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22/04/2008

Littérature et Internet

Dans la dernière note sur les blogues, sont apparues quelques remarques intéressantes sur la littérature et les rapports que celle-ci pourrait entretenir à l’avenir avec Internet. Ainsi, Cigale s’est demandée si la littérature ne serait pas "obligée", avec le temps, d'user de l'outil informatique et cela ne serait-ce que parce que les jeunes utiliseront de plus en plus ce moyen pour lire.

En fait, à l’heure actuelle, il faut bien reconnaître que personne ne peut prévoir l’évolution future de ce nouvel outil de communication. Ceci dit, nous pouvons essayer de poser quelques jalons :

· Il est possible que le public finisse par se familiariser de plus en plus avec la lecture sur écran, ce qui risque d’avoir des conséquences à moyen terme. Nous tous, via nos blogues, nous ne faisons pas autre chose que d’avoir le nez collé sur notre ordinateur. Personnellement, je constate que j’ai tendance à lire les informations (site du journal Le Monde, etc.) plutôt que de les écouter à la télévision. En effet, je peux le faire quand je le désire et cibler les sujets qui m’intéressent.

· Le risque, c’est que les éditeurs y verront une opportunité de réduire leurs coups de fabrication. Avec des livres à la demande, ils n’auront plus de gestion de stocks ni de pilons. De plus, si on améliore encore ces petits écrans portables qui permettent de lire des romans entiers avec un maximum de confort, l’édition papier pourrait bien disparaître. En effet, il suffirait d’acheter un mini CD ou même de télécharger le livre directement sur Internet. Si une telle tendance devait se généraliser, cela signifierait la disparition des bibliothèques personnelles. Celles-ci se réduiraient à la mémoire de votre machine. Cela voudrait dire aussi, la technique évoluant sans arrêt, qu’il vous faudrait racheter périodiquement une « liseuse » plus performante, en espérant que les livres stockés en mémoire sur l’ancienne puissent toujours être lus par la nouvelle. On n’ose non plus imaginer ce qui se passerait en cas de panne du disque dur…

· D’un autre côté, la Littérature étant devenue une grande affaire commerciale et le milieu de l’édition privilégiant ce qui se vend au détriment de la qualité, on pourrait imaginer que des auteurs authentiques se tournent vers Internet pour s’assurer un lectorat qui finalement ne sera pas moindre que le public confidentiel auquel leur œuvre était destinée.

· Le problème, pour le profane, c’est de savoir reconnaître sur le Net les œuvres de qualité car la Toile est ouverte à tous et tout le monde peut y écrire. Plus rien ne sera gravé dans le marbre et tout appartiendra au domaine de l’éphémère. On pourrait d’ailleurs se demander si une société qui efface ainsi toutes les valeurs et qui ne distingue plus l’œuvre d’art authentique des balbutiements de la concierge (ceci dit sans aucune animosité de ma part envers les concierges) n’est pas en pleine décadence. Tout ne serait plus qu’un immense discours, une logorrhée sans fin, une sorte de « bruit et de fureur » n’ayant d’autre but que d’exister par lui-même. S’il n’y a plus de message à transmettre, s’il n’y a plus une hiérarchie des valeurs (même si celle-ci est contestable), on risque bien de se retrouver devant un fond sonore sans signification.

· Le gros avantage d’Internet, c’est l’échange immédiat avec des personnes ayant les mêmes centres d’intérêt que vous. Pour un auteur, c’est donc aussi une manière de dialoguer avec des lecteurs qu’il n’aurait jamais eu l’occasion de rencontrer. Vous me direz qu’il y a les Salons du livre, mais que peut-on raconter en deux minutes au milieu du brouhaha de la foule ? Rien du tout. Rien en tout cas qui soit comparable au type d’échange que l’on peut avoir sur un blogue ou via un courriel privé avec un(une) lecteur (trice).

