10/12/2016
La maison des souvenirs
Il suffit de caresser la mousse qui recouvre le vieux tronc pour entendre le murmure de la forêt. C’est une musique douce à mes oreilles, celle qui déjà emplissait le monde de mon enfance.
Cet arbre-ci, je l’ai toujours connu, lui dont les branches s’agitaient près de la fenêtre de ma chambre. Parfois, les nuits de grand vent, elles venaient se frotter contre les vitres en caresses étranges et troublantes. Alors je fermais les yeux et m’endormais rassuré, bercé par ce doux va-et-vient monotone et entêtant.
Aujourd’hui, la maison est en ruine, plus personne ne l’habite. Inutile d’entrer, je connais chaque recoin par cœur. Des marches glissantes de schiste bleu descendent vers la cave au sol de terre battue. Il règne là une odeur de mort que seuls supportent les rats, terribles mangeurs de récoltes. Dans la cuisine, la grande cheminée attend les brassées de bois pour des feux imaginaires que plus personne n’allumera. Autour de la table maintenant vermoulue, l’ombre de mes frères et sœurs doit continuer à hanter ces lieux, fantômes éternels qui errent au fond de ma mémoire. Le vieil escalier de bois grince-t-il encore quand on monte vers les chambres d’un pas hésitant, sachant qu’on va bientôt basculer dans le monde irrémédiable des rêves ? Le grenier est sans doute resté désert. Seul un grand drap blanc qu’on avait mis là à sécher se balance-t-il encore doucement, car la vitre de la tabatière est brisée. C’est par là que pénétraient les oiseaux de la nuit, dont on entendait les pas incertains sur le vieux plancher.
Cette maison est remplie de légendes, de souvenirs et d’histoires incroyables.
A l’extérieur, le long du mur, une plante étrange s’est mise à pousser. Ces fleurs sont rouges comme le sang. Ce sang qui coula ici, à la fin de la guerre, quand les ennemis qui se repliaient voulurent laisser une trace de leur passage.
Je descends vers la rivière, laissant à ma droite le cimetière aux souvenirs. Je ferme les yeux. Du fond de mes rêves perdus, j’entends le murmure de ceux qui se sont tus. Ce ne sont que les arbres de la forêt qui bruissent sous le vent du passé.
02:19 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
Commentaires
Écrit par : Laure Hadrien | 10/12/2016
Écrit par : Feuilly | 10/12/2016
Écrit par : Laure Hadrien | 10/12/2016
¸¸.•*¨*• ☆
Écrit par : celestine | 10/12/2016
@ Laure : non, je ne suis pas quelqu'un de triste, je ne crois pas en tout cas. Mais bon, j'ai toujours de la vie une vision assez tragique, ne serait-ce que parce qu'elle a une fin.
Écrit par : Feuilly | 11/12/2016
En octobre j'ai écrit un poème qui s'appelle aussi " La maison des souvenirs".
Je viens de le publier sur mon site ;-)
Écrit par : Pâques | 11/12/2016
Écrit par : Edmée De Xhavée | 11/12/2016
Et le mot "tabatière" sera toujours plein d'échos...
http://feuilly.hautetfort.com/apps/search/?s=tabati%C3%A8re
Écrit par : Michèle | 11/12/2016
J'ai tendance à croire que la mémoire sélective n'existe pas, que la théorie freudienne, selon laquelle l'esprit est capable de réprimer certains souvenirs, ne tient pas. ''Il suffit de caresser la mousse qui recouvre le vieux tronc pour entendre le murmure de la forêt''.
Écrit par : Halagu | 12/12/2016
@ Edmée :oui, tu connais mon optimisme légendaire :))
@ Michèle : j'avais pensé à toi en écrivant ce mot "tabatière" :))
@ Halagu : oui, il existe un fond de souvenirs qui est parfois occulté mais jamais oublié car il est en nous, au plus profond.
Écrit par : Feuilly | 14/12/2016
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