31/08/2016
Le port
Il y avait là des voiliers, de grands voiliers revenant de nulle part.
Il y avait la mer, qui rongeait les pierres grises du port et puis surtout il y avait des dizaines de marins, attablés dans les petits cafés aux toits d’ardoise.
Et ça riait et ça criait fort, bien plus fort que le bruit des vagues qui tout à côté déferlaient sur la plage de galets.
Parfois une bagarre éclatait, pour quelques sous perdus au jeu, pour une femme éperdue, ou même pour rien, si ce n’était le plaisir de se battre.
Dans l’ombre du soir, on voyait briller la lame des couteaux et quand le sang coulait sur les pavés noirs, jamais personne ne serait allé dénoncer le coupable. C’est qu’ils étaient tous frères de la mer et du vent et qu’il y avait plus de vingt ans qu’ils voyageaient ensemble, de Dunkerque à Agadir et de Monrovia à Dar es Salam.
Ils étaient les enfants de la mer et si l’un d’entre eux disparaissait, jamais ils ne versaient une larme. Pourtant, quand un goéland venait se poser au bout du ponton, ils lui souriaient comme à un ami, saluant en lui son désir de voyage et de liberté.
Partir, voilà ce qui comptait, peu importe où et comment, finalement.
Partir, quitter le triste aujourd’hui et découvrir un ailleurs.
Dans le port, les attendaient les voiliers, les grands voiliers en partance pour nulle part.
10:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : littérature
Commentaires
Qu'est-ce que j'aime ce texte...J'adore la mer et particulièrement les voiliers.
merci cher ami pour ces mots très poétiques
¸¸.•*¨*• ☆
Écrit par : celestine | 31/08/2016
@ Célestine : "la mer, la mer, toujours recommencée..." comme disait Valéry. On ne s'en lasse jamais, en effet. Elle symbolise à la fois l'origine du monde (un souvenir utérin ?) et tous les possibles.
Écrit par : Feuilly | 31/08/2016
Écoute cette chanson... Elle illustre bien ton texte.
Je suis fou de la voix de Marc Robine, c'était un grand mec.
https://www.youtube.com/watch?v=BFTeYQ3_Bp4
Écrit par : bertrand | 01/09/2016
Superbe, en effet. Et c'est vrai qu'il a une voix extraordinaire.
Écrit par : Feuilly | 01/09/2016
Ton texte comme un tableau de la vie étrange de ces marins, qui "reviennent de loin", qui se sont détachés d'une ligne d'horizon où la mer touchait au ciel :)
Pour la chanson de Marc Robine, pas pu l'écouter. "You tube" marche une fois sur deux...
Écrit par : Michèle | 04/09/2016
J'ai écouté. Oui c'est ça, un monde à eux, différent du nôtre, les terriens . Et à écouter Marc Robine , l'émotion qui déferle telle les vagues.
Écrit par : Michèle | 05/09/2016
J'irais bien la revoir la mer, tiens, du côté d'Audresselles, qui va particulièrement bien avec ton texte (lieu de la pêche au flobart..............)
Écrit par : Pivoine | 08/09/2016
@ Michèle : oui, elle est très belle cette chanson.
@ Pivoine : ah la mer, on ne s'en lasse jamais.
Écrit par : Feuilly | 09/09/2016
Pas seulement la chanson, ton texte aussi. Il crée plein d'images, à chaque lecteur les siennes. Je pourrais peindre ce que je vois :)
Et curieusement ton texte m'a donné envie de revenir sur le texte de Jean Genet "Querelle de Brest ".
Écrit par : Michèle | 09/09/2016
Marrant, un lecteur de mon recueil de poèmes "Le temps de l'errance", par ailleurs peintre et aquarelliste, me disait la même chose : mes textes lui donnaient envie de reprendre le pinceau car il "voyait" ce qu'il lisait.
Écrit par : Feuilly | 09/09/2016
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