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08/01/2009

Religion et société (3)

Poursuivons notre réflexion sur l’importance et l’éventuelle implication de la religion dans les rapports actuels entre les peuples. Nous avons dit en ce qui concerne l’Occident que l’affadissement des pratiques religieuses prouve à suffisance que ce n’est pas dans la foi qu’il faut chercher le moteur des politiques menées.

Pour la religion juive, nous avons dit que même s’il n’y a que 15% des Juifs qui ont une foi vraiment profonde, il semblerait bien cependant que l’ancienne conception biblique de la terre promise continue à justifier l’existence même de l’état d’Israël auprès de tous les Juifs (voir cependant les nuances apportées par Pascal Janovjak dans la note précédente). La conséquence, c’est évidemment le refus de voir que cette terre promise était habitée par les Palestiniens et que donc il faudrait peut-être se résoudre à leur en concéder au moins une partie. Cela débouche forcément sur des conflits sans fin, augmente la violence de part et d’autre et justifie finalement tout agrandissement du territoire pour des raisons sécuritaires. Ainsi l’invasion du Liban dans les années 80 et encore en 2006 s’expliquait par la volonté de créer une zone tampon afin de protéger l’état israélien des tirs de roquettes. Quant à l’implantation de nouvelles colonies, elle entre dans la même logique : protéger le centre de l’état en en reculant continuellement les frontières et ceci afin de ne pas laisser « l’ennemi » à proximité des centres vitaux (car toujours il y a cette idée que l’état juif pourrait disparaître). Le problème, c’est qu’une fois une nouvelle colonie établie, il faut la protéger à son tour et donc pour cela agrandir encore la zone d’influence par la construction d’une autre colonie. On n’en finit donc jamais et toute la politique se définit en termes de défense et d’agression. Les résultats, on les voit en ce moment-même à Gaza.

Maintenant, qu’en est-il du coté arabe ? Là, c’est beaucoup plus difficile de répondre. Est-ce l’Islam qui est en soi de nature belliqueuse ou bien au contraire les Arabes ont-ils trouvé dans la foi et la religion un moyen d’exprimer leur spécificité par rapport à l’Occident et à ses valeurs marchandes et matérialistes (y compris sous la forme du djihad) ? Difficile de répondre dans la mesure où nous subissons tous les jours la propagande de notre camp et que ces derniers temps le monde musulman est présenté comme une menace. Est-il menaçant en soi ou tente-t-il de se défendre avec les moyens qui sont les siens contre notre agression économique ?

Ce qu’il faudrait savoir (et que je ne sais pas), c’est la proportion de musulmans qui approuvent la violence de tous les extrémistes armés qui se basent sur le Coran pour combattre l’Occident. En soi, on est bien d’accord pour dire que le Coran est un livre de paix, mais il faudrait voir comment les gens vivent leur foi. Est-elle source d’apaisement intérieur, voire de résignation ou au contraire moyen de s’affirmer et de se défendre ?

J’aurais tendance à dire que c’est nous qui avons agi de telle sorte que certains ont pris les armes. Si on regarde les Talibans d’Afghanistan, on trouvait normale leur action quand ils se battaient contre les Russes (ils étaient même armés par les Américains comme chacun sait), mais on les déclare terroristes quand c’est l’Amérique qui veut étendre sa zone d’influence dans ce pays. Alors ? L’islam implique-t-il en lui-même la création de ces groupes armés afin d’étendre à toute la terre la parole du Prophète ou bien est-ce que la religion canalise les mécontentements et permet de justifier la violence aux yeux mêmes de ceux qui la pratiquent (ledit Prophète ayant bien dit de combattre les infidèles).

Pour répondre, il faudrait voir si c’est d’abord la foi qui anime ces djihadistes ou l’opposition à l’Occident et à Israël. Combattent-ils pour Allah ou pour se venger des colonisateurs ? Pour moi, c’est cette dernière hypothèse qui est la bonne, mais je peux me tromper.

Revenons encore au conflit de Gaza (et qui commence déjà à se banaliser : 300 morts, 400, 500, cela ne veut plus rien dire. Seules les premières victime avaient un visage, maintenant ce ne sont plus que des chiffres, comme les morts de la guerre civile irakienne). Certes Israël est coupable, mais les Etats-Unis en soutenant son action et l’Europe en ne prenant aucune sanction, le sont tout autant. Les Juifs eux-mêmes ont eu l’art de couper l’herbe sous le pied à toute tentative de paix, par exemple en continuant l’implantation des colonies au moment des accords d’Oslo. Et quand ils accordent quelque chose, on a l’impression que c’est toujours du provisoire pour calmer le jeu et que le lendemain ils passent outre à leurs promesses. Evidemment, il y a toujours un motif à ce revirement (acte terroriste, roquettes, etc.) mais n’ont-ils pas eux-mêmes suscité ces agressions par leur comportement volontairement vexatoire et expansionniste ?

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D’un autre côté, après le massacre de la Shoa, ils savent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et craignent sans arrêt de voir leur récent état disparaître. Cela suppose donc tout un arsenal militaire d’autodéfense. Malheureusement, à Gaza, ce n’est plus de l’autodéfense, même si la majorité des Juifs en sont persuadés.

Maintenant, si on se penche du côté du monde arabe, il y aurait beaucoup à dire aussi. Pourquoi la ligue arabe s’est-elle toujours montrée impuissante à imposer quoi que ce soit ? Ces gens-là ont le pétrole, ils ont donc un beau moyen de faire pression sur l’Occident pour imposer leurs vues. Or ils ne le font pas. Pourquoi ? Et pourquoi l’Egypte ferme-t-elle ses frontières en ce moment ? Pour ne pas être envahie par les Palestiniens et laisser le champ libre à Israël, bien entendu. Mais ce sont des musulmans entre eux et la situation est dramatique sur le plan humanitaire et sanitaire. Alors ? L’Egypte joue-t-elle le jeu de l’Occident contre les Palestiniens ? Peut-être que cela l’arrange après tout qu’Israël détruise le Hamas. Si elle ouvrait ses frontières, l’action de Tsahal tournerait à rien, puisque tout le monde fuirait, y compris les combattants, pour revenir ensuite.

Et la puissante Arabie, qui entretient de si bonnes relations avec les USA, pourquoi ne négocie-t-elle pas un nouveau statut pour les Palestiniens ?

Car après avoir critiqué l’Occident comme je l’ai fait, il faut aussi avoir le courage de regarder si dans l’autre camp, celui qu’on défendait pour des raisons humanitaires, il n’y a pas aussi des choses à redire. Est-ce que quelque part les états arabes n’ont pas intérêt à ne pas aider les Palestiniens ? S’ils les accueillaient à bras ouverts, tout serait vite réglé, mais non on préfère les laisser moisir dans des camps plutôt que de faire un geste. Forcément, parce qu’alors Israël aurait gagné et occuperait toute la Palestine (et commencerait à regarder du côté de l’autre rive du Jourdain, en Jordanie. N’ont-ils pas déjà conquis le Golan syrien ?) Donc, il vaut peut-être mieux pour les états arabes que les Palestiniens continuent à être des victimes.

Et ces Palestiniens eux-mêmes, acharnés certes à rester sur leurs terres, ne se complaisent-ils pas aussi dans ce rôle de victimes ? Je sais que je pousse loin et que je me fais l’avocat du diable, mais ne serait-il pas plus logique, quand on est un bon père de famille et qu’on est encerclé par Tsahal, ne serait-il pas plus logique de fuir, de créer une diaspora à l’étranger et de tenter de combattre à partir de là ? Au moins leurs enfants ne seraient pas sous les bombes en ce moment.

Et le Hamas, en se cachant parmi la population (mais que pourrait-il faire d’autre ?) ne se sert-il pas des civils comme de boucliers et n’a-t-il pas intérêt, lui aussi, à ce qu’il y ait beaucoup de victimes, donc de martyrs, non pas pour attendrir l’Occident, dont il n’attend plus rien, mais pour le plaisir de recruter de nouveaux combattants disposés à donner leur vie pour venger tous ces morts ?

Pourquoi aucune solution ne peut-elle jamais être trouvée ? Et nous sommes dans un cercle vicieux : plus Israël bombardera et plus le Hamas se renforcera. Même s’il est détruit, d’autres prendront sa place.



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En en négociant pas avec Arafat (devenu modéré), Israël a propulsé le Hamas en avant. En humiliant Arafat, Israël a fait en sorte que des groupes armés radicaux voient le jour. L’a-t-il fait par ignorance ou sciemment (pour mieux pouvoir engager un combat qu’il croit pouvoir gagner vu sa supériorité militaire) ?

Et le Hamas a-t-il intérêt à ce que les Palestiniens vivent en paix dans un état à eux ? Non bien sûr. Chaque camp s’arrange donc bien pour qu’une roquette soit tirée au plus mauvais moment. On vient d’en tirer une du Liban, d’ailleurs. Le Hezbollah dément. Qui a tiré ? A qui cela profite-t-il ? A ceux qui veulent se battre. Qui veut se battre ? Les extrémistes des deux camps.

En attendant des innocents meurent à Gaza, victimes de toutes ces tractations politiques des uns et des autres. C’est tout ce que je sais et c’est tout ce que je comprends.

Mais je ne me fais aucune illusion sur la nature humaine et je sais que si demain Israël détruisait son armée, les victimes d’aujourd’hui se transformeraient à leur tour en loups sanguinaires. La violence devient donc inévitable dès qu’on a commencé à la pratiquer. Ce conflit n’aura donc jamais de fin. Et des innocents continuent et continueront de mourir. J’ai dit tout ce que j’avais à dire et je suis complètement impuissant.



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Images Al Jazeera

Commentaires

Faire quelque chose de sa vie. Je (me) réponds ainsi à la question implicite "Que faire ?". Qu'avons-nous à faire nous les vivants ? Faire quelque chose de notre vie.

Je lis depuis quelques semaines, quelques mois, les livres de Jean-Louis Kuffer. Et ce matin je (re)lisais une des "fugues helvètes" du SABLIER DES ETOILES, "Les Abeilles de Byzance".

J'en donne ici la chute :

" Le noir multiple dont est vêtu Angelin (...) signifie à la fois qu'il pourrait se flinguer ce dimanche de solitude absolue, dans ce petit pays amorti, et qu'il ne le fera pas car il y a encore à faire.
Qu'il n'y a à faire que faire : c'est la conviction dernière d'Angelin. Mélanger ses couleurs est une putain de béatitude. Passer ses nuits à genoux dans le chaos d'alcool et de chiffons sales de votre dépotoir aux vitres maculées pour n'en extraire qu'une ombre de l'or de la boue de Rembrandt vous fait rebondir sur vos pattes de derrière, et ce soir y a plein d'étoiles, y a plein d'amis défuntés qui vous zyeutent par les hublots du grand paquebot aux abeilles... "

Écrit par : michèle pambrun | 09/01/2009

" L’armée israélienne a bombardé en début de semaine une maison de Gaza où elle avait rassemblé 110 civils, en tuant 30, assure l’ONU en citant des témoins. «Selon plusieurs témoignages, le 4 janvier, des soldats ont évacué environ 110 Palestiniens dans une seule maison à Zeitoun (dont la moitié était des enfants) en leur ordonnant de rester à l’intérieur», affirme un communiqué de l’Office de l’ONU pour la coordination humanitaire (OCHA). «Vingt-quatre heures plus tard, les forces israéliennes ont bombardé à plusieurs reprises cette maison, tuant environ 30» personnes, ajoute le communiqué."

Source libération...
L'heure n'est plus aux questionnements, Feuilly. Il s'agit d'un génocide et d'une tentative de "solution finale."
Point !

