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27/07/2014

Gaza (encore une fois...)

Aujourd'hui, nous sommes tous Palestiniens.

On vient d’apprendre que le nombre des victimes a atteint le chiffre astronomique de 1000 personnes, essentiellement des civils, dont de nombreux enfants.

Que dire devant une telle situation ? Gaza est un véritable camp de concentration à ciel ouvert, ce qui déjà devrait soulever l’indignation de la planète entière. Parqués comme des bêtes dans un enclos, les Palestiniens doivent maintenant subir les bombardements de l’armée juive.

A Paris, les manifestations de soutien à la cause palestinienne sont généralement interdites. Il est vrai que lorsqu’elles ont lieu, elles dégénèrent souvent. Mais comment ne pas être en colère et que représentent quelques vitrines cassées face à ces bombardements aveugles et sanguinaires ?

Notre cher président Hollande n’a visiblement pas entendu le cri de désespoir des manifestants. Il s’est contenté de dire qu’il ne laisserait pas l’antisémitisme se répandre en France. Là, ou bien il est de mauvaise foi ou il commet une erreur de vocabulaire incroyable. Il est vrai que des manifestants ont lancé des cris de haine contre Israël. Mais il s’agit en fait d’une condamnation de la politique menée par l’Etat hébreux et non de propos racistes. En gros, Monsieur Hollande confond antisionisme et antisémitisme. Il est vrai que depuis toujours le gouvernement israélien a volontairement confondu les deux notions. Etre contre l’expansion illégale de l’Etat hébreux, contre sa politique raciste et coloniale, c’est déjà pour lui être contre les Juifs et donc être raciste et antisémite.

Or c’est faux. Ce que dénoncent tous les Arabes qui tentent de se faire entendre dans le rues de Paris ou d’ailleurs (rejoints d’ailleurs pas de nombreux Français), c’est la politique coloniale et guerrière du gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou. La preuve, c’est que les mouvements juifs de gauche condamnent eux aussi avec fermeté la politique menée par leurs dirigeants. C’est là une chose sur laquelle il faut insister. De même que les méfaits perpétrés par l’Amérique de Bush ou d’Obama ne doit pas nous faire détester le peuple américain, la politique d’apartheid de l’extrême-droite israélienne ne doit pas nous conduire, par un raccourci trop rapide, à condamner l’ensemble du peuple juif. Mais comment oser dire que des Juifs peuvent être d’extrême-droite ? Les horreurs de la Shoa nous ont habitués à les considérer comme des victimes de ces régimes détestables. Il nous faut pourtant avoir le courage de rompre avec ces clichés historiques et reconnaître que la politique juive est dominée depuis une quinzaine d’années par un mouvement qu’on ne peut qualifier autrement que par les mots « extrême-droite », avec tout le racisme (ici anti-palestinien) que cela suppose. En plus, ce régime est colonialiste et ne s’en cache pas. 

On dit que le vrai motif de l’actuel conflit à Gaza n’est évidemment pas l’enlèvement et la mort de trois adolescents israéliens (crime atroce s’il en est, mais pas plus atroce que la mort des adolescents palestiniens qui par représailles ont été capturés et brûlés vifs par des colons israéliens). Non, il ne faut voir là qu’un « casus belli », un motif pour déclencher le conflit. Le vrai but des bombardements actuels serait de pousser la population à quitter au moins une partie de la bande de Gaza (elle pourrait aller se réfugier dans le Sinaï égyptien), ce qui permettrait l’annexion de cette dernière par l’Etat hébreux et donnerait la possibilité au gouvernement de Netanyahou d’exploiter les énormes gisements de gaz qui se trouvent en Méditerranée en face de Gaza. D’ailleurs, la Russie avait promis d’aider les Palestiniens à exploiter ces gisements, ce qui aurait assuré de solides rentrées d’argent au Fatah et au Hamas. On ne pouvait évidemment pas laisser faire cela, surtout que l’Occident est presque en guerre contre la Russie (à qui elle vient de voler l’Ukraine en n’hésitant pas à s’appuyer elle aussi sur l’extrême-droite). Israël, qui se félicite de la division de l’Irak en trois entités (kurde, islamiste sunnite intégriste et chiite) et qui espère via cette division s’approvisionner à bon compte en pétrole, ne reculera pas devant la mort de quelques milliers de Palestiniens innocents pour s’assurer la mainmise sur des gisements qui sont à sa porte.   

 

Gaza, israël

11/01/2009

Manipulation générale

En fait, dans ces conflits du Proche-Orient, je me dis que tout le monde manipule tout le monde et que tout le monde exploite tout le monde.
Les Américains, par haine du communisme, ont armé et entraîné les musulmans intégristes afin qu’ils se battent à leur place contre les Russes en Afghanistan.

Les mêmes Américains se sont servis de l’Irak, qu’ils ont armé, pour combattre l’Iran.

Israël, de son côté, s’est servi de l’Occident lors de la première guerre du golfe. En effet, il fallait ruiner l’Irak et l’empêcher de devenir une puissance de frappe nucléaire. Pour cela, il ne suffisait pas de bombarder une centrale, il fallait beaucoup plus, mais Israël ne pouvait pas mener cette guerre lui-même contre un pays musulman sans avoir tout le monde arabe contre lui. Il a donc délégué. La France, pourtant à gauche à l’époque, a suivi.

Les Américains, cependant, ont stoppé leur progression militaire et ne sont pas rentrés dans Bagdad, sans doute par crainte de trop grandes pertes dans les troupes de la coalition. Ils ont alors manœuvré les Populations du Sud de l’Irak, en les invitant à se rebeller contre Sadam Hussein. Ce dernier leur infligea des représailles sanglantes, ce qui n’émut pas beaucoup l’oncle Sam.

Mais le problème n’était pas réglé. Il fallait anéantir l’Irak. Pendant 10 ans l’aviation américaine et anglaise se sont donné le droit d’effectuer des frappes sporadiques en dessus du 36° parallèle. Puis ce fut la deuxième guerre d’Irak, pour le plus grand soulagement d’Israël. Comme la France et l’Allemagne refusèrent d’y participer, les Usa firent le travail eux-mêmes (non sans recevoir l’appui d’anciens pays de l’Est, comme la Pologne). Il faut dire qu’ils mettaient au passage la main sur les puits de pétrole, permettaient aux actionnaires de ce secteur de s’enrichir et faisaient tout payer par le contribuable américain, celui qu’on envoyait au front en fait. Enfin, pas vraiment, car pour cela on avait trouvé les latinos récemment arrivés du Sud, tout contents, eux, de devenir américains. Ils pouvaient bien, pour cet honneur, aller donner leur vie dans le désert irakien.

Ensuite, les Etats-Unis soutinrent les Kurdes du Nord et mirent en place la plus belle guerre civile qu’on avait connue depuis longtemps, qui réduisit un pays prospère et riche, qui s’occidentalisait et où le niveau d’instruction était élevé, en une ruine fumante jonchée de morts.

Malheureusement les Kurdes en question commencèrent à s’agiter un peu chez l’allié turc, qui se mit à les pourchasser jusqu’en Irak même, avec l’accord tacite de ces mêmes Américains qui s’étaient appuyés sur eux.

Ensuite, pour grignoter la Russie, on se servit des Géorgiens (armés par Israël, tiens, tiens) et on provoqua le vieil ours russe jusqu’au moment où celui-ci estima qu’il devait réagir s’il voulait conserver son ancienne zone d’influence. Mais les russes ne font pas mieux, tentant de mettre l’Ukraine à genou en réduisant l’approvisionnement en gaz pour punir cette ancienne province de se tourner vers l’Occident.

Tout le monde, c’est la règle, exploite donc tout le monde. Le Hezbollah se sert du soutien de la Syrie, laquelle se sert du Hezbollah pour maintenir sa zone d’influence et contrer Israël. Le Hamas se sert des Palestiniens pour imposer sa nouvelle conception de l’Islam et Israël se sert des tirs de roquettes du Hamas pour massacrer les Palestiniens. Le Hamas se sert aussi de notre émotion pour qu’on condamne Israël et Israël se sert de notre culpabilité face au massacre de la Shoa pour que nous approuvions son action.

