16/10/2008
Le chercheur d'étoiles
J’étais parti à la recherche d’une étoile qui n'aurait pas été morte.
On dit qu’il en existe encore quelques-unes, là bas, bien loin, quelque part entre la constellation du Centaure et celle d’Orion.
J’étais donc parti et je cherchais.
Ce fut un beau voyage, un bien beau voyage.
J’ai traversé des contrées étranges, des plaines immenses, des forêts enchantées et j’ai même vu des montagnes qui montaient jusqu’aux cieux. J’ai connu les pluies de l’hiver, quelque part dans un port de l’Atlantique et des climats torrides, plus au Sud, sur la terre calcinée de la vieille Castille. Là-bas, il y avait des châteaux fantastiques, dressés sur des pitons rocheux, des champs de blé vastes comme la mer et la poussière des siècles, emportée par le vent, dans la chaleur de midi.
J’ai dormi à Venise, la belle cité qui dans l’eau se mire et cherche en vain dans un miroir le reflet de ce qu’elle fut. J’ai traversé Vérone, mais il était trop tard, Juliette déjà reposait dans son tombeau de marbre. J’ai vu Florence, ses dômes et ses musées et même San Gimignano, la ville aux mille tours, perdue dans son Moyen-Age.
Je cherchais toujours et je ne trouvais point.
Parfois je demandais aux personnes rencontrées si par hasard elles n’avaient pas croisé la route d’une étoile qui ne serait point morte, une étoile avec deux grands yeux songeurs et une belle chevelure de feu, comme ces longues traînées qu’on voit parfois la nuit au milieu du mois d’août.
Mais, personne n’avait rien vu, ni fille ni étoile et encore moins des traînées de feu. La nuit est noire répondaient-ils et les étoiles sont mortes depuis longtemps. Néanmoins je continuais à chercher.
Cela a pris du temps. Tellement de temps qu’entre-temps j’ai vieilli et qu’un beau jour je me suis retrouvé à mon point de départ. La vie déjà était finie et je n’avais pas trouvé l’étoile. Peut-être était-elle morte pendant que je la cherchais. Peut-être n’avait-elle jamais existé, si ce n’est dans mon imagination. Pourtant, il me semblait… Parfois je lève encore les yeux vers le ciel, entre le Centaure et Orion et je crois l’apercevoir. Mais à fixer ainsi la nuit trop longtemps mes yeux picotent et ma vue se brouille. L’âge sans doute. Probablement.
Tout me semble flou alors et je ne distingue plus rien.
Cela ne fait rien, ce fut quand même un bien beau voyage.
Restent les souvenirs.
Et le désir.
"Feuilly"
18:16 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : poésie
Commentaires
L'étoile cache mal qu'elle est métaphore de la femme qui cache mal qu'elle est métaphore de cela que l'on cherche sans lui connaître de nom (et qu'un raccourci permet de nommer "desir")
J'aime cette métaphore d'une métaphore qui structure ce beau poème.
Bien à vous
Écrit par : Arbi | 16/10/2008
"L'étoile cache mal... " Faiblesse du poème? Peut-être pas, car l'étoile ne veut rien cacher, justement. Le poème non plus, qui se veut naïf dans sa simplicité même. Ce qui se cache le plus, mais qu'on devine, c'est la nostalgie du narrateur.
Écrit par : Feuilly | 16/10/2008
J'avais hâte de retrouver votre écriture poétique. J'aime beaucoup vos recherches sur le langage, sur l'histoire mais il y a une atmosphère plus intimiste, très douce dans ces poèmes qui sont un peu des contes, une balade du temps jadis. C'est une écriture travaillée mais qui donne une impression de belle simplicité.
Et que transmet ce poème, si ce n'est cette quête profonde et mystérieuse qui nous meut et dont nous ne trouvons pas l'objet parce qu'il est trop parfait en nous, trop grand et qu'il serait à l'étroit dans un seul être ?
Alors nous frôle la lassitude d'une marche vaine qui a pourtant été éclairée d'une véritable nébuleuse... Peut-être bien que l'étoile est en nous et qu'il est dur de s'arracher à son reflet...
Écrit par : christiane | 16/10/2008
la parole simple
le toi tu
au milieu du moi
la terre descend
le long des yeux
un cri de lumière
nue
extrait de "fenêtres fougère"
de bernard noël à colette deblé
Écrit par : michèle pambrun | 17/10/2008
Qu'ajouter à ce poème ?
