître, de l'humanisme on le doit tous d'abord à la géniale idée des Romains de lire les textes des Maîtres grecs comme si il s'agissait de lettres à des amis vivant en Italie.

Si l'enseignement des classiques et l'enseignement de cette chaîne de transmission paraît à l'élite d'aujourd'hui qui croit tout pouvoir diriger comme obsolète et à supprimer de tous les programme, c'est qu'elle a raison sur un point. l'époque de la littérature reine, transmetteuse du ciment culturel permettant aux élites de garder cohérence entre elles pour diriger plus ou moins mal l'Etat Nation est effectivement totalement dépassée.

L'époque de l'humanisme national bourgeois est arrivée à son terme. L'art d'écrire des livres inspirant l'amour à une nation d'amis de la littérature et de sa culture, ne suffit plus à établir le lien télécommunicatif entre les habitants d'une société de masse moderne.

La nouvelle société de réseau, sur-développement des médias électroniques de la radio et de la télévision a donné de nouvelles bases à la coexistence des êtres humains dans nos sociétés.

Les sociétés modernes, si grandes et massives, ne peuvent plus produire que marginalement leur synthèse politique et culturelle par le biais des médias littéraires, épistolaires et humanistes.

Aujourd'hui de nouveaux médias de la télécommunication politico-culturelle ont pris la tête du mouvement. Ils ont réduit à une dimension modeste les schéma des amitiés nées de l'ère de l'écrit dominant.

Nous avons quitté l'ère de l'humanisme des temps modernes, considéré comme un modèle scolaire et éducatif, parce que l'on ne peut plus maintenir l'illusion selon laquelle les grandes structures politiques et économiques pourraient être organisées selon le modèle amiable de la société littéraire.

C'est l'inverse qui est en cours, et la société puissante des médias organise la strucuture et la production de la littérature.

A plus les Amis. Philip

Écrit par : Philip Seelen | 11/03/2009

ET LA FIGURE DE L'ECRIVAIN DANS TOUT CA LA ?


Alors la Figure de l'écrivain va prendre dans une telle situation des visages multiples et contrastés.

Est-ce un mal, est-ce un bien ?

Je ne puis répondre à cette question, c'est un fait !

Écrit par : Philip Seelen | 11/03/2009

Je me sens un peu gênée de m'immiscer dans ce débat...
Feuilly, je partage votre point de vue.
"Donc, il faut revenir à une littérature qui parle de la condition humaine"
Les écrivains ont abandonné le terrain de la condition humaine aux spécialistes des sciences humaines et se retrouvent devant des friches...
Balzac était à la fois sociologue, psychologue, reporter et chroniqueur mondain en plus bien sûr d'être écrivain.
De même la frontière que pour ma part je souhaiterais voir maintenue entre la philosophie et la littérature semble de moins en moins nette. Et c'est regrettable.
J'apprécie en tout cas que vous parliez des écrivains que vous aimez, ce qui me paraît être la meilleure façon de "servir" la littérature, plutôt que de passer son temps comme certains blogues à disséquer son "supposé" cadavre. Rien de tel pour dégoûter de lire.

Écrit par : Rosa | 11/03/2009

@ Philip (avec un "p"):

"Nous avons quitté l'ère de l'humanisme (...) parce que l'on ne peut plus maintenir l'illusion selon laquelle les grandes structures politiques et économiques pourraient être organisées selon le modèle amiable de la société littéraire."

Je crois que nous avons quitté l'ère de l"humanisme tout court. "On" ne veut plus de ce type de société-là. Forcément, l'humanisme suppose la tolérance et dans une société marchande où il s'agit d'écraser tout le monde et où la compétition devient le maître mot, il ne peut plus être question de respecter son prochain mais de le dominer.

C'est d'abord pour cela que je me suis toujours positionné contre le capitalisme et le néo-libéralisme. Pas par fascination politique pour la gauche, comme certains ont pu le croire, mais par dégoût envers un modèle de société qui impose d'anéantir les plus faibles.