Je suis atterré quand je me mets à réfléchir de la sorte. Sur les événements en eux-mêmes, d’abord, qui sont toujours atroces comme on peut le voir en ce moment. Sur la complexité des phénomènes, dont nous ne percevons qu’une partie. Sur la mauvaise foi qui règne de tous côtés. Et finalement sur la nature humaine, dont on se dit qu’elle est vraiment bien mauvaise. La vie est déjà si courte et nous n’en avons qu’une. Il faut encore que nous nous fassions souffrir les uns les autres et que nous nous massacrions.

Restent les victimes, qui en tant que victimes ont tout perdu dans ce jeu de dupe. Restent ces morts de Gaza, hommes, femmes, enfants. Et même le soldat israélien qu’on aura envoyé là-bas pour des raisons politiques et électoralistes et qui va peut-être mourir également, même ce soldat mérite aussi notre compassion car rien ne dit qu’il avait envie d’aller la-bas, lui.

Il y a tant de haine de part et d’autre, tant d’injustices et de violence, tant de choses à reprocher à l’autre, qu’on ne peut que se dire qu’on n’en verra jamais la fin.

Je suis atterré. Pas seulement devant ce conflit, mais devant l’espèce humaine en général.
Que faire alors ? Continuer à élever la voix ? Se taire ? Tout oublier, se cacher dans son coin et ne plus contempler le monde, ne plus rien voir ? Trouver l’apaisement intérieur dans l’oubli, en refusant de regarder ? Ou au contraire crier plus fort que les autres ? Cela pourrait amener les plus radicaux d’entre nous à aller très loin dans la défense de leurs idées. Avec le risque de se faire manipuler à leur tour car toute bonne action est toujours récupérée par un plus malin qui s’en sert pour sa propre cause.

Mais se dire cela, c’est refuser d’agir, de parler, d’écrire et de clamer notre colère. Si les Allemands avaient montré un peu plus de désobéissance entre 1933 et 1939, on aurait évité bien des morts… Alors il nous faut bien nous concentrer sur l’événement du moment, sur ces morts injustes de Gaza, rien que pour conserver notre dignité d’homme. Mais en faisant cela nous ne réglons rien du problème en lui-même. Nous parons au plus pressé, c’est tout.

Et si l’Irak avait eu la bombe nucléaire (pourquoi pas après tout, nous l’avons bien, nous) et si Israël avait été frappé, nous aurions pleuré les victimes israéliennes. Allant d’une victime à l’autre, nous ne savons rien faire d’autre qu’apporter notre compassion. C’est le moins que l’on puisse faire, mais cela ne sert finalement pas à grand chose car les grands de ce monde continuent à jouer sur le grand échiquier qui leur a été donné.

En attendant, ce qui est sûr et certain, c’est le nombre des victimes innocentes à Gaza. Et nous n’avons rien pu faire. Et cela continue. Et nous ne pourrons rien faire.



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10/01/2009

Un autre Israël?

Pour terminer cette évocation de la guerre au Proche-Orient, je voudrais préciser, après avoir bien critiqué ici la position du gouvernement israélien, qu’il ne faudrait pas non plus, par nos propos à tous (qui partent certes de bons sentiments) en arriver à diaboliser l’une ou l’autre nation et donc indirectement contribuer à aviver la haine. En d’autres termes, je voudrais dire, comme je l’ai déjà fait dans le passé, qu’il ne faudrait pas assimiler l’ensemble des Israéliens à la politique de leur gouvernement (de même que tous les Américains ne pensent pas comme Bush ou tous les Français comme Sarkozy, loin s’en faut).

Voici donc un article qu’une connaissance m’a envoyé et qui prouve à suffisance qu’en Israël même il est des personnes qui osent prendre la parole pour dénoncer ce qui se passe, tout en ayant la clairvoyance de dire que du côté palestinien tout n’est pas très clair non plus dans la politique qui est menée.

"Israël a manqué un rendez-vous avec l’histoire"

Ce qui est fascinant, c’est que je retrouve dans cet article beaucoup de points qui ont été soulevés ici. La différence, c’est que c’est un Israélien qui le dit et cela fait plaisir. Tout espoir n’est peut-être pas perdu.

