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02/09/2015

Jeanne R. "A l'ombre des désirs"

Jeanne R. est le nom d'auteure d'une dame lyonnaise publiée chez Chloé des Lys (qui, pour rappel, est aussi mon éditeur). Elle m'avait fait l'honneur de lire mon roman "Obscurité" et en avait donné une critique que j'avais appréciée. Je ne pouvais faire moins que de lire son propre livre, un peu embêté, cependant, à l'idée de rentrer dans un système de copinage. En effet, l'avantage des blogues, c'est qu'ils sont souvent plus honnêtes que la presse officielle (y compris les pages littéraires) et je n'aurais pas voulu déroger à cette règle. Heureusement, je n'ai pas eu à me forcer. Son livre m'a plu d'emblée et c'est donc sans me sentir obligé que j'ai rédigé les quelques lignes qui suivent, que Jeanne R lira ou pas, selon qu'elle fréquente ou non ce site.

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En-dessous du titre, l’auteur annonce d’emblée la couleur en précisant que son livre est un « récit romanesque ». Comme le souligne bien le professeur d’université qui a rédigé la préface, la distinction a son importance car on ne trouvera pas dans ce récit  une succession chronologique et logique des faits. Cela ne veut pas dire non plus qu’il ne se passe rien, bien au contraire, mais disons que les faits ont moins d’importance que le cheminement intérieur de l’héroïne (Louise) qui se pose pas mal de questions. Car le centre de ce livre est là : une suite de questionnements sur la vie, la mort, le hasard et surtout l’amour. Qu’est-ce que vivre, en effet ? Là où Sartre disait que l’existence précède l’essence, Jeanne R. nous dit plutôt qu’on ne vit pas sans aimer et que sans grand amour la vie ne mériterait sans doute pas d’être vécue. Mais ce postulat engendre à son tour d’autres questions : ne peut-on aimer qu’un seul être ? Est-on infidèle si on aime deux hommes à la fois ? Pas forcément, si ce que l’on donne au second n’enlève rien au premier. L’héroïne tâtonne, hésite, puis trouve que son accomplissement personnel passe par cette voie, que la morale chrétienne réprouverait sans doute, mais qui lui permet de poursuivre son chemin et de profiter pleinement de la vie. On ne trouvera cependant pas ici d’épicurisme de bas étage. Ce n’est pas le plaisir pour le plaisir qui est recherché, mais celui-ci doit être compris comme l’aboutissement de l’amour et donc comme la concrétisation de cet amour. Or cet amour éclaire sa vie de femme et sa vie tout court. Elle se donne donc le droit de s’y abandonner au nom de sa morale personnelle (mais en prenant bien soin, toujours, de ne pas blesser le premier homme, ce compagnon avec qui elle vit par intermittence et qu’elle adore lui aussi. En effet, « plurielle dans ses amours (…) elle était foncièrement fidèle »). 

 

Comme elle est de nature questionneuse, Louise poursuit sa réflexion : si je suis heureuse dans les bras d’un homme, est-ce à dire que mon bonheur dépend d’autrui ? Elle prend du coup conscience de la fragilité de l’équilibre atteint et quand son amant se montrera soudainement moins présent (soit par manque de temps, soit parce qu’il se pose des questions lui aussi sur la pertinence de cette relation extra-conjugale), elle se mettra à souffrir. Elle a besoin de lui mais sent qu’il s’éloigne. Comment faire pour le faire revenir ? Impossible de lui ordonner de l’aimer. Ne rien faire, le laisser partir, c’est faire son propre malheur. Alors, subtilement, elle parlera du « nous » que constituait le couple d’amants et dira à l’être aimé combien ce « nous » était important pour elle et sans doute pour lui aussi. Il reviendra, attiré irrésistiblement par cette Louise peu commune, qui n’arrête pas de se poser mille questions, mais qui ne pourrait pas vivre sans se les poser. Mais que faire quand une question ne trouve pas de réponse ou que la réponse provisoirement trouvée est remise en doute le lendemain ? Peu importe, finalement, car vivre, c’est s’interroger sans fin. Et toujours, l’amour reste la meilleure grille de lecture pour définir sa propre vie. « Jusqu’où puis-je aller sans me perdre quand je suis amoureuse ? » se demande cependant l’héroïne. Car aimer, c’est se donner complètement à l’autre et donc se perdre soi-même. Or sans amour la vie n’a pas de sens. Curieux paradoxe, donc.

Notons que notre Louise est une artiste peintre et qu’elle cherche par ses toiles à capter (ou même à capturer) la beauté du monde. Là aussi, il s’agit donc d’une recherche d’équilibre, car son pinceau en main, elle tourne le dos au côté sordide de la vie pour n’en conserver que la quintessence absolue, la beauté première, celle qui nous fonde. C’est pour cela aussi qu’elle a besoin de l’amour des hommes, pour trouver cet équilibre existentiel qui lui permet d’avoir ensuite un regard positif sur ce monde qui l’entoure et qu’elle semble parfois seule à voir. Privilège des artistes s’il en est. Ou privilège d’une femme amoureuse, tout simplement.  

Ce livre qui traite si bien de l’amour devrait plaire d’office à toutes les femmes. Quant aux hommes qui aimeraient être aimés (ce qui fait déjà pas mal de monde), il ne les laissera pas indifférents. Personnellement, j’ai adoré, sans compter que l’écriture est limpide et agréable à lire.

 

Littérature

16:30 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature

Commentaires

Cher Jean-François,
Je vous remercie pour cet article commentant mon roman, publié chez CDL.

Si vous désirez plus de renseignements sur mes ouvrages, je vous laisse consulter le lien suivant :

http://jeannerromanciere.hautetfort.com/

Bien à vous toujours,
Jeanne R.

Écrit par : Jeanne R. | 02/09/2015

Hé, hé, chère Jeanne, il suffisait de cliquer sur votre nom en début d'article pour tomber d'emblée sur votre site. :))

Écrit par : Feuilly | 02/09/2015

Ah... Vivre deux relations à la fois en en cachant une à son conjoint ou son compagnon principal, c'est ce qu'on peut appeler communément "tromper". L'avouer et que la situation persiste (ce qui à mon avis est rare) c'est être infidèle. Que l'amant s'éloigne n'a rien d'étonnant, que de complications ! La seule solution, celle qui me paraît la plus directe, c'est de larguer l'amant (on finit toujours par cesser de l'aimer et par se rendre compte qu'il n'en valait pas la peine - surtout si l'on n'était pas la première).

L'avouer et que tout s'écroule c'est une possibilité aussi.

Pouvoir l'écrire est une chance, si c'est en partie autobiographique, car il y a quand même des personnes concernées et que ressentent-elles quand tout cela est publié (sauf si l'anonymat est bien protégé?)

Oui, les hommes qui ont une femme à leur dévotion ont bien de la chance (peut-être sont-ils rares) peut-être que cette dévotion est lourde à porter aussi (est-ce que j'aimerais cela, est-ce que je supporterais cela? "Je" = "On")

Écrit par : Pivoine | 06/09/2015

Je crois aussi que si on est amoureuse de quelqu'un, on n'est plus amoureux de son compagnon principal ou en tout cas, on est frustré, je ne sais en quel endroit, mais une perspective s'ouvre qui enthousiasme, peut enivrer, puis peut s'écrouler... Cela a l'air pas mal, en effet...

Écrit par : Pivoine | 06/09/2015

Graves questions que tu poses, là, Pivoine.

Qu'est-ce que tromper ? A partir de quand commence-t-on à tromper (en pensées, en actes...). Pourquoi chercher ailleurs si on a tout chez soi ? Mais peut-être qu'on n'a pas tout. Dans ce cas ne vaut-il pas mieux tout dire et partir ? Mais le peut-on toujours (enfants, conjoint fragile) ? Et si on le peut, n'est-ce pas égoïste ? Et puis si on quitte un conjoint pour quelqu'un d'autre, cette nouvelle relation va-t-elle perdurer ? L'ancienne relation n'est-elle pas encore trop présente pour pouvoir en entamer une nouvelle sereinement ?

Et si on ne rompt pas, que doit penser l'amant(e) ? L'aime-t-on pour lui/elle ou pour oublier un mariage qui s'enlise. Le mariage est-il compatible avec le grand amour ? L'habitude et le quotidien ne viennent-ils pas à bout de tout ?

Ecrire sur cela, si c'est autobiographique (mais ce n'est pas à moi à répondre dans le cas présent) doit soulager (catharsis) mais est en effet risqué. Ou alors tout est imaginaire, qui sait ? :))

Écrit par : Feuilly | 06/09/2015

Exact Fleury, je vous lis comme je peux tellement de projets en cours...
Et cela va peut être vous surprendre de moins en moins dans l'ombre comme une chanson de Jacques Brel
belle journée pour vous

Écrit par : george | 08/09/2015

Après vous avoir lu ici, tous les deux, je me permets une précision concernant mon roman, une précision à méditer peut-être...
Dans mon "récit" romanesque "A l'ombre des désirs" où les sentiments, la Vie, la Mort, sont les ingrédients qui nourrissent la trame, il est à se demander si au final pour "Louise" l'amour du questionnement n'est pas plus fort voire plus important que l'amour même puisque cette héroïne singulière, au cœur pluriel, se refuse aux liens, comme ceux du mariage ?!

D'autre part, comme il est expliqué en détail dans la préface de ce roman-là (préface écrite par l'universitaire Reinier Lops), l'appellation "Récit" s'explique juste par le procédé ou par la construction dudit texte, lequel n'a rien autobiographique donc ; et c'est d'autant plus vrai que dans mon ombre, il y a mon mari.
Bien à vous deux,
Jeanne R.

Écrit par : Jeanne R. | 20/09/2015

Hé, hé, merci pour ces précisions :))

Écrit par : Feuilly | 20/09/2015

Oui, merci, je les ai lues avec intérêt, en fait, le sujet en lui-même m'avait intéressée, et je pense que je m'étais éloignée de la critique de Feuilly pour penser à cette grave question pleine de questions.

Écrit par : Pivoine | 22/09/2015

Les commentaires sont fermés.