Écrit par : B.redonnet | 09/01/2009

Bien sûr. D'ailleurs je venais de découvrir cette nouvelle atroce. Et ce que je dis dans cet article-ci ne remet pas en cause ce qui s'est dit dans les autres. Les Palestiniens seuls ne peuvent rien faire, mais les dirigeants arabes, eux, pourraient faire plus (et l'Europe aussi). A la longue, la population musulmane dans son ensemble va se tourner vers des solutions extrémistes par réaction contre l'apathie de ses dirigeants.

Écrit par : Feuilly | 09/01/2009

Aucune cause, je voulais dire, n'est assez juste pour être défendue par le crime.
L'Europe ? Son actuelle présidence tchèque vient de prendre fait et cause pour les assasins. Des assasins qui se défendent en massacrant les enfants.
Le monde Arabe ? Il est encombré depuis des lustres par le problème palestinien...Alors...

Écrit par : B.redonnet | 09/01/2009

Les fours crématoires sont éteints mais les génocides se font par d'autres méthodes encore et toujours....
Nous connaissons les mots: Shoa, Samudaripen, et puis ...... Quel mot à inventer pour l'ignominie actuelle?!!!

Écrit par : Débla | 09/01/2009

Si judéophobie est un terme connu de l'équation raciste aujourd'hui en occident, islamophobie n'a pas encore d'office sa place dans le petit manuel de l'antiracisme en vente dans nos métropoles cossues.

Le mot islam signifie soit la religion musulmane, soit l'ensemble des pays, des peuples et des cultures dominés par l'islam, comme si , en français bien sûr, un même mot désignait le christianisme et la chrétienté.

Avec judéophobie on comprend qu'il s'agit de la phobie des juifs, donc d'une attitude raciste, et non d'une attitude critique à l'égard de la religion juive ou d'une démarche rationnelle dans les études bibliques.

Je défends pour ma part le droit d'étudier l'islam scientifiquement, et de l'étudier surtout là où ceux qui le font s'exposent à un danger réel, c'est à dire dans les pays musulmans. Etudier et critiquer l'islam ne relève donc pas de l'islamophobie, comme étudier et critiquer le judaïsme ne relève pas de l'antisémitisme, étudier et critiquer une religion n'a rien avoir avec le racisme.

Je trouve que l'anticléricalisme est absolument nécessaire à la vie intellectuelle et démocratique, y compris et surtout dans les pays cléricaux et les pays théocratiques comme l'Arabie Saoudite ou Israël.

Donc étudier et critiquer le judaïsme, étudier et critiquer l'islam, et surtout étudier et critiquer les méthodes et les fondements de la manipulation de la politique et du social par la religion, ou de la manipulation des causes nationales ou des opinions politiques par ces mêmes religions ne relève en rien d'un quelconque racisme ou de judéophobie ou d'islamophobie.

Ce rappel à la raison critique me semble nécessaire à un moment où dans ce conflit israélo-palestinien la question religieuse s'est taillée une place de choix et le racisme s'est taillé un nouveau costard à la mesure des temps nouveaux que nous vivons.

Le racisme et l'antisémitisme ont toujours été une donne
non négligeable du conflit israélo-palestinien ou israélo-arabe. Ces jours ils me semblent devenir une clé essentielle à la compréhension de la nature de ce conflit.

A ces deux concepts nous pouvons sans réserve y adjoindre celui d'islamophobie qui justifie la punition collective des habitants de Gaza et la folie sanglante du gouvernement d'Israël dans son combat contre l'axe du mal définit par ses dirigeants comme étant celui composé de la troïka: Hamas-Hezbollah-Iran.


REMEMBER JENINE. AVRIL 2002.

Les exactions des troupes israéliennes dans la bande de Gaza sont en plus choquant et en plus violent encore la réplique exacte des exactions commises par cette même armée à Jénine lors de l'assaut contre les villes palestiniennes de Cisjordanie le 3 avril 2002.