Dans "Le chercheur d'étoiles", rien ne sépare, ni le mouvement, ni le silence peuplé.
Dans les arcanes de la nuit se coulent les douceurs liquides et les salives tièdes.
Écrit par : michèle pambrun | 17/10/2008
La poussière des siècles emportée par le vent dans la chaleur du midi ......C'est une belle image .....
Votre chercheur d'étoile m'émeut beaucoup , en quelques mots trés simples vous me faites toucher l'univers .... Le ciel, la terre , l'eau et la quête de toute une vie .....
C'est trés beau feuilly.....
Écrit par : Débla | 17/10/2008
si je pouvais t'envoyer une chanson, j'aurai choisi "la bonne étoile" de M ou bien "venus" de bashung.....à défaut, je te lance une pluie d'étoiles filantes et des applaudissements retentissants !
Écrit par : elle | 17/10/2008
Elle? C'est fort vague ce pseudo. Il y a autant d'elles sur la terre que d'étoiles dans le ciel.
Écrit par : Feuilly | 17/10/2008
Je vous sais aimant les vers de Jaccottet, je vous recopie gentiment ceux-ci, une autre histoire d'étoiles :
"Mais chaque jour, peut-être, on peut reprendre
le filet déchiré, maille après maille,
et ce serait, dans l'espace plus haut,
comme recoudre, astre à astre, la nuit..."
Philippe Jaccottet
Écrit par : ellisa | 17/10/2008
Merci pour Jaccottet, Ellisa, cela me touche beaucoup. En tout cas c'est un poète que vous connaissez bien car vous savez chaque fois choisir l'extrait le plus approprié.
Écrit par : Feuilly | 17/10/2008
Poète, c'est lui qui me connaît bien.
Écrit par : ellisa | 17/10/2008
Peut-être la rencontre a-t-elle eu lieu. Ailleurs, en d’autres temps :
« Devant moi, près des taches noires des montagnes de Rodrigues, il y a Orion et les Belles de nuit, et tout à fait au zénith, près de la Voie lactée, comme autrefois, je cherchais les grains brillants des Pléiades. Comme autrefois, j’essaie d’apercevoir la septième étoile, Pléïone, et au bout du Grand Chariot, Alcor. En bas, à gauche, je reconnais la Croix du Sud, et je vois apparaître lentement, comme s’il naviguait vraiment sur la mer noire, le grand navire Argo. Je voudrais entendre la voix d’Ouma, mais je n’ose pas la réveiller. Je sens contre moi le mouvement lent de sa poitrine qui respire, et cela se mêle au fracas rythmé de la mer. Après cette journée si longue, pleine de lumière, nous sommes dans une nuit profonde et lente qui nous pénètre et nous transforme. C’est pour cela que nous sommes ici, pour vivre ce jour et cette nuit, loin des autres hommes, à l’entrée de la haute mer, parmi les oiseaux. »
J.M.G Le Clézio, Le chercheur d’or, Éditions Gallimard 1985, p. 217.
Écrit par : Angèle Paoli | 17/10/2008
Beau texte, qu'aurait dû lire le chercheur d'étoiles avant d'entamer son voyage vers l'impossible. Il y aurait trouvé à méditer. La haute mer, les oiseaux... Cela fait rêver. En tout cas Le Clézio semble avoir découvert ce qu'il cherchait. Dans le voyage même. C'est une solution.
Et pourtant l'étoile existe, je le sais. Le tout est de croiser son chemin.
Écrit par : Feuilly | 17/10/2008
Que les étoiles cachent mal leur caractère métaphorique n'est pas une faiblesse du poème...Bien au contraire.
L'opacité du réel devient transparence sous votre plume
Écrit par : Arbi | 17/10/2008
Métaphore ? J'aurais cru à une personnification...
N'en déplaise à Le Clézio c'est un beau parcours cette quête d'étoile.
Écrit par : File la laine | 18/10/2008
" L'âme est une étincelle d'essence stellaire" Héraclite
Votre écriture est de la même essence. Il s'y joue un sacré affrontement avec vous-même. Merci pour cet instant de plénitude.
Écrit par : christiane | 19/10/2008
Feuilly, vous allez être content ! Les chercheurs de l'observatoire de Paris, réunis autour du projet Corot ,viennent de découvrir que les étoiles chantent !!!! Des faibles vibrations jusqu'à ce jour inaudibles viennent d'être captées en provenance d'une étoile proche du soleil....
Écrit par : christiane | 24/10/2008
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