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01/06/2008

Dominique Autié

J’apprends avec tristesse la disparition, à 59 ans, de Dominique Autié (voir blogue en lien ici à droite). Homme du Nord venu s’établir à Toulouse, il aura consacré sa vie au livre. Fils et petits-fils d’ouvriers typographes, éditeur, il avait dirigé les éditions Privat avant de fonder sa propre maison (InTexte), avec sa compagne Sylvie Astorg.

Comme auteur, il avait publié des essais (Approches de Roger Caillois, Privat) puis des romans (Le clavier bien tempéré et surtout Le Bec dans l’eau aux éditions Phébus).

Personnellement, c’est comme blogueur que je l’ai connu. Son site a toujours été d’une grande qualité et s’il ne répondait pas forcément aux commentaires qu’il m’est arrivé de laisser (avec parcimonie, car je ne voulais point rompre le charme qui émanait de ses textes), il lui arrivait souvent d’envoyer un petit mot en privé, remerciant avec gentillesse qu’on ait bien voulu le lire et réfléchir à ses paroles.

Pour lui, la place de l’éditeur était sur Internet, cela ne faisait pas l’ombre d‘un doute.

Outre le livre qu’il m’avait un jour envoyé (« La ligne de Sceaux »), j’ai surtout apprécié ses commentaires sur la grotte de Gargas. C’était un amoureux des livres, non seulement de leur contenu, mais aussi de tout ce qu’ils représentent. D’un tel homme on peut dire assurément que c’était un esthète.

Il a contribué à la parution de L’Ensemble conventuel des Jacobins de Toulouse de Maurice Prin, livre qui lui tenait autant à cœur que la restauration du site lui-même. Il adorait comme moi la défunte collection zodiaque, consacrée entre autre à l’art roman. C’était un mystique dans le sens où il savait ce que le terme sacré voulait dire, en art comme dans la vie. Moi qui suis athée, il m’est arrivé de me laisser porter par ses commentaires sur la lecture de la bible, trouvant dans ses mots comme un apaisement. C’est qu’il était à la recherche de plus de vérité.

Il était aussi formateur en BTS édition et en Master à l’université de Toulouse-Le Mirail.

Dominique, je ne sais assurément pas où tu peux bien être maintenant, mais ce qui est sûr c’est que tu nous manqueras, toi et ton blogue, dans lequel on n’entrait que sur la pointe des pieds, comme dans les anciennes bibliothèques.


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Commentaires

Merci de cet hommage à Dominique Autié.
Je me joins à votre peine.

Dominique pour moi Danse et "tournoie comme un atome au soleil d'éternité...
l'âme libre de sa bogue sèche..."
Rumi

Écrit par : Claude | 03/06/2008

Oui, ce fut un grand monsieur et un véritable amoureux des livres. Voici ce que je disais sur le blogue d'Ornithorynque, qui lui rend aussi hommage:


Oui, il nous manquera et pour moi son blogue était assurément exemplaire: par le style employé, par les sujets traités, par la rigueur toujours présente mais aussi par cette discrétion et cette gentillesse qui cachaient une grande érudition. Je me retrouvais dans son amour des livres et son mépris des circuit commerciaux. Loin des fanfaronnades auxquelles nous somme s habitués sur Internet, il savait, avec discrétion et humilité, aller à l’essentiel, à savoir ce rapport qui, dans la solitude, unit l’homme au livre. Entre Gargas et les SDF, il a su capter tout ce qui faisait l’humain. Dans notre société où le seul idéal qu’on nous propose (pour atténuer notre doute existentiel) est de s’enrichir honteusement, il avait su suggérer une autre voie, ô combien plus délicate et plus convaincante. Nous nous souviendrons longtemps, je crois, de ses propos, car ils répondaient à une aspiration que nous avons en nous. Qu’il en soit remercié.


