Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/03/2009

Des consommateurs

Je tombe l’autre jour dans la presse sur l’expression «consommateur culturel», laquelle m’a laissé quelque peu rêveur, je l’avoue. Si l’idée est d’exprimer que la personne concernée est un grand amateur de culture, un boulimique de lecture, un passionné de musique ou de films de qualité, ma foi, je veux bien l’accepter. Ce qui me dérange, cependant, c’est cette notion de consommateur. Consomme-t-on de la culture ?

- Oui, dit le directeur de la Fnac, je peux vous dire que tel client, qui a sa carte de fidélité (payante) en ordre, a acheté l’année dernière pour xxx euros dans notre magasin, c’est donc un grand consommateur culturel.

- Non, dis-je, on ne consomme pas dans une librairie comme on consomme dans une brasserie.

- Mais la Fnac n’est pas qu’une librairie, pourrait me répondre le susdit directeur, elle est aussi un lieu de vente de disques et d’appareils électroniques, photographiques ou informatiques. Et en plus c’est aussi une brasserie puisque vous pouvez boire un café ou un coca après avoir fait vos achats.

- Sachez tout d’abord, cher Monsieur, que je ne m’assois jamais dans votre cafétéria. Comment voulez-vous qu’en un lieu aussi bruyant je puisse feuilleter à loisir les livres que je viens d’acheter ? Il me faut pour cela un endroit plus calme et je préfère de loin un banc public (en souvenir de Brassens peut-être) pour parcourir quelques instants ces fameux livres avant de regagner mon domicile ou mon bureau. Ensuite, est-ce qu’acheter un lecteur DVD est un acte culturel en soi? Ce n’est qu’un appareil, une vulgaire machine. Où est la culture là-dedans ? Disons que par cet achat je me donne le moyen de pouvoir regarder des films qui eux sont en effet de la culture, si je les choisis bien. Mais ne mélangeons pas tout, s’il vous plaît. Tenons-nous en aux livres, pour ne parler que de ce que je connais. Est-ce que lire beaucoup de livres fait de moi un consommateur ? Culturel, qui plus est. Non, si je lis, je me cultive, d’accord, mais je ne consomme pas. S’exprimer de la sorte serait ramener le livre à un vulgaire objet de vente et j’imagine que ce ne peut être votre propos, Monsieur le Directeur de la Fnac.

- C’est à dire que…

- De plus, il faudrait encore voir de quels livres nous parlons, bien entendu, car les livres à succès qui s’étalent bien en vue sur vos présentoirs ne relèvent pas tous pour moi du domaine culturel, loin s’en faut. Mais vous proposez aussi des poètes, je le sais. Leurs oeuvres se trouvent au niveau du tapis, obligeant le lecteur potentiel à des acrobaties pas possibles. Vous avez une conception fort terre à terre de la culture, il me semble.

- C’est que l’on manque de place et…

- Je comprends, les locations en ville sont chères et le moindre mètre carré se paie comptant. Il faut d’abord penser aux intérêts des actionnaires avant de réfléchir au confort des lecteurs.

- Des lecteurs ? Mais à quelle époque croyez-vous vivre ? On ne vient pas à la Fnac pour lire, cher Monsieur, ni même pour feuilleter, on vient pour acheter. Et là, croyez que tout est mis en œuvre pour assurer le confort des clients, enfin, je veux dire des consommateurs, vous m’avez compris. Vous avez déjà vu le nombre de caisses qui sont ouvertes aux heures de pointe ?

- Vous avez raison et d’ailleurs il est l’heure que je m’en aille et que je passe par vos caisses. Avec mes trois livres, là, vous croyez que je suis un bon consommateur culturel ?

- Avec trois livres de poche à 6 euros le livre, ce qui ne fait que 18 euros, non, il ne faut pas rêver, vous n’êtes pas pour moi un grand consommateur culturel, désolé de vous le dire. J’ai de bien meilleurs clients que vous. Il y a en a qui dépensent dans les 400 euros en une fois. Cela va vite. Le matériel informatique est cher. Voilà des gens cultivés.

- Vous voulez dire : voilà de gros consommateurs.

- Si vous voulez. De gros consommateurs culturels. Je vois que vous m'avez enfin compris!