Uri Avnery est né en Allemagne en 1923. Ecrivain et journaliste, il est membre de la Knesset.
Sa famille fuyant Hitler, est arrivée en Palestine en 1933 (tiens, tiens). A quatorze ans il est membre de l’Irgoun de Menahem Begin et combat les Britanniques. Il quitte cette organisation dès 1941, car il se rebelle contre ses positions anti-arabe et anti-sociale. Il fera la guerre de 1948 comme soldat, puis devient journaliste. Il quitte le quotidien Haaretz, estimant qu’on ne le laissait pas parler à sa guise de l’expropriation des terres appartenant aux Arabes. Il rachète alors l'hebdomadaire israélien Haolam Hazeh, journal qui critiquera l’opération militaire de Sharon contre le village de Qibya, ce qui vaudra à Uri Avnery un passage à tabac par des militaires ayant participé à l’opération. Plus tard, c’est un attentant à la bombe qui vise le siège du journal suite à un article contre le maire de Haïfa.

En 1965, il est de ceux qui fondent le parti Haolam-Hazeh et il deviendra député à la Knesset . En 1982, il va rencontrer Arafat au Liban. En 1933, il fonde le « Bloc de la paix ». (Gush Shalom en hébreu). C’est un mouvement israélien, fort à gauche, qui milite pour la paix et en vue de la création d'un Etat palestinien (un peu comme Shalom Archav)


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24/08/2008

De la résistance passive

Dans les commentaires de la note précédente, notre ami Bertrand Redonnet nous disait que pour lui « Une révolution commence quand les fusils se taisent. »

Il n’a peut-être pas tort. Voici un exemple qui voudrait illustrer son propos.

J’ai souvent parlé ici du conflit israélo-palestinien. Par nature, je me suis toujours placé du côté du plus faible, en l’occurrence du côté où n’étaient pas les tanks. L’Etat israélien est entré dans une spirale de violence dont il ne sortira jamais s’il ne fait pas des concessions. Chaque fois qu’un accord est trouvé (accord ô combien fragile), il est aussitôt ruiné par une nouvelle politique de colonisation. Délibérément, on grignote encore un peu plus le petit morceau de terre qui avait été laissé aux Palestiniens, ce qui amène immanquablement quelques extrémistes à lancer une roquette ou à commettre des attentats suicides. Parfois, les faits se passent dans l’ordre inverse et ce sont les Palestiniens qui commencent, mais cela revient au même : la paix est menacée, la colonisation poursuivie et la honte et la colère devant l’oppression grondent.

Car il se passe tout de même la-bas des choses anormales. Les uns se sentent en permanence menacés par un attentat potentiel et les autres sont perpétuellement victimes de brimades dans leur vie quotidienne. Or ce sont ces brimades répétées qui font qu’un individu se renferme, développe de la haine et finit par décider de riposter.

Nous avons parlé du poète Mahmoud Darwich qui n’a pu être enterré dans son village, village détruit en 1948 déjà. Cette situation est fréquente. J’ai connu un prêtre catholique (ayant de bonnes fréquentations) qui avait fait un voyage en Israël pour y rencontrer les Chrétiens arabes (les descendants, donc, de la première christianisation). Ils sont deux fois minoritaires, évidemment : comme Arabes ayant la nationalité israélienne et comme Arabes non musulmans. Leurs villages furent confisqués (ils ont été expulsés de leurs maisons) ainsi que leurs terres les plus fertiles (on leur a laissé quelques arpents caillouteux) afin de construire un village israélien. Leurs maisons furent donc temporairement occupées, puis, quand le nouveau village fut construit, ils purent racheter leur propre maison. Malgré une telle injustice, c’est ce qu’ils ont fait pour pouvoir rester.

Entre-temps, les champs d’oliviers avaient été systématiquement coupés, afin de les inciter à partir.

Ils sont quand même restés.

Privés de leurs champs, ils sont allés chercher du travail en ville, mais la ville n’est accessible que quand l’armée les laisse passer.

Néanmoins, ils sont quand même restés.

Maintenant, à ce qu’on dit, le mur avance vers leur village, et ce qui reste des champs risque de se trouver du mauvais côté.

Mais ils vont quand même rester.

Quand on en arrive à une telle situation, rien d’étonnant à ce que la haine réponde à la haine.

Mais j’en reviens à mon propos du jour sur la révolution sans fusil.