Dès lors, effectivement, la littérature devient inutile. Elle devient même dangereuse (la vraie littérature j'entends, pas celle qui se vend comme un produit et qui reproduit le modèle social actuel ou qui sert de soupape de sécurité pour permettre à ce modèle de s'imposer).

Donc, continuons à écrire, nous ferons oeuvre de désobéissance civique et par-là oeuvre salutaire.

Une telle littérature, qu’elle le veuille ou non, est engagée puisqu’elle conteste le type de société dans lequel nous vivons. Elle le conteste non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan humain.

Écrit par : Feuilly | 11/03/2009

@ Rosa : ne soyez pas gênée, il y a de la place pour tout le monde et je ne veux point ici avoir l’air de philosopher en cercle clos.
Vous avez raison, les sciences humaines ont repris une bonne partie des anciennes compétences de l’écrivain. La preuve : on préférera interroger un professeur d’université spécialiste en sociologie qu’un écrivain (à celui-ci on demande juste de faire le pitre devant une caméra et de signer ses livres) si on veut avoir un avis éclairé sur un problème de société.
Parlons donc des écrivains que nous aimons, c’est en effet faire oeuvre utile. Le paradoxe c’est que je peux citer Mac Carthy comme le Stalker peut le faire de son côté, alors qu’Asensio est à mille années lumière de mes raisonnements (selon sa propre expression). Cela prouve en tout cas que c’est un écrivain qui sort du lot puisque des personnes fort différentes peuvent y trouver matière à réflexion.

Écrit par : Feuilly | 12/03/2009

J'ai une prédilection pour le paragraphe qui suit "Que s'est-il passé ?", ajouté au commentaire de Rosa et la dépossession de l'écrivain de ses sujets et de sa matière est illustré, me semble-t-il, dans sa totalité.

Je pense à une petite anecdote me concernant et qui peut peut-être servir notre sujet :
J'envoie deux textes (il s'agissait de la mort dans l'un et des transports publics dans l'autre) à une revue littéraire qui m'avait déjà publiée. On ne me répond pas par la négative (aucune décision n'a été prise encore) mais on me demande si les lecteurs ont besoin de textes aussi sombres que ceux que j'ai envoyés, n'ont-ils pas plutôt besoin de choses gaies et joyeuses...
Je n'attribue pas de rôle à un écrivain, sinon peut-être celui de bien écrire (forme et fond), j'aime bien être publiée, j'aime bien me savoir lue par des inconnus, par de nombreux inconnus encore mieux, mais de là à songer à leurs besoins ! "Je m'en moque comme de Dieu, de Diable ou de la Sainte Table !" (Baudelaire, "Le vin de l'assassin").
Le public donc est supposé attendre une "littérature de vacances" comparable aux niaiseries que lui sert la télévision ?
J'ai répondu que j'aurais compris que le lecteur ait besoin de textes aboutis, bien écrits, et non pas de mauvais textes, puis j'ai demandé si le lecteur et la société en générale n'avait pas plutôt besoin de se confronter à certaines vérités (toutes à vrai dire) et de faire face aux démons presque invisibles qui la tiennent en une servitude intellectuel navrante ?
Il semble qu'il faille endormir la masse, la bercer bien tendrement d'histoires colorées et joyeuses à lui fabriquer de doux rêves propres à la détourner de l'évidence de son esclavage à ce monde "marchand", ou encore lui torturer l'esprit avec une vision complètement chaotique du monde afin qu'elle combatte cet horrible cauchemar par toutes sortes d'acquisitions matérielles et de servitudes renouvelées à un monde finalement pas si moche puisque loin, si loin du chaos des autres ; mais surtout, surtout ne pas lui montrer la vérité, ne pas la lui dire ni la lui chanter ni la lui écrire ni même la lui mimer.

Écrit par : Meriem | 12/03/2009

Les lecteurs auraient besoin de choses gaies et joyeuses... Voilà qui fait sourire, assurément.
Sauf qu'en effet cela donne une bonne image de ce à quoi on voudrait réduire la littérature: un simple divertissement.

Écrit par : Feuilly | 12/03/2009

Bonjour Feuilly et Philippppe !
ahahahahahaha !

Écrit par : redonnet | 12/03/2009

Et tous (toutes) les autres bien sûr...C'était pour chahuter un peu Philip...

Écrit par : Bertrand | 12/03/2009

Plus sérieusement :

" C'est d'abord pour cela que je me suis toujours positionné contre le capitalisme et le néo-libéralisme. Pas par fascination politique pour la gauche, comme certains ont pu le croire, mais par dégoût envers un modèle de société qui impose d'anéantir les plus faibles. "

Oui, Feuilly, et c'est ce qui fait de toi, non pas un homme de gauche idéologique et c'est tant mieux car cette gauche n'est que la superstructure bariolée autrement du même système, mais un humaniste.
Respect et amitié

Écrit par : Bertrand.Redonnet | 12/03/2009

Bertrand et Feuilly,

Je pprépppare ma ripppposte que je vous enverrai dès que pppppossible !

Amicalement, j'ai voyagé aujourd'hui toute la journée, le wifi de l'hôtel est merdique et j'ai pas eu le temps de ruminer mes répppponse, mais vous ne pppperdez rien ppppour atttendre....je vous répppppondrai demain sur un ou deux ppppoints mes amis.

Phili....

Écrit par : Philip Seelen | 12/03/2009

Meriem, j'entends très souvent les propos que vous tenez;
Mais je les trouve simplistes.
j'ai lu récemment un sondage sur la lecture et en particulier sur la motivation d'un lecteur pour acheter un livre :
en un, arrive le sujet du livre (le sondage ne porte pas que sur la littérature)
en 2, et c'est intéressant, les recommandations d'amis. On peut inclure les recommandations de nos blogues.
L'influence des médias, presse et télévision ne viendrait qu pour 3% !
D'autre part je pense qu'il faut savoir assumer le désir d'écrire des textes exigeants et le refus d'être publié, je parle pour quelqu'un qui est proche de moi, pas pour vous.


Philip, merci pour la série de p
j'adore cette lettre
allez savoir pourquoi !
la lettre de putain peut-être ! j'arrête sinon le psy va pointer son nez.

Quant au fond du débat
et au risque de choquer
je pense que l'écrivain reste celui qui investit toute sa vie au risque de se marginaliser dans l'acte d'écrire.
Je pense à Calaferte, qui est devenu gigolo pour ne pas être détourné de l'acte d'écrire par le travail.
Plus près de nous, quelqu'un qui vit à Lyon : Pierre Autin Grenier...très proche de Calaferte, il a d'ailleurs le même éditeur. Toute sa vie consacrée à l'écriture...

Écrit par : Rosa | 13/03/2009

Rosa : Moi être Schtroumpf grognon. Schtroumpf grognon être souvent simpliste, détester beaucoup de choses, pas beaucoup réfléchir, pas beaucoup nuancer.

Écrit par : Meriem | 13/03/2009

@ Rosa:

"savoir assumer le désir d'écrire des textes exigeants et le refus d'être publié." Comme vous y allez. C'est dur quand même. Quelqu'un qui aurait conscience de sa valeur au point d'avoir renoncé à tout pour l'écriture (là c'est magnifique, on est d'accord) devrait en plus accepter avec le sourire de n'être jamais publié?

