Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/05/2015

Hasard ou prédestination ?

Qu’est-ce que le hasard ? Qu’est-ce qui fait que tel événement se produit ou ne se produit pas ? Pourquoi se produit-il ? Aurait-il pu ne pas se produire ? Existe-t-il une cause supérieure qui déterminerait ce hasard ou bien est-il le fruit de la contingence, de l’arbitraire ? Certains esprits religieux voient la main de Dieu dans tous les événements qui se produisent. S’ils sont bons, c’est la preuve que Dieu est bon.  S’ils sont mauvais, c’est la preuve que la divinité punit l’homme pour ses mauvaises actions.

Je me souviens d’un auteur du XVIIIème siècle (lequel ?) qui voyait la main de Dieu dans le fait que le printemps était à la fois doux et humide, ce qui permettait à nos légumes de pousser. Manifestement cet auteur inversait la cause et ses effets. C’est parce que notre climat est comme il est que certains types de plantes poussent dans nos contrées. Si notre climat devenait saharien, nos plantes disparaitraient au profit d’autres, mieux adaptées aux fortes chaleurs.

Les anciens Grecs, eux, imaginaient que les dieux avec les mêmes passions que les hommes (les amours de Zeus…). Ils intervenaient dans les affaires des hommes (voyez la guerre de Troie), soit en les aidant, soit en les aveuglant. Leurs caprices représentent donc bien le hasard de la vie, qui tantôt nous sourit, tantôt nous anéantit. L’homme doit donc se méfier des dieux et essayer de se les rendre favorables. Mais il ne doit compter que sur lui-même pour progresser. Par son courage et sa ténacité, il doit aller de l’avant et forcer le destin à lui être favorable. Pourtant, s’il va trop loin, s’il est trop orgueilleux (Hybris /ὕϐρις), s’il ne garde pas le sens de la mesure, s’il se montre arrogant, les dieux se chargeront de le faire tomber. La vie repose donc sur un fragile équilibre : il faut aller de l’avant, mais ne pas exagérer.

Pour les Grecs comme pour les Chrétiens, il n’y a donc pas vraiment de hasard. Tout semble lié à notre conduite et la divinité n’est jamais loin pour nous punir.

Nous qui au XXIème siècle sommes bien peu religieux, comment expliquons-nous les événements qui nous arrivent ? Pourquoi tel événement se produit-il ? Certes, je peux toujours expliquer les différentes causes qui en cascade ont amené cet événement (un accident par exemple) mais qu’en est-il de la cause ultime ? A mon avis, il n’y en a pas. Certes, si j’étais parti plus tôt ou plus tard, si une vieille dame n’avait pas traversé à tel moment, ou si le feu était passé au rouge, je n’aurais pas eu d’accident au prochain virage. Mais il est difficile d’imaginer que cela soit voulu. Tout est donc lié au hasard. Il y avait des milliers de probabilités pour que cet accident ne se produise pas et une seule pour qu’il se produise. On est là dans une réflexion qui nous rapproche de la physique quantique. Mais comment accepter que le hasard détermine notre vie ? Certes par mes actions je peux tenter de limiter les risques (en ne fumant pas, en ne conduisant pas trop vite, etc.) mais cela ne me donne pas encore une assurance absolue. Il me faut donc bien accepter de vivre dangereusement et savoir que je peux mourir dans une seconde en passant le coin de la rue.     

Et qu’est-ce qui détermine une rencontre ? J’aurais pu ne pas être dans tel endroit quand telle personne y est venue.  Evidemment, si je reste calfeutré chez moi, je limite les possibilités de rencontres. Mais si je croise telle personne, il faut encore que je prenne l’initiative de l’aborder, ou que les circonstances s’y prêtent. Il faut être ouvert, réceptif. J’ai donc une part de responsabilité dans ma réussite ou mon échec. Il n’empêche que cette rencontre dont nous parlons reste hypothétique et que je suis incapable d’en gérer tous les paramètres pour qu’elle se produise.

Qu’est-ce donc que le hasard ? L’art de saisir les opportunités qui se présentent sans doute. Mais qu’en est-il des événements négatifs ? Les ai-je cherchés, eux aussi ? Ou ne les ai-je pas suffisamment évités ? Quelle est ma part de responsabilité réelle ? D’une manière générale, on pourrait d’ailleurs se demander jusqu’à quel point nous gérons notre vie. Ou est ma liberté, où est mon libre arbitre ? Ne suis-je pas prédéterminé par mon caractère à accomplir telle action plutôt que telle autre (selon que je suis timide, fonceur, aventureux, etc.) ? L’époque dans laquelle je vis n’a-t-elle pas son rôle à jouer  (la liberté de la femme n’est pas la même au XVIème ou au XXIème siècle) ? Le lieu n’-t-il pas lui aussi une influence (selon que je nais à Paris dans une famille aisée ou à Bombay sur un trottoir) ?

Qui suis-je finalement, si je ne suis que le fruit de tous ces hasards ?

 


23:35 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : hasard

Commentaires

L'homme est seul dans l'immensité de l'univers, dans lequel il est apparu par hasard :)
L'étude du hasard ne va pas sans celle de la nécessité, surtout quand la nécessité a une certaine régularité ou une probabilité statistique :)

Écrit par : Michèle | 19/05/2015

@ Michèle : le hasard, assurément. La vie sur terre peut disparaître demain (une comète, un changement d'orbite, une inversion des pôles magnétiques, ce qui pendant quelque temps nous rendrait vulnérables aux radiations solaires, etc.) Mais pourtant la vie semble si forte à toujours se recréer qu'on reste perplexe. D'un autre côté, en voyant derrière tout cela une sorte de prédestination, un but poursuivi, on raisonne comme mon écrivain du XVIIème, qui voyait la main de Dieu dans le fait que ses salades poussaient.

La question est : faut-il voir pour l'ensemble le même hasard que pour les faits particuliers ? On comprend les circonstances fortuites qui en cascade ont provoqué un accident de voiture. Mais au niveau de l'univers ? Si tout est hasard, on retombe dans le vide pascalien et on se rend compte de notre nullité. C'est nous, en tant qu'individus, qui raisonnons et qui voulons voir des nécessités ou il n'y en a sans doute pas.

N'oublions pas non plus que la nature a misé sur la pérennité de l’espèce et pas sur celle des individus. Elle tente l’immortalité (et n’y arrive d’ailleurs pas puisque des espèces disparaissent) au détriment des individus, qui eux meurent (nos cellules sont programmées pour vieillir). Et c’est là qu’est le drame. Mourir reste inacceptable à notre niveau. Disparaître pour l’espèce ? Mais celle-ci aussi disparaîtra un jour, quand certaines conditions ne seront plus présentes. Alors quel était le sens de tout cela ? Aucun. Nous sommes issus du hasard et nous y retournerons, bref éclair d’intelligence dans le néant et les ténèbres de l’espace.

Écrit par : Feuilly | 19/05/2015

Je copie colle ci-dessous une réponse faite à un ami lors d'une correspondance sur le sujet alentour des synchronicités, du hasard, à propos duquel Philippe Labro a écrit récemment un roman :

Oui, c'est vrai, mon ami. Cela me rappelle à l'écrivain Philippe Labro.
Philippe Labro (qui a tout fait dans sa vie : journaliste, présentateur/JT quand il n'y avait pas encore de prompteur, scénariste, écrivain, parolier (40 tubes!), homme de radio (souviens-toi de sa voix dans ses chroniques), cinéaste, aventurier, et surtout conteur merveilleux ...) a donné ce titre à son livre en référence à une phrase de Einstein.
Le thème central de son livre tourne autour des transits de la vie, les synchronicités, la question de savoir si Dieu intervient (j'y crois pas) ou la chance, le hasard (qui vient du mot arabe "azar" désignant un jeu de dés) ou quelque force inconsciente dans les rencontres, les destins, les prémonitions etc.
Le pt'it Albert (Einstein) pensait en gros :
" Tout est prédéterminé par des forces que nous ne contrôlons pas, ceci est aussi vrai pour l'insecte que pour l'étoile, les hommes, les légumes, la poussière cosmique, nous dansons tous au son d'une musique mystérieuse, jouée "à distance" par un flûtiste invisible".
Labro dit qu'il s'agit d'une des plus belles phrases qu'il a lues de sa vie, et, en la lisant, il a pensé : "J'ai le titre de mon livre". Effectivement, ajoute-t-il, si on croit en Dieu, le flûtiste c'est lui, si on n'y croit pas, on appelle cela le hasard, la chance, la fortune, on cherche des "mots" pour légitimer, essayer de rationaliser ce qui n'est PAS rationnel, mais qui, à un moment donné, ou un autre, de nos vies à nous tous, nous transmet quelque chose à vivre qui a été prédéterminé. Et on s'en aperçoit longtemps après : pourquoi étais-je assis à cette table et avais-je en face telle personne, pour ensuite m’approcher d'elle, et que quelque chose a démarré (comme les thèmes de Lelouch, nombreux écrivains et romanciers, auteurs de pièces de théâtre (j'en suis...), beaucoup d'artistes etc., pourquoi, quand j'ai grimpé comme passager sur la moto de mon ami en quittant la fac de médecine où j'étudiais, cela a tenu à un millième de seconde près, pourquoi donc ai-je eu, quelques minutes après, cet accident de moto qui a changé le cours de ma vie (Ma fille Manon n’existerait pas puisque toute ma vie aurait été autre, mais d'autres choses se seraient produites aussi ... j'aurais influencé sur d'autres vies, mais n'aurais pas influencé celles que j'ai de fait influencées après l'accident pendant des années etc. )? Et, pour cet accident, la moto a percuté une ambulance qui brûlait un feu rouge sans avoir marqué un instant d’arrêt légal et obligatoire : elle allait chercher un ado qui s’était blessé en récréation. Si l’ado ne s’était pas blessé ? Si l’ambulance avait marqué le temps d’arrêt ? Si, si , si, …
Nous sommes tous, il me semble, soit convaincus de l'existence effective d'une puissance obscure que l'on appelle Dieu parce que "c'est pratique, il a fallu inventer ce nom, dixit Georges Semprun, parce que de fait cela rassure, cela protège ", soit nous croyons (c'est mon cas) qu'il s'agit tout simplement de « synchronismes », « syncrétismes », de conjonctions inattendues, et, avec le recul, on dit l'adage courant :
" Ca devait arriver, ou lui ou leur ou m’arriver ! Pourquoi ? C’est forcé … euh …"
Nous n'avons pas la réponse. Et Labro l'écrit, " ... Je n'ai pas la réponse, mais ce qui est intéressant est de « raconter » comment cela arrive, au travers de récits. ". Il le fait par le biais de trois "histoires", trois rencontres, dans ce dernier livre "Le Flûtiste Invisible". Voilà. Tu sais. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais j'arrête ici. A bientôt, Jean-Louis

Écrit par : Gillessen | 19/05/2015

J'aime les surprises de la vie, les rencontres, les remises en question et le fait que chaque matin tout est possible ...
La vie reste une aventure !!!

Écrit par : Pâques | 21/05/2015

L'un (JL) se questionne sur les hasards troublants et se demande pourquoi les malheurs existent et l'autre (Marcelle Pâques) voit dans ces hasards une éternelle surprise.

Écrit par : Feuilly | 21/05/2015

Pas du tout ! Je partage l'avis de Marcelle, et, dans mon commentaire, j'énonce les bonheurs également, dont celui d'être papa ! J'ai beaucoup apprécié le live de P. Labro que je cite, et qui, au travers de ses histoires, développe le thème justement de synchronictés qui débouchent sur des rencontres et des événements extraordinaires. souvent, cela touche, entre autres à l'adage populaire qui fit dire : " Incroyable, le monde est petit ! ". Et oui, la vie est une belle aventure !

Écrit par : Gillessen | 22/05/2015

Une nécessité du hasard, donc.

Écrit par : cléanthe | 22/05/2015

Oui, j'adhère.

Écrit par : Gillessen | 22/05/2015

Il n'y a pas que le hasard, non plus. Je veux dire que l'individu, face aux situations qui se présentent à lui (et qui sont déterminées, en effet, par le hasard), peut saisir des opportunités. Par exemple, 'exode de 1940, qui était assurément un drame, a permis aussi des rencontres et des couples se sont formés ainsi...

On pourrait aussi se demander ce qui détermine nos choix. Il y a là une sorte de prédestination. Pourquoi telle personne me semble sympathique et attirante et pas telle autre ?

Écrit par : Feuilly | 22/05/2015

Je ne veux pas m'en remettre uniquement aux effets du hasard. Ces circonstances inexpliquées qui dirigeraient nos vies et nos rencontres. Je ne sais pas! J'aime l'idée d'une force invisible et indicible qui guide intérieurement nos pas et nos actes et pourquoi pas l'immortalité des âmes. Sinon, si nous sommes réduits à un bref passage sur cette terre avec comme seule issue un trou noir, quelle horreur!

Écrit par : Alezandro | 25/05/2015

@ Alexandro : quelle horreur, en effet. Mais comment s'assurer qu'il n'en est pas ainsi ?

Écrit par : Feuilly | 25/05/2015

Les commentaires sont fermés.