Car il faut être juste. De même que le peuple américain n’approuve pas tout ce que fait celui qu’elle a pourtant élu, de même que tous les Français n’applaudissent pas à notre présence militaire en Afghanistan (même si un grand homme d’état en a ainsi décidé pour eux), en Israël aussi des personnes se lèvent contre les traitements inhumains que leur état fait subir aux Palestiniens. Car à force de ne parler que des exactions de cet état, on finirait par s’imaginer que sa politique est approuvée par cent pour cent de sa population. Or, c’est loin d’être le cas.

Ainsi, je découvrais hier l’histoire de cette femme de soixante-douze ans, qui a pour nom Hanna Barag. Elle consacre sa retraite à dénoncer les exactions des soldats de son pays aux postes frontières et à tenter de venir en aide aux Palestiniens qui restent bloqués aux fameux « Check Points » Les jeunes, dit-elle, ne veulent rien savoir de ce qui se passe de l’autre côté du mur. Cela ne les intéresse pas de connaître le comportement de nos soldats. Moi si. Ils sont payés avec mes impôts et il s’agit de notre futur à tous. Or, ces contrôles militaires la remplissent de honte car sous prétexte d’assurer la sécurité, ils permettent en fait de miner le développement économique des Palestiniens en les empêchant de travailler un jour sur deux. De plus, cela limite fortement l’arrivé de l’aide humanitaire.

Barag est une Juive d’origine allemande. Quelques membres de sa famille avaient péri à Auschwitz, mais la plupart avaient fui en Palestine. Elle-même naquit en Israël, où elle connut une autre menace : les attaques palestiniennes.

A huit heures du matin, on la retrouve devant le poste qui contrôle l’entrée de Naplouse. Là, des hommes, des femmes et des enfants font la file. Les soldats doivent vérifier leurs papiers et décider s’ils vont les laisser passer. Ceux qui ont reçu le feu vert, ressortent du contrôle à moitié déshabillés et la figure rouge de honte. Barag, elle, note tout dans un carnet. C’est qu’il y a à écrire sur ces postes douaniers, qui sont devenus des microcosmes avec leur vie propre. Les délais d’attente sont si longs, certains jours, que les gens dorment par terre sur des cartons, sans quitter la file ou que des femmes accouchent sur place, sans aide médicale aucune. Des amitiés se lient, des conflits éclatent. Bref, c’est la vie et chacun se demande s’il arrivera à temps à son travail.

Parfois, un officier vient menacer Barag. Il lui dit qu’il va appeler la police. Mais elle, qui connaît les règlements à fond, sait très bien à quel endroit elle peut être et à quel endroit elle ne peut pas. Elle ne craint pas les soldats et ne les écoute pas quand ils lui crient qu’elle ferait mieux de retourner à ses casseroles.

Elle, elle reste là.

A la fin, les officiels ont fini par la connaître, ce qui lui permet, de temps à autre, d’intervenir pour demander une faveur ou transmettre une plainte. Quand une centaine de Palestiniens qui se rendent à une noce restent bloqués, c’est elle qui intervient, souvent avec succès (surtout si les futurs époux font eux aussi partie du lot). Parfois il s’agit d’aller accoucher dans un hôpital ou encore de venir mourir dans sa maison.

Petit à petit, les soldats de garde se sont mis à l’écouter. Du haut de son grand âge, elle leur parle comme elle le ferait avec ses petits enfants, leur expliquant qu’il y a des choses qu’on ne fait pas, par respect pour les personnes humaines qu’ils ont en face d’eux.

Notons qu’elle n’est pas la seule à agir de la sorte. L’organisation « MachsomWatch » comporte environ cinq cents membres, des femmes surtout, d’un certain âge et de bons milieux (classes moyennes, universitaires, professeurs, chimistes, doctoresses…). Leur but est de vivre mieux dans un pays plus agréable. Et quand on dit à Barag qu’elle est une dangereuse gauchiste elle éclate de rire car elle se considère comme une véritable sioniste, mais une sioniste qui veut un pays juste, en accord avec la foi judaïque.

Comme quoi, tout espoir n’est pas perdu, même si la situation se présente assez mal. Ce sont des personnes comme cela qui parviendront peut-être à faire changer les consciences et donc, in fine, a modifier les comportements.