Un tir nourri, des obus de chars et des missiles d’hélicoptères ont signalé le commencement de l’attaque contre le camp. Un couvre-feu a été décrété et les habitants terrifiés ont trouvé refuge dans leurs maisons. Comme les chars ne pouvaient pénétrer dans les ruelles, des bulldozers géants détruisaient les maisons des deux côtés. Une deuxième vague de destruction a commencé quatre jours plus tard, visant l’ensemble du centre, où s’élevaient des habitations de un à trois étages. C’est là que des combattants palestiniens munis de kalachnikovs et d’explosifs s’étaient regroupés pour faire face à l’une des armées les plus modernes du monde. La bataille fut très dure et inégale. Les Palestiniens subirent des pertes très lourdes, les blessés - des combattants, mais aussi, en majorité, des civils - agonisèrent, l’armée interdisant aux ambulances du Croissant-Rouge de circuler.

Le 9 avril, les Palestiniens tendirent une embuscade dans laquelle treize soldats furent tués. L’armée donna alors des consignes en vue d’éviter à tout prix de nouvelles pertes. On tira donc à vue sur tout ce qui bougeait. Les soldats n’avaient-ils pas été informés que le camp était un repère de terroristes du Hamas et du Djihad ? Voilà qui justifiait une punition collective... Le dynamitage des maisons s’est alors intensifié. Dans ce camp comme dans toutes les villes palestiniennes, toute institution ou bureau de l’Autorité palestinienne a été systématiquement détruit : il s’agissait d’en anéantir tous les symboles et tous les moyens.

Chaque appartement fut systématiquement fouillé : une fois la famille enfermée dans une seule pièce, les soldats renversaient les meubles, ouvraient les armoires, jetant tout à terre et semant un désordre indescriptible. Vols d’argent, de bijoux et même de cigarettes se sont multipliés. Pour faire ouvrir les portes, ils se servaient d’un « bouclier humain », à savoir un habitant du camp les précédant - une pratique qui relève du crime de guerre. S’il n’y avait pas de réponse, ils faisaient sauter la porte à l’aide d’explosifs. Un « incident » parmi tant d’autres : un « bouclier » affirme au soldat qu’il a entendu du bruit à l’intérieur de la maison, mais celui-ci fait quand même exploser la porte, blessant grièvement une femme. « Je regrette », dit le soldat, avant de passer à la porte suivante...

Les ruines de Jénine, à ciel ouvert, témoignent d’une rage de destruction. Mais qu’en est-il du nombre de victimes ? Le camp comptait 14 500 âmes. Quelque mille personnes ont fui pour gagner les villages avoisinants la veille de l’assaut. Le deuxième jour de l’entrée des blindés, des haut-parleurs de l’armée ont appelé les Palestiniens à quitter le camp. Décrété au début de l’opération, le couvre-feu a été levé pour faciliter leur départ. Ce même jour et les suivants, plusieurs milliers de personnes sont parties à pied vers sept petits villages de la région ; 4 000 autres sont restées terrées dans leur maison dans des conditions désastreuses : sans eau, ni nourriture, ni électricité, sans pouvoir aller à l’hôpital et dans une atmosphère infernale de tirs, de bombardements et d’explosions, jour et nuit.

L’intervention des Cobra a fait l’objet de centaines d’heures de préparation. Le camp a été photographié par satellite, chacune de ses maisons a reçu un numéro de quatre chiffres, les deux pilotes avaient une carte, et, lorsqu’ils captaient un ordre indiquant un numéro, le missile était aussitôt lancé sur la maison désignée. Combien de personnes ont été touchées avec ces missiles ? Combien de victimes y a-t-il eu parmi les combattants ? Et combien parmi les civils innocents ? Nul ne saurait le dire.

Le 11 avril, les derniers combattants palestiniens ont cessé la résistance.

Le grand nombre de victimes palestiniennes a choqué, en Israël, tous ceux que révulse la politique de force du gouvernement, mais aussi tous ceux qui redoutent que l’image de l’Etat juif en sorte ternie. Les pacifistes ont manifesté dans les grandes villes du pays, tentant même de faire parvenir une aide humanitaire à la population sinistrée. Même le ministre des affaires étrangères, M. Shimon Pérès, s’est alarmé, selon le quotidien Haaretz, des « réactions internationales hostiles dès que les dimensions de la bataille au camp de réfugiés de Jénine, dans laquelle plus de cent Palestiniens ont été tués, seront connues. Lors de conversations à huis clos, Pérès a qualifié l’opération de “massacre” ».