· Pour être édité, c’est le parcours du combattant, tout le monde le sait et des relations ou un nom déjà connu peuvent seuls vous ouvrir les portes. Au contraire, avec Internet la littérature se démocratise puisque tout un chacun peut venir déposer des textes. Il suffirait donc de modifier l’idée qu’on se fait d’un auteur pour avoir de la littérature une autre conception. Je pourrais très bien avoir un métier ordinaire et rédiger des textes de qualité qui seraient alors appréciés sans pour cela avoir comme seule occupation l’écriture (car c’est tout de même comme cela qu’on voit encore l’écrivain, même si en fait une grande partie de son temps est consacrée à une écriture alimentaire : articles de presse, compte-rendus, etc.)

· Il resterait le problème de la diffusion, qui est finalement le même que dans l’édition classique. Pour être lu, il faut être vu. A la publicité traditionnelle se substituerait donc l’art d’être repéré par les moteurs de recherche, ce qui est aussi une manière de s’imposer.

· Si le texte enligne devait remplacer la littérature sur papier, il resterait le problème de la mouvance du texte, qui ne serait jamais figé. Un auteur traditionnel a en effet tendance à améliorer son texte jusqu’au moment de la publication qui le fixe alors définitivement. Sur écran, il n’en va pas ainsi. Déjà que les versions antérieures sont souvent impitoyablement écrasées, le risque est grand de se retrouver devant un texte mouvant, en perpétuel devenir et qui évoluera sans cesse au gré de son auteur. Mais qu’est-ce qu’une société qui ne sait plus fixer les choses mais les présente dans un ordre aléatoire et arbitraire ? Si rien ne vaut rien et si tout vaut tout, j’ai bien peur que la décadence ne soit proche.

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Commentaires

Et ne plus pouvoir lire crayon en main ??
Et longtemps après ne plus pouvoir remettre le nez dans l'exemplaire annoté, souligné, surligné, griffonné ? (dont on ne sait plus pourquoi on avait souligné telle phrase) l'exemplaire de...
(soupir)

Écrit par : ellisa | 22/04/2008

Pour la diffusion sur le net, je crois qu'on peut faire confiance au bouche à oreille.
Un peu comme pour le cinéma actuellement : parfois certains films sont complètement descendus par les critiques (snobinards parisiens va-t-on dire pour faire court). Mais le public ne s'y trompe pas et certains de ces films font de véritable raz de marée alors qu'ils étaient donnés perdants dès la sortie (Le grand bleu de Luc besson par exemple). Quand l'oeuvre touche le public, celui-ci accroche et suit bien.

La littérature internet peut prendre le même chemin.

Avantage : cela peut se répandre très largement et rapidement.

Inconvénient : ça risque d'être tributaire des modes.

En attendant, je suis comme vous, j'ai beaucoup de mal à la lecture sur écran, et je trouve le contact du livre (papier, couleur, odeur) très sympa...

Écrit par : Cigale | 22/04/2008

Ah Elissa, vous pointez là du doigt (ou plutôt du crayon) un des problèmes majeurs: le fait qu'on se soit approprié les livres en relevant d’un trait les phrases ou les passages qui nous touchaient. Pour rien au monde je ne remplacerais un exemplaire que j’ai personnellement annoté, même s’il est vieux et endommagé, pour une nouvelle édition.

Relire à posteriori les seuls passages soulignés permet à la fois de se refaire une bonne idée du livre à des années de distances, mais aussi de replonger dans la conscience et l’état d’esprit qui étaient les nôtres à ce moment-là. Des fois on se demande bien pourquoi on a été attiré par un passage qui semble finalement anodin, d’autres fois on se dit qu’on soulignerait de nouveau le même extrait aujourd’hui. Par cette lecture rapide, nous parvenons donc à saisir l’esprit de l’auteur et celui qui fut le nôtre à une certaine époque. Cela nous fait comprendre aussi que nous avons abordé le livre sous un certain angle, qui ne serait plus forcément le même aujourd’hui. Cette distorsion doit nous rendre humbles car c’est toujours un regard partial et subjectif que nous posons sur les livres. Mais cette richesse est la nôtre et cela vaut la peine d’en conserver des traces. Jamais un écran d’ordinateur ne remplacera ce contact direct avec le livre. Sans parler du contact physique et du plaisir que l’on éprouve à toucher du doigt certains papiers ou certaines couvertures.