Écrit par : Feuilly | 13/03/2009

Pour ma part, je suis aussi ravie d'être publiée que de ne pas l'être.
Ce que je juge ridicule c'est ce désir de se voiler la face, vieux : personne avancée en âge, mort : départ/voyage, rides : chirurgie ; cheveux blancs : couleurs, textes sombres : textes divertissants etc

Écrit par : Meriem | 13/03/2009

Ce serait bien si Meriem indiquait une URL qui fonctionne..
Moi, ce que j'en dis, hein...

Écrit par : Bertrand Redonnet | 13/03/2009

hihihi, désolée... Meriem s'excuse et corrige l'erreur

Écrit par : Meriem | 13/03/2009

Merci Meriem...
Je vais de ce pas m'y promener

Écrit par : Bertrand R | 13/03/2009

Meriem
moi ne pas être écrivain mais lecteur...moi beaucoup lire et penser qu'on ne se préoccupe pas toujours de savoir si ce qu'on écrit intéressera quelqu'un.

Écrit par : Rosa | 13/03/2009

Feuilly je suis très consciente que je choque. Mais étant lectrice et non écrivaine j'aime bien faire entendre le point de vue du lecteur.
Pauvre lecteur !
Tantôt manipulé par la politique commerciale des maisons d'édition qui se foutent de lui
tantôt méprisé par des écrivains élitistes qui attendent qu'on leur ressemble et qui ont tendance à penser que c'est au lecteur à s'adapter à leur génie
comment peut-il s ' y retrouver le lecteur ?

Écrit par : Rosa | 13/03/2009

"on ne se préoccupe pas toujours de savoir si ce qu'on écrit intéressera quelqu'un."

C'est vrai. Mais l'inverse n'est pas mieux: écrire uniquement en fonction des lecteurs. On y perdrait son âme, si tant est que nous en ayons une... (mais là "je suis très conscient que je choque" comme vous dites)

Écrit par : Feuilly | 13/03/2009

Rosa
moi jamais, jamais, me préoccuper d'éventuels lecteurs. Ni de leurs goûts ni même de leur existence

Écrit par : Meriem | 14/03/2009

C'est ce qu'elle vous reproche, à première vue. Mais pourquoi ce style rudimentaire que vous employez ici? C'est qu'on n'est pas trop habitué à cela, par ici... C'est une sorte d'auto-dérision?

Écrit par : Feuilly | 14/03/2009

Honnêtement je ne le sais pas avec précision. De la flemmardise, sans doute. L'absence complète de l'envie de convaincre, à peine celle de donner mon avis.

Écrit par : Meriem | 14/03/2009

Une déconstruction du langage. Etrange. On dirait un suicide symbolique, comme si vous vouliez apparaître (à nous qui ne vous connaissons pas) autrement que vous êtes réellement.

(les séances psy sont gratuites dans Marche romane)

Écrit par : Feuilly | 14/03/2009

Me voilà rassurée ! -sourire-

Écrit par : Meriem | 14/03/2009

Lectrice, l'écrivain qui m'intéresse est celui qui me surprend, qui me fait réfléchir.
Un écrivain me surprend quand il fait oeuvre de création, quand il mène sa propre élucidation.
Si c'est difficile, je m'obstine et en général les textes contiennent ce qui est nécessaire à la compréhension, même différée.
J'entends donc sans réserve ce que dit Meriem.
Je pense qu'un écrivain qui se soucierait de ses lecteurs ferait de la communication, pas de la littérature.

Écrit par : michèle pambrun | 14/03/2009

Oui, c'est aussi ce que je pense. Etant entendu que rien ne l'empêche de rester compréhensible sur le plan du style, afin de faire mieux entendre sa réalité intérieure. Mais celle-ci doit rester ce qu'elle est, dans toute sa complexité et sans aucune concession.

Écrit par : Feuilly | 14/03/2009

Se préoccuper de ses lecteurs NE SIGNIFIE ABSOLUMENT PAS vouloir plaire à tout le monde...

Les lectorats sont multiples et variés.
Dans mon groupe de lecture, les positionnements sur un auteur s'affrontent parfois jusqu'à l'empoignement (bon j'en rajoute un peu !)