Le premier ministre s’étant emporté contre ces « propos irresponsables », M. Pérès a affirmé qu’il avait été mal cité. Mais les faits sont têtus, et le nombre des victimes palestiniennes n’a cessé d’augmenter. Le spécialiste des questions de défense au quotidien Haaretz, Zeev Schiff, connu pour ses liens avec l’establishment militaire, a raconté que, « après la fin des combats, au cours des premières fouilles, 80 cadavres ont été trouvés. On estime que le nombre des victimes dans les combats s’élève à quelque 200 Palestiniens, y compris des civils, dont une partie est enterrée sous les décombres des maisons effondrées ». Le chiffre de 200 morts s’impose. Le porte-parole de l’armée, le colonel Ron Kitri, l’utilise également .

Pour les habitants du camp, ce nombre est sous-estimé. Pourtant, le ministre de la défense, le travailliste Benjamin Ben Eliezer, déclare que le « vrai chiffre » est de quelques dizaines. Un éditorialiste israélien s’interroge : « Est-il possible que dans des combats aussi durs que ceux de Jénine, qui ont coûté la vie à 23 soldats israéliens et en ont blessé 60, auxquels ont participé des hélicoptères d’assaut, des chars et des bulldozers lourds, avec des destructions tellement importantes, le nombre des morts [palestiniens] soit si réduit ? Il y a quelque chose qui cloche dans ce calcul. »

Le secret du bilan exact, de toute façon très élevé, est enfoui sous les maisons détruites, ainsi que dans les tombes palestiniennes et les fosses creusées par l’armée. Au cours des combats, quinze victimes ont été enterrées par les habitants, dont huit devant l’hôpital. Dans le côté est du camp, il existe un terrain vague où les soldats israéliens ont, selon plusieurs témoins, creusé la terre avec un bulldozer, « et sans doute enterré des cadavres ». Près du cimetière, quelques victimes ont été inhumées, dont le nombre n’est pas connu. Il y avait aussi encore des dizaines de cadavres dans les services de santé - 48 ont été ensevelis.

Enfin, le plus grand secret entoure le transfert des cadavres ramassés dans le camp et emportés tout d’abord au bois de Saadeh, dans le nord de la localité. De là, emballés par les services du rabbinat militaire dans des sacs de plastique noirs, ils ont été transportés par des camions réfrigérés vers le cimetière créé par l’armée, près du pont Damiah, dans la vallée du Jourdain, pour les activistes palestiniens (« cimetière des terroristes » pour les Israéliens, « cimetière des numéros » pour les Palestiniens, à cause des numéros qui figurent, seuls, sur les tombes). Des associations israéliennes des droits humains se sont adressées à la Cour suprême pour faire cesser ces enterrements, mais le gros du « travail » avait déjà été fait. Combien de cadavres y ont été transférés ? Mystère..

Désormais, le camp de réfugiés palestiniens de Jénine appartiendra à la longue liste de crimes qui jalonnent le conflit israélo-palestinien, du massacre de Qibya (1953) à celui de Sabra et Chatila (1982). Avec, pour dénominateur commun, le général Ariel Sharon.

Et maintenant Gaza s'ajoute à la liste avec une nouvelle génération de militaires et de personnel politique israéliens aux commandes.

Écrit par : Philip Seelen | 09/01/2009

Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous êtes bien renseigné. Merci pour toutes ces précisions.

Écrit par : Feuilly | 09/01/2009

On ne milite pas 40 ans pour une cause qui vous est chère, pour ne pas finir par connaître cette cause comme si c'était la sienne. De Septembre Noir à Gaza si humaine.

Et salut Feuilly maintenant je rentre dans mes casernes. Philip.

Écrit par : Philip Seelen | 09/01/2009

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