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14/06/2007

Grandes surfaces du livre

Lors de ma dernière visite à la FNAC, j’ai été surpris, une fois de plus, par la place occupée par la littérature, laquelle semble se réduire à chaque fois comme une peau de chagrin. J’en suis arrivé au point où j’aurai bientôt peur de mettre un pied dans ce magasin, tant j’en ressors à chaque fois déconfit et désespéré.

Il n’y avait pourtant pas si longtemps que les spécialistes en rayonnages et les diplômés en marketing avaient complètement restructuré l’ensemble. Dans la bataille, on avait déjà perdu pas mal de mètres de rayonnages, sans compter que les parties biographie, critique et poésie s’étaient retrouvées décalées par rapport à l’ensemble de la production littéraire, reléguées qu’elles étaient dans une allée à grand passage.

L’autre jour, donc, qu’elle ne fut pas ma surprise de constater que ce rayon poésie avait complètement disparu. En cherchant bien, j’ai retrouvé, coincé entre les nouvelles sorties romanesques et la rubrique théâtre (comprenez : les pièces de théâtre qu’on fait lire aux lycéens), un présentoir qui offrait royalement dix titres de poètes contemporains. Pour le reste, rien. N’en croyant pas mes yeux, j’ai poursuivi mes investigations au milieu de la foule toujours abondante durant la pause de midi Finalement, c’est pour ainsi dire à quatre pattes que j’ai fini par découvrir la collection de poche Poésie Gallimard, laquelle devait se limiter à une bonne soixantaine de titres (parmi les plus célèbres, bien entendu). En dehors de cette collection de poche, que j’aime bien par ailleurs, le vide absolu. Encore faut-il parvenir à la découvrir au ras du sol, tout en se faufilant entre les jambes des jeunes clientes qui viennent en ces lieux passer un moment au sec en ce printemps pluvieux (opération périlleuse par ailleurs et qui vous distrait vite de votre investigation première).

Donc, des poètes qui sortent un peu de l’ordinaire, disais-je, vous n’en trouverez pas ou fort peu. Et quand je dis qui « sortent de l’ordinaire », je ne demande rien d’extraordinaire, bien entendu…

Tout ceci nous amène à un autre débat, celui des librairies de qualité, lesquelles me semblent se faire de plus en plus rares. Elles disparaissent les unes après les autres, nous laissant la nostalgie de temps révolus qui pourtant ne sont pas encore si lointains. Est-ce cela, vieillir ? Commencer à regretter un monde qui meurt et se réfugier dans les souvenirs ? Ou bien est-ce l’époque elle-même qui devient boutiquière au point de ne plus proposer que ce qui se vend bien ? Un peu les deux, sans doute.

Demain, peut-être, on ira à la FNAC pour faire ses emplettes. Entre les plats surgelés et les boîtes de Coca on pourra peut-être encore découvrir le dernier Goncourt. Un livre écrit sur commande et signé par une célébrité ? A moins que vous ne préféreriez un CD reprenant les meilleurs discours de Sarkozy ?

En attendant j’achète et je stocke chez moi des livres pour les années à venir. On n’est jamais assez prudent.

Commentaires

Eh oui, cela fait un moment à présent que, malheureusement ou heureusement, je me dis que la poésie, les livres de la recherche qui m'intéressent, (ou nous intéressent) il ne nous restera plus qu'à les écrire.

Écrit par : Martine Layani | 14/06/2007

Les écrire? Hé, hé, encore faudrait-il trouver quelqu'un qui les publiât! On sait qu'il faut plutôt faire dans le trivial, cela intéresse toujours certains lecteurs et donc certains éditeurs.

N'en déplaise à Dominique Autié, qui reste confiant devant un renouveau de la profession, personnellement, j'ai plutôt peur que l'indépendance des maisons classiques ne soit sérieusement compromise. Le jour où tous les éditeurs appartiendront à de grands groupes, le critère de sélection sera uniquement celui de la vente. Enfin, il l'est déjà, mais je veux dire qu'il n'y aura plus que des produits fabriqués sur commande, un peu comme on crée une nouvelle mousse à raser.

Écrit par : Feuilly | 15/06/2007

J'ai déjà parlé de la situation de la librairie à Champignac, laquelle me semble catastrophique, deux librairies principales : Leclerc contre Vivendi. On peut trouver de la poésie, oui mais comment ? Chez Vivendi (Privat), c'est noyé dans un rayon fourre-tout, on y trouve tout ce qui n'est pas romanesque classique ou par genres (polar, SF, ésotérisme) ou documentaire ou scolaire : un peu de théâtre, quelques essais littéraires, un mètre de romans érotiques ou pornographiques (dans des éditions quand même assez présentables et d'apparence pas trop vulgaire). On a à tout casser une vingtaine de nouveautés et pas question de fond. Chez Leclerc, cela va aussi mal : le rayon poésie existe, mais il est couplé avec ce que je connais de pire dans l'édition, les livres de sagesse ! Vous savez, ces recueils ou anas de proverbes et de maximes, ces petits livres objets d'une taille minuscule qui sont destinés à être offerts, ces infectes miscellanées qui sont publiés comme des concepts, et toutes les compilations de la sagesse orientale ou sur les femmes ou la vie des termites. En fait, on a regroupé là les livres de formes brèves (même si la poésie n'est pas forcément brève) et on y croise des ta mère ou des cent meilleures blagues sur les blondes ou des meilleurs adages de nos grands-mères pour rester amoureuse ou des phrases illustres au sujet de la pluie, le tout sous un packaging très très enrichissant, doré à la feuille et avec plein de lettres tarabiscotées, relié faux cuir. On peut y trouver du René Char certes (je vous invite d'ailleurs à visiter le site Rue89 pour entendre du Char), mais au milieu de quels sommes de textes grossiers. Et je me prends à songer à la Vénus des carrefours de Baudelaire. La poésie est vénale, mais elle existe aussi parce que nous lui donnons un regard et qu'elle est déjà en nous. Je déplore cette dégradation, cette décadence, cette violence du monde le plus marchand et boutiquier, mais je me dis que le même constat était déjà établi il y a plus d'un siècle et que nous retrouvons les mots de nos aînés sans pouvoir les égaler.

Écrit par : Dominique | 15/06/2007

Il faut dire qu'il est difficile d'aller plus loin que :

Il te faut pour gagner ton pain de chaque soir
Comme un enfant de choeur jouer de l'encensoir
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère
Ou saltimbanque à jeun étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voit pas
Pour faire épanouir la rate du vulgaire

Baudelaire (La Muse vénale).

Honnêtement, je n'ai jamais entendu parler d'un sort convenable réservé à la poésie, y compris au XIXe siècle où de nombreux génies se bousculaient à sa porte.

Écrit par : Jacques Layani | 15/06/2007

Au fait, il y a un hommage à Coco-Mal perché (comme le nommait Baudelaire), on fête je ne sais plus quel anniversaire :
http://www.alain-lambert-blog.org/index.php?2007/06/05/1111

Écrit par : Dominique | 15/06/2007

Le cent-cinquantième des Fleurs, bien sûr. Les publications consacrées à Baudelaire ne cessent pas depuis le début de cette année.

Écrit par : Jacques Layani | 15/06/2007

J'ai connu la FNAC à ses débuts, soit en 1980 si j'ai bonne mémoire. Il n'y avait pour ainsi dire que des livres (pas de rayon photos, quelques disques et c'était tout). On trouvait là une quantité incroyable de bouquins, beaucoup plus que dans les bonnes librairies de province. Que reste-t-il de tout cela aujourd'hui? Les soixante exemplaires de Poésie Gallimard qu'il faut chercher en rampant sur le tapis.

Écrit par : Feuilly | 15/06/2007

J'ai connu la première FNAC de province, juste après la première FNAC parisienne, c'était en 75. Le rayon politique et sciences humaines occupait un cinquième de l'espace et c'était du lourd, du sérieux, de la collection Essais de Gallimard, des éditions de Minuit, des Cahiers de l'Herne ou bien des Maspero, sans compter tous les livres de maisons qui ont disparu. Ce rayon a plus ou moins fondu au fur et à mesure des années et c'est à mon avis l'évolution la plus spectaculaire : il y a bien des essais en librairie, mais quand on voit le contenu et la forme, ce n'est plus le même monde car ce sont alors des textes trash qui doivent être vendus dans le mois et qui sont signés par des célebs pour leur signature. Le travail militant des premiers libraires de la Fnac a été liquidé lorsqu'elle a été vendue à Pinault. Depuis les vendeurs sont tous issus de BTS Force de vente et ils pourraient se charger aussi bien de boites de sauce tomate.

Écrit par : Dominique | 15/06/2007

Juxtaposer les mots "grandes surfaces" et "poésie" ne relève-t-il pas d'une figure de style que l'on nomme "oxymore". Pourquoi ne pas promouvoir des librairies dont le combat est précisément de soutenir la poésie ? La librairie Tschann par exemple. Vous me direz : « Mais je n'habite pas boulevard du Montparnasse ». Mais vous avez le téléphone (demandez Yannick ou Muriel). Ou bien Internet (Tschann a un site). Voilà, c'était ma petite promo du jour. Non, non, je vous assure, ils ne sont même pas au courant. Je ne suis que l'éditeur-webmestre de Terres de femmes et je ne fais part que d'une expérience personnelle. Autant vous en faire profiter.
Quant à la « mort de la poésie », je n'y crois guère, compte tenu du nombre croissant de revues poétiques dans L'Hexagone (soutenues certes, c'est vrai, pour la plupart, par le CNL). Et du nombre de sites spécifiquement dédiés à la poésie. Celui du cipM par exemple, ou encore Poezibao... sans parler des grands classiques de la Toile, comme les sites de Maulpoix ou de Laurent Grisel.

Écrit par : Yves | 25/06/2007

Assurément, il faut voir en creux, derrière cette condamnation de la Fnac, une défense des bonnes librairies, qui proposent encore des textes de qualité et notamment de la poésie.
Je dis simplement que la Fnac, il y a vingt-cinq ans, offrait encore, par la quantité des livres proposés, un choix intéressant. Tout le monde y trouvait son compte, le grand public comme des lecteurs plus exigeants. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Encore cinq ans à ce rythme-là et leurs rayons vont ressembler à ceux de n’importe quel Carrefour ou Cora.
Le problème, cependant, est de savoir si les librairies que nous aimons (et celle que vous citez semble avoir toutes les qualités requises, je n’en doute pas) pourront continuer à exister. Les éditeurs (les moyens et les gros) semblent déjà de plus en plus annexés par des groupes financiers importants qui dictent leur loi aux comités de lecture. Il est à craindre que du côté des « bonnes » librairies la situation ne soit identique. Ou bien elles se feront racheter ou bien elles disparaîtront.

Mais il est clair qu’il existe pourtant un public derrière tout cela et que celui-ci ne demande pas qu’à lire des « best-sellers » rédigés sur commande. La poésie, assurément est éternelle. Elle n’est pourtant souvent diffusée que de manière confidentielle.

Écrit par : Feuilly | 25/06/2007

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