(http://ornithorynque.hautetfort.com/archive/2008/06/01/dominique-autie.html)

Écrit par : Feuilly | 04/06/2008

C'est très émouvant ce que ce texte révèle de lui et de vous. Après son blog que je suis en train de découvrir, grâce à vous, je vais essayer les livres mais par lequel commencer ? Vous m'aviez bien orientée pour Cioran, alors...

Écrit par : Christiane | 15/08/2008

En fait je n'ai lu que "La ligne de Sceaux"
J'aurais aimé lire celui où il parle des livres et de sa bibliothèque.

Écrit par : Feuilly | 15/08/2008

Je viens de lire lentement les neuf pages étranges de Gargas (sur le blog de D.Autié). Ah, ces mains négatives mutilées de la grotte de Gargas et cette double présence de Dominique Autié et d'Alina Reyes, et ces textes lus (le Duras....) quelle étrange mémoire !
Je retiens quelques lignes fortes qui m'orientent vers autre chose, qui me "lient" :
"La passion de l'univers souterrain associé au retour amont..."
" Un livre meurt de solitude" sur les rayonnages d'une bibliothèque publique...
"La grotte, c'est la bibliothèque réelle, immémoriale : ici, on lit - on ne lie pas -"
Et pour moi, le silence, le face-à-face avec ces traces... Main mutilée dans laquelle je pose ma main pour rencontrer une présence venue du lointain passé de notre histoire, d'avant la mémoire. Elle me lie et ne se lit pas...
Et vous, vous dîtes que cette lecture a été importante, qu'avez-vous ressenti ?

Écrit par : Christiane | 16/08/2008

Cette rencontre avec nos ancêtres, par l'intermédiaire de cette trace qu'ils ont laissée. Premier élément de pensée, premier élément de l'art. C'est l'homme qui pour la première fois réfléchit à autre chose qu'à sa simple subsistance.
Entre eux et nous, un fil se lie, qui nous lie, nous qui lisons leurs traces.
C'est la mémoire de l'humanité qui se transmet là, comme elle se transmet de génération en génération.
Et puis Dominique avait le don pour recréer cette communion avec le sacré. Car il y a du sacré dans l'Histoire de l'humanité. Non pas que j'y voie une intervention divine, mais le cheminement d'une pensée, ô combien fragile et qui est pourtant parvenue jusqu'à nous. Avec tous nos mots, nous sommes les héritiers de ces mains négatives.

Écrit par : Feuilly | 17/08/2008

Un soir, il y a une vingtaine d'années, je me suis égarée en haute montagne... Seule au milieu de nulle part, des pierriers et soudain un à pic et en contrebas, au loin, la vallée. J'étais épuisée, me suis arrêtée et j'ai bivouaqué sur cette roche de solitude. Un léger contrefort herbeux offrait sa douceur. C'était en juillet, Le ciel était lumineux. Il ne faisait pas froid à 2000 mètres, les frissons venaient de cette solitude et de la beauté du monde.
Là, j'ai fait l'expérience d'une nuit habitée, pas par les hommes, il n'y en avait pas, ni par les marmottes qui surgissaient de temps à autre, ni par le vent qui avait quitté ce monde mais par une présence sacrée qui enveloppait toute chose et m'enveloppait. Une sérénité étrange tombait de ce ciel très sombre (je ne me souviens pas de la présence de la lune) et montait de la terre où je m'étais allongée. Le temps s'était comme arrêté... Et cela dura, sans sommeil et sans angoisse. Aux premières heures du jour, un hélicoptère commença ses recherches et me trouva rapidement. Je ne répondis rien à l'ami qui était là, auprès des secouristes quand il me demanda si j'avais eu peur... cette nuit était indicible...

Écrit par : Christiane | 17/08/2008

En tout cas, parfois l'impression, dans ces montagnes grandioses, que la nature est tout et que nous ne sommes rien. Dans ces immensités, on pourrait mourir là que personne n'en saurait rien. Le cours des choses continuerait, comme il continuera un jour sans nous.

Mais c'est encore autre chose que vous dites là.

Écrit par : Feuilly | 17/08/2008

Oui et non, car l'idée possible de la mort et de l'effacement habitaient aussi cette nuit, mais étrangement, sans aucune peur. Il y aurait un matin... Je le savais mais sans me questionner sur ce qu'il serait. J'avais lâché prise. Plus de volonté. Peut-être la fatigue due à cette longue marche solitaire de l'après midi où je croyais être sur le bon chemin. Puis le chemin s'était arrêté, alors je m'étais engagée imprudemment dans des pierriers où nulle trace ne pouvait ni se deviner, ni se laisser.
J'étais dans un entre-deux, un temps différent où je pensais, un peu hypnotisée, comme un nageur des grandes profondeurs qui ralentit et sa respiration et son rythme cardiaque. Voilà, c'est cela, j'étais dans la profondeur du temps et dans l'enroulement de l'espace et la nuit était vide et sacrée. J'ai gardé la mémoire de ce vide comme d'une ouverture de la nuit...
J'avais laissé le groupe de randonnée s'éloigner et rentrer au camp, me sentant lasse et eux avaient hâte de rentrer. C'était au retour d'une longue marche. i
Ils m'avaient oubliée, là, sur ce qui était encore un chemin me disant :- bon, on continue, tu es presque arrivée, une heure de marche et tu nous rejoins, surtout ne quitte pas le chemin !...
Sauf que le chemin n'était pas le bon, que, eux avaient rectifié oubliant que j'en serais incapable et que je suivrais docilement l'autre, jusqu'à être vraiment perdue. Quand ils ont réalisé que je n'étais pas rentrée, deux ou trois ont refait le chemin à l'envers mais j'étais loin, sur l'autre versant avec les marmottes ! Alors ils ont alerté la gendarmerie et Alain est monté dans l'hélicoptère pour les aider. Et voilà... Bon ! C'est quand même pas la marche de Guillaumet !!!
Mon seul mauvais souvenir : j'ai eu très soif car ma gourde était vide. Je crois que cette soif a dû me brouiller un peu les pensées...

Écrit par : Christiane | 17/08/2008

Jolie expérience en tout cas.
Personnellement, ce que j'ai déjà ressenti (un enfant blessé était resté en arrière) c'était plutôt la "surpuissance" de la nature et son indifférence à notre égard. Moi qui d'habitude suis plutôt en harmonie avec la nature, je la ressentais là comme démesurée dans son immensité. Le contraste était flagrant entre la montagne que je dévalais et les lumières d'une ville que l'on apercevait dans le lointain.
Il me semblait alors que l'homme ne pourrait pas vivre dans cette nature sauvage, qu'il ne parvenait à se maintenir que par la société qu'il avait créée (la culture, la solidarité, l’effort collectif pour améliorer notre sort).

Écrit par : Feuilly | 17/08/2008

L'enfant a dû être heureux quand il vous a vu ! Je n'ai pas eu à me sentir abandonnée, je n'ai pas eu le temps. La nuit n'avait pas vraiment compté. Je n'ai pas eu à désespérer d'un secours. Je crois d'ailleurs que je me serai remise en marche s'ils n'étaient pas venus. En fin de compte, je m'en voulais un peu d'avoir dérangé tout ce monde et je me sentais un peu sotte... La peur est venue bien plus tard par l'imagination, quand j'ai pensé à tout ce qui aurait pu se produire... Souvent la peur précède le risque, là, c'était différent... Je ne sais toujours pas pourquoi...
Comme vous dites : jolie expérience... et bonheur de cette solidarité.
Parfois, dans l'actualité, terriblement, personne ne retrouve celui ou celle qui a disparu... Quel océan de douleur alors pour celui-là et pour ceux qui l'ont cherché, désespérément et ne l'ont pas trouvé ou trouvé trop tard...

Écrit par : Christiane | 18/08/2008

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