31/08/2016
Le port
Il y avait là des voiliers, de grands voiliers revenant de nulle part.
Il y avait la mer, qui rongeait les pierres grises du port et puis surtout il y avait des dizaines de marins, attablés dans les petits cafés aux toits d’ardoise.
Et ça riait et ça criait fort, bien plus fort que le bruit des vagues qui tout à côté déferlaient sur la plage de galets.
Parfois une bagarre éclatait, pour quelques sous perdus au jeu, pour une femme éperdue, ou même pour rien, si ce n’était le plaisir de se battre.
Dans l’ombre du soir, on voyait briller la lame des couteaux et quand le sang coulait sur les pavés noirs, jamais personne ne serait allé dénoncer le coupable. C’est qu’ils étaient tous frères de la mer et du vent et qu’il y avait plus de vingt ans qu’ils voyageaient ensemble, de Dunkerque à Agadir et de Monrovia à Dar es Salam.
Ils étaient les enfants de la mer et si l’un d’entre eux disparaissait, jamais ils ne versaient une larme. Pourtant, quand un goéland venait se poser au bout du ponton, ils lui souriaient comme à un ami, saluant en lui son désir de voyage et de liberté.
Partir, voilà ce qui comptait, peu importe où et comment, finalement.
Partir, quitter le triste aujourd’hui et découvrir un ailleurs.
Dans le port, les attendaient les voiliers, les grands voiliers en partance pour nulle part.
10:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
26/08/2016
François Bon, une vidéo...
00:23 | Lien permanent | Commentaires (4)
13/08/2016
Fin de partie
Je vous écris du bout du monde.
Je vous écris d’un pays qui n’existe pas, qui n’a jamais existé.
Ici, c’est la nature à l’état pur. Il n’y a pas de routes, à peine des sentiers, qui serpentent à travers la forêt profonde et que l’on suit comme on peut, malgré les moustiques et la chaleur accablante.
Quand on a bien marché, pendant six ou sept jours, on débouche au-dessus d’une grande falaise et alors devant vous s’étend la mer, la mer immense, à l’infini.
En contrebas, il y a des rochers qui s’avancent dans l’eau et qui finissent par disparaître au milieu de l’écume banche et rageuse.
Au-delà, il n’y a plus rien. Rien que l’océan, dont on entend la rumeur éternelle, seule musique de cette terre inhabitée.
Parfois, un goéland vient vous frôler, lançant un cri strident. On se souvient alors qu’on est seul, incroyablement seul. Personne autour de vous, rien que l’immense forêt dans votre dos et devant vous cette masse liquide qui s’agite et qui vous attend.
Je vous écris du bout du monde, d’un endroit au-delà duquel il n’y a plus rien. Rien que la falaise abrupte et le remous des vagues qui n’en finissent plus de se briser.
00:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature