09/04/2014
Ukraine (5)
Les USA cherchent à affaiblir la Russie en la privant de ses anciennes zones historiques, ce qui est jouer avec le feu aux portes de l’Europe. En effet, se trouvant maintenant le dos au mur, la Russie ne peut plus reculer et est bien obligée de se défendre. Le fait de voir l’Otan à ses frontières (Pologne, pays baltes, Hongrie, Tchéquie, etc.) ne la réjouissait déjà pas beaucoup, mais si demain les troupes US débarquent en Ukraine ( la « petite Russie ») c’est encore une autre affaire !
Comme l’ex-Yougoslavie, l’Ukraine est une zone tampon entre deux civilisations. Privilégier une de ces deux civilisations au détriment de l’autre, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Les populations rejetées (russophones) se défendront en demandant l’autonomie, le fédéralisme ou le rattachement à la Russie. L’autre partie de l’Ukraine, se sentant soutenue par l’Occident, voudra réduire à néant ces visées séparatistes au nom de l’unité nationale. Quand on sait que c’est justement l’extrême-droite nationaliste que les Etats-Unis viennent de mettre au pouvoir, on a de fortes raisons de s’inquiéter. En effet ces gens, au nom de l’unité de l’Ukraine et du patriotisme, considéreront tout citoyen russophone comme un « terroriste » en puissance. On est donc parti pour avoir d’un côté des mouvements de protestation (ils viennent de commencer dans l’Est) et de l’autre des mouvements de répression musclée, qui ne feront à leur tour qu’attiser la haine et qui déboucheront sur de nouvelles contestations.
Si on commence à massacrer des citoyens ukrainiens russophones, Poutine ne pourra décemment pas rester indifférent. C’est peut-être d’ailleurs ce que cherchent les USA, ce qui leur permettrait de venir « protéger » l’Ukraine et donc d’y imposer l’Otan. Le « gouvernement » de Kiev (mis en place précisément grâce à l’aide des USA) soutient évidemment la version inverse : ce serait Poutine qui exciterait les populations russophones et qui espérerait des représailles pour pouvoir intervenir. Qui croire ?
Ce qui est sûr, c’est que les Etats-Unis ont bel et bien oeuvré à la déstabilisation de l’ancien régime et que pour ce faire ils se sont appuyés sur la partie occidentale du pays. Ils devaient donc s’attendre à une contestation massive de la part de la partie orientale, comme ils devaient s’attendre à une certaine attitude antirusse de la part de ceux qu’ils ont mis au pouvoir (car ceux-ci se sentent soutenus). Autrement dit, tous les éléments sont en place pour que survienne un génocide ou une guerre civile. Des morts innocents, ce n’est pas ce qui va effrayer Washington, qui a financé autrefois Al Quaïda en Afghanistan (contre les Russes, précisément) et qui finance aujourd’hui les djihadistes en Syrie. On n’est pas à quelques milliers (ou centaines de milliers) de morts près tant qu’on peut arriver à ses fins, n’est-ce pas ? Sauf qu’ici, le champ de bataille est aux portes de l’Europe et que nous sommes drôlement concernés.
Quant au fait de s’appuyer sur l’extrême droite ukrainienne, nationaliste, raciste et antisémite, il ne faut pas nous en étonner non plus. Notre vision est faussée par le fait que les USA sont venus nous libérer d’Hitler en 1944 et 1945. Mais derrière Hitler, c’est la menace communiste qui faisait peur. Il s’agissait (déjà) d’arrêter l’avancée de l’Armée rouge, de couper la route à Moscou et d’empêcher toute l’Europe occidentale de tomber aux mains des communistes. La preuve, c’est qu’ils ne se sont pas tournés contre Franco en Espagne, car ils avaient bien trop peur de mettre les Républicains rouges au pouvoir. Ils ne se sont pas non plus opposés à la dictature de Salazar au Portugal, mais par contre ils sont bien à l’origine du coup d’Etat des Colonels en Grèce. Encore que tous ces régimes ne se revendiquaient pas d’Hitler, comme le fait l’actuel parti Svoboda en Ukraine. Le problème, c’est qu’en soutenant ainsi ouvertement ce mouvement fasciste ukrainien, les USA donnent plus ou moins implicitement leur accord à la montée de l’extrême-droite dans toute l’Europe, ce qui n’a rien de bien réjouissant, convenez-en.
Mais les Etats-Unis ne pensent pas à cela pour le moment (comme ils n’avaient pas prévu que les milices d’Al Quaïda en Afghanistan finiraient par se retourner contre eux quand ils envahiraient à leur tout ce pays, ce qui est tout de même faire preuve d’une naïveté déconcertante). Non, ce qui les intéresse, chez ces nationalistes de Kiev, c’est leur haine de la Russie et de tout ce qui parle russe. Loin de calmer le jeu, ils en rajoutent à leur tour en diabolisant Poutine, qui est décrit comme un nouveau Staline. Si j’étais à sa place, je me méfierais, car les derniers dirigeants qui ont ainsi été critiqués ont mal fini (Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi par exemple). On peut d’ailleurs supposer que Washington est déjà à pied d’œuvre en Russie et qu’il y soutient l’opposition dans la perspective d’une nouvelle révolution qui laisserait vide le fauteuil du Kremlin.
Obama parviendra-t-il à renverser le nouveau Tsar de Moscou avant de s’en prendre à la Chine et d’imposer l’hégémonie américaine à la planète entière (entendez : la suprématie du Capitalisme et des multinationales) ? Ou bien au contraire la Chine, se sentant déjà menacée, fera-telle alliance avec Poutine dans l’ombre ? L’avenir seul nous le dira.
Carte de l'Otan
00:05 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ukraine
Commentaires
Tu as raison de le souligner, derrière la volonté des États-Unis de réaffirmer leur place de puissance dominante se cache surtout la main des firmes transnationales qui veulent remodeler le monde à leur seul profit.
Car en parlant des États-Unis, on ne parle pas des salariés, des citoyens, des consommateurs (je hais ce mot mais le fait existe) qui sont aussi inquiets que les salariés, les citoyens des autres pays (industrialisés). Aux États-Unis aussi il y a des destructions massives d'emploi provoquées par ce qu'on pourrait appeler le petit frère du projet transatlantique (qu'ont entamé dans l'opacité la plus totale les États-Unis et l'Union européenne) : l'ALENA (zone de libre-échange États-Unis, Canada, Mexique).
Le capitalisme mondialisé a encore besoin d'un État dominant pour lui servir de bélier (et de bouclier).
Pour remodeler le monde à leur profit, c'est sur les États-Unis, (l'Union européenne n'étant qu'un supplétif), que les firmes transnationales continuent à miser, qu'elles aient un ancrage états-unien ou européen (leurs destins sont étroitement imbriqués) :
3 300 firmes européennes aux États-Unis, via 24 000 filiales ; 14 400 firmes américaines en Europe, via 50 800 filiales.
Réunies depuis 1995 dans le Trans-Atlantic Business Council (TABC), elles luttent ensemble contre toute réglementation gênante à leurs yeux, d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique :
- Celle sur les OGM en Europe pour Monsanto, ou sur la protection de la vie privée pour Vérizon (télécommunications) qui y voit une entrave au commerce des données personnelles.
- Celles dans le domaine financier aux États-Unis qui énervent les banques allemandes et les assureurs européens.
Tout en cherchant à se ménager une sorte de "parrain", les firmes transnationales veulent porter le coup de grâce à tout ce qu'elles détestent dans les États, (dont elles apprécient par ailleurs les qualités de pourvoyeurs d'aides et de subventions publiques) : leur pouvoir à leur imposer un "principe d'intérêt général", autre que le leur, à travers des lois sur les conditions de travail, la protection de la santé, de l'environnement...
Réalisons bien que ce monde financier mondialisé et hypertrophié a un volume en constante expansion, qui atteint aujourd'hui dix fois celui de l'économie mondiale.
Pour ne prendre que l'exemple de la France, le total des actifs détenu par les banques françaises s'élevait en avril 2012 (selon une estimation de la BCE) à 8 500 milliards d'euros, soit plus de quatre fois le PIB de la France.
Écrit par : Michèle | 12/04/2014
Oui, tu fais bien de préciser que mes attaques ici ne visent jamais les Américains en tant que citoyens, mais leur gouvernement. Et c'est un fait que l'Amérique ne travaille pas pour elle-même mais pour les multinationales et le Capital. Le guerre en Irak n'a rien rapporté aux USA comme pays.
Écrit par : Feuilly | 13/04/2014
Ce qui est fou c'est que les dirigeants européens soutiennent aujourd'hui la coalition gouvernementale de Kiev alors que le Parlement européen avait le 13 décembre 2012 condamné le parti Svoboda et "invité les partis à ne pas former aucune coalition avec lui".
Comme tu le soulignes, le pacte fondateur de l'Ukraine en 1991, après la chute de l'URSS, fondé sur le respect des minorités à l'Est comme à l'Ouest, (sur le respect) de leurs droits culturels, linguistiques et religieux, est en passe de disparaître.
En pleine séance du Parlement ukrainien, le 8 avril dernier, les députés du parti d'extrême-droite, néofasciste, Svoboda ont provoqué une bagarre générale et les gros bras de ce parti n'hésitent pas à agresser des