J'ai essayé récemment de défendre Georges Navel... Je n'y suis pas parvenue... Trop hors-normes. J'en suis sortie profondément peinée.

Meriem vous ne me donnez vraiment pas envie de vous lire avec de tels propos.

Écrit par : Rosa | 14/03/2009

Rosa, que m'importe que vous le lisiez ou non ? Cela m'indiffère complètement. Pour être tout à fait sincère, cela m'enchante que vous ne souhaitiez pas me lire.

"Se préoccuper de ses lecteurs NE SIGNIFIE ABSOLUMENT PAS vouloir plaire à tout le monde..."

Vouloir plaire en restant intègre vis-à-vis de soi, passe encore, mais vouloir plaire au point d'écrire dans l'optique d'être apprécié est une espèce de prostitution répugnante (toutes ne le sont pas...).

Tout cela me fait penser à ce poème de Baudelaire :

La Muse vénale

O muse de mon cœur, amante des palais,
Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?

Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
Aux nocturnes rayons qui percent les volets ?
Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
Récolteras-tu l'or des voûtes azurées ?

Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
Comme un enfant de chœur jouer de l'encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,

Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas,
Pour faire épanouir la rate du vulgaire.

Michèle Pambrun,
J'entends sans réserve ce que vous dites.

Feuilly,
Je trouve les nuances que vous apportez très intéressantes moi qui aie quelque peu tendance à voir tout noir ou tout blanc.

Écrit par : Meriem | 14/03/2009

Meriem,
Merci (et merci aussi pour ce poème de Baudelaire, que je reçois, lectrice parmi.)

J'ai moi-même beaucoup de mal avec les nuances, quand elles me paraissent réduire le propos. Je pense, avec Michel Rio, écrivain peu lu en France (ses romans sont lus et étudiés dans les universités américaines), qu'à partir du moment où il n'y a pas de lecteur préalable, l'écrivain n'est redevable de la clarté de ce qu'il écrit et de son ambition, qu'à lui-même. C'est la spécificité de la création, l'écrivain n'évite aucune difficulté, il les chercherait même, non pas pour être obscur, mais parce que c'est un défi qu'il se lance à lui-même, pour une petite élucidation de plus.
Quel risque irais-je chercher dans un livre, si l'auteur n'y a pris, lui-même, aucun risque ?

Écrit par : michèle pambrun | 14/03/2009

Rosa,
Ce qui me frappe, voyez-vous, c'est qu'on demande à un écrivain ce qu'il ne viendrait à l'idée de personne, de demander à un peintre ou à un musicien.

Comme s'il y avait des décalages dans les avancées, dans l'approche esthétique, dans la sensation esthétique.

La spécificité du langage, c'est d'avoir un contenu lexical. Qui entraîne, quelle que soit la rareté du mot ou la spécialisation, un contenu social immédiat. On peut aller le chercher, si on ne connaît pas le mot, mais il existe. La signification existe.

Alors que dans l'art pictural ou la musique, le sens a priori n'est pas proposé. On l'interprète comme on veut (comme on peut).

Or je trouve moi, qu'un art qui s'adresse directement à la sensibilité, au champ visuel pur (lorsqu'il n'a pas de figure immédiatement identifiable), et non pas directement à la cervelle qui n'est composée que de langage, - toute interprétation passant par le langage -, cet art-là est beaucoup plus difficile d'accès, beaucoup plus choquant.

C'est beaucoup plus choquant si ça ne fait pas partie des choses auxquelles on est habitué.
Avec le langage, on peut toujours se rattraper.

Or c'est à ce qui est socialement le moins difficile d'accès, qu'on demande encore plus "d'adaptation" (au lecteur - comme si en plus, il y avait UN lecteur ).

Serait-ce à dire que la littérature n'est pas un art ?

Et pour aller au bout, je précise que je hais l'élitisme, que j'estime le patrimoine artistique (littéraire, pictural, musical etc.) appartenir à tous, sans exclusive sociale.
Au lieu de baisser la barre de la création, changeons le rapport social aux oeuvres, changeons un système scolaire qui ne construit ni la pensée , ni le regard. Commençons par penser, chacun, que nous sommes tous capables du meilleur et du plus difficile.

Écrit par : michèle pambrun | 14/03/2009

"nous sommes tous capables du meilleur et du plus difficile" Je crois, oui. D'ailleurs tout le monde peut écrire, même avec une scolarité insuffisante au départ (alors qu'on ne peut peindre que si on a appris la peinture. Idem en musique, ou alors on joue de l'oreille, ce qui est un don).

Écrit par : Feuilly | 14/03/2009

Michèle, je ne demande rien à l'écrivain.
Je lis ou ne lis pas...
environ plus de 50 livres par an et je ne parviens à lire tout ce que j'ai envie de lire..;
sans compter que le retour aux classiques (Balzac ou Proust)est vital...
Donc ce que je trouve en librairie ou chez les bouquinistes me suffit amplement ...
sans compter nombreux blogues intéressants donc peu me chaut que certains ne parviennent pas à se faire éditer.

Écrit par : Rosa | 14/03/2009

MA DERNIERE SUITE ET FIN A l'Attention de Feuilly et Bertrand.

Pourquoi lisons nous, sinon dans l'espoir d'une beauté mise à nu, d'une vie plus dense et d'un coup de sonde dans son mystère le plus profond ?

L'écrivain peut-il isoler et rendre plus vivace tout ce qui dans l'expérience engage le plus profondément notre intellect et notre coeur ? L'écrivain peut-il renouveler notre espoir de formes littéraires ? Pourquoi lisons nous, sinon dans l'espoir que l'écrivain rendra nos journées plus vastes et plus intenses, qu'il nous illuminera, nous inspirera sagesse et courage, nous offrira la possibilité d'une plénitude de sens et qu'il présentera à nos esprits les mystères les plus profonds, pour nous faire sentir de nouveau leur majesté et leur pouvoir.

Que connaissons-nous de plus élevé que ce pouvoir qui de temps à autre, s'empare de notre vie et nous révèle à nos propres yeux éblouis comme des créatures déposées ici bas dans l'émerveillement ?

Pourquoi la mort nous prend-elle ainsi par surprise, et pourquoi l'amour ?

Encore et toujours nous avons besoin d'éveil. Nous devrions nous rassembler en longues rangées, à demi-vêtus, tels des membres d'une tribu, et nous agiter des calebasses au visage, pour nous réveiller; à la place, nous regardons la télévision et ratons le spectacle.

Et si nous lisons pour toutes ces raisons, pourquoi quelqu'un voudrait-il lire des livres bourrés de slogans publicitaires et de noms de marque ? Pourquoi quelqu'un écrirait de tels livres ?

L'intrusion de la publicité a dévasté et écrasé, comme la dernière glaciation, le paysage humain. Le nouveau paysage et son climat ont mis la métaphysique en fuite. Les écrivains doivent-ils collaborer ?

La sensation d'écrire un livre est la sensation de toupiller, aveuglé d'amour et d'audace. C'est la sensation de se dresser sur la pointe inclinée d'un brin d'herbe et de regarder alentour, en cherchant où aller.

Amicalement à vous deux. Philip

Écrit par : Philip Seelen | 15/03/2009

Merveilleuse SUITE ET FIN. Plus rien à ajouter.

Rosa, les mots n'ont pas besoin de vous pour exister.

Écrit par : Meriem | 15/03/2009

Pourquoi la mort nous prend-elle ainsi par surprise, et pourquoi l'amour ?
C'est bien là ce que je me demande.

Écrit par : Feuilly | 15/03/2009

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