Commentaires

Ben , le directeur ne m'aimera pas !! je n'ai pratiquement jamais mis les pieds à la fnac de ma ville .. Je préfère largement aller le Samedi fouiner chez les brocanteurs ...On y trouve des livres qui ont déjà une histoire, hors de celle racontée dans les pages... Le charme peut être aux yeux de certains un peu désuet des pages jaunies,marquées parfois d'anotations en marge , souligant un mot , posant des questions... C'est l'hitoire d'un lecteur ... C'est l'histoire d'un livre ... Et moi j'aime ça... Tant pis pour la consommation !!!

Écrit par : Débla | 13/03/2009

Ah, les librairies d'occasion, j'adore. On ne va pas là pour trouver un livre précis bien entendu, mais pour se laisser guider par le hasard. C'est fou les surpises qu'on peut avoir.

Écrit par : Feuilly | 13/03/2009

Si un jour vous y trouvez des Henri Béraud, chez vos bouquinistes, pensez à moi, je vous en aurai une reconnaissance éperdue.

Écrit par : michèle pambrun | 13/03/2009

;-) Sans compter les incultes qui vont dans les bibliothèques...

j'ai suivi avec intérêt le débat sur le statut d'écrivain... je me souviens que Rimbaud... qui n'avait encore rien publié à l'époque... avait déclaré sur le procès verbal du drame de Bruxelles... "Homme de lettres"...
Pour ma part... je fais une petite distinction... il y a les écrivains de profession (qui ont publiés)... et ceux (nombreux) qui écrivent... On est écrivain quand on en vie ou que l'on a publié... sinon : on écrit...
Un ami écrivain (qui a donc publié mais n'en vit pas) me disait un jour... "tu devrais envoyer tes textes et t'astreindre à écrire un peu tous les jours..."
Je ne pourrais et ne voudrais pas écrire tous les jours... je prends du plaisir à écrire justement parce que je n'ai pas à le faire tous les jours... parce que ce n'est pas une profession justement...

Amitié

Écrit par : A. M. | 13/03/2009

C'est vrai aussi, il y a ce côté "plaisir" qui semble peu conciliable avec une profession.
Il y a surtout et souvent un besoin existentiel.

Écrit par : Feuilly | 13/03/2009

Je connais des lecteurs dans les fnac dont vous parlez, qui lisent la poésie dans les jambes des jeunes filles, non, reprenons, je connais des lecteurs obligés de lire la poésie, au ras du tapis, dans les jambes des filles, non, reprenons...

Écrit par : michèle pambrun | 13/03/2009

Je cite :
« Finalement, c’est pour ainsi dire à quatre pattes que j’ai fini par découvrir la collection de poche Poésie Gallimard, laquelle devait se limiter à une bonne soixantaine de titres (parmi les plus célèbres, bien entendu). En dehors de cette collection de poche, que j’aime bien par ailleurs, le vide absolu. Encore faut-il parvenir à la découvrir au ras du sol, tout en se faufilant entre les jambes des jeunes clientes qui viennent en ces lieux passer un moment au sec en ce printemps pluvieux (opération périlleuse par ailleurs et qui vous distrait vite de votre investigation première). »

C’était il y a deux ans déjà et c’était ici :

http://feuilly.hautetfort.com/archive/2007/06/14/grandes-surfaces-du-livre.html

Mais je constate que vous avez une bonne mémoire, Michèle. Auriez-vous été une de ces jeunes filles sans que je ne le sache?

Écrit par : Feuilly | 13/03/2009

Je préfère aux fnac les blogs littéraires, que j'arpente sans retenue. "Marche romane" vaut toutes les fnac de France et de Navarre.

Écrit par : michèle pambrun | 14/03/2009

Et le rayon "poésie-Gallimard" se trouve au-dessus à gauche...

Mais quel compliment pour les blogues littéraires!

Écrit par : Feuilly | 14/03/2009

J'ai lu ton billet avec un grand sourire, Feuilly
Comme tu dis bien les choses...
Je fais comme toi; j'attends que le livre sorte en poche, et j'adore les bouquinistes, on y rencontre des trésors..
Je suis donc..une piètre consommatrice selon ton billet
Pourtant...qu'est-ce que je lis!!!!

Écrit par : Coumarine | 14/03/2009

Pour moi j'ai rebaptisé ce machin "centre de distribution d'objets culturels indéterminés..."

Écrit par : solko | 14/03/2009

Les commentaires sont fermés.