Écrit par : Feuilly | 22/04/2008

Et je vois avec horreur que j'ai laissé passer une énorme faute d'orthographe dans la note proprement dite:
"Ainsi, Cigale s’est demandée si la littérature..."
Elle a demandé à elle (COI) quoi? Si la littérature (COD placé derrière). Le participe passé était donc invariable. On est heureux d'avoir des lecteurs (trices) qui ont du tact et qui savent se montrer discrets (discrètes) quand il le faut.

Écrit par : Feuilly | 22/04/2008

Inquiétudes légitimes mais beaucoup d'erreurs (voire de fantasmes)i ci, Feuilly..Je n'en relèverais que quelques-unes (uns):
- D'abord, l'édition numérique - digne de ce nom- ne se propose pas de supprimer l'édition graphique. Elle se propose de l'accompagner dans une démarche de qualité et même d'en corriger la dérive,(cf le travail énorme effectué par François Bon et ça n'est pas parce que j'y ai un livre publié que je dis cela, croyez-moi ou non, peu importe, moi, je sais pourquoi je le dis...) car enfin, vous me faites rire jaune avec votre livre sensuel ,palpable et tout.... Ce qui est palpable, sensuel, vivant authentique, ce n'est pas cet objet inerte mais ce dont il cause. Regardez un peu les tables des librairies, bon sang ! Y'a 95 pour cent de merde irrespirable sous les belles couvertures !
- L'inquiètude face au numérique est la même qui frappa les moines copistes après l'imprimerie. Ou presque.
- Blog et littérature ? Non. Pas ça. Il n'y a que quelques blogs fréquentables de ce point de vue-là. Ce qui ne veut pas dire que je condamne l'existence des autres. Je leur dénie la prétention littéraire, c'est tout, et même le mien, je ne le considère pas blog "littéraire". Faut quand même savoir de quoi on cause...Le blog c'est la possibilité offerte à chacun de s'auto éditer, pourquoi pas, mais on n'est pas là sur le champ exact de la littérature. Il me semble.

Écrit par : redonnet | 23/04/2008

Bien sûr que c'est le contenu qui compte. Mais il n'en reste pas moins qu'il existe un contact avec le livre (et je ne parle pas de "beaux" livres ici).
C'est sans doute une démarche archaïque, mais bon...

L'évolution? Je ne sais pas. Le cinéma n'a pas détrôné la littérature, mais l'imprimerie a supplanté les moines copistes. Alors, si Internet n'est qu'un moyen, il remplacer le livre papier (je n'y crois pas trop et ne le souhaite pas)

Blos littéraires: on est d'accord. Ce n'est pas vraiment de la littérature. Mais si un auteur venait y écrire ses tetxes plutôt que de les publier? Et puis il arrive que l'on découvre tout de même des textes bien intéressants sur certains sites.

Écrit par : Feuilly | 23/04/2008

Un détail à ajouter à tout ce débat : les vainqueurs seront surtout les ophtalmos et leurs compères oculistes, car ces deux professions ont à tout à gagner à la littérature (ou non littérature) en ligne. Croyez pas ?

Écrit par : solko | 23/04/2008

Tout à fait. Alors qu'on peut emporter un livre partout avec soi (train, chambre à coucher, sac de voyage), il n'en va pas de même de l'écran, qui fatigue en plus énormément.

Pour une encyclopédie, c'est intéressant, grâce aux moteurs de recherche et à la place gagnée dans votre bibliothèque. Mais pour les autres livres, j'y vois surtout des inconvénients.

Ceci dit, on se demandait aussi si la littérature allait se transformer à cause de ce nouveau support. Qu'on se souvienne des romans du XIX° édités par chapitre dans les journaux. On pourrait imaginer des textes courts qui ne fatigueraient pas trop la vue.

Écrit par : Feuilly | 23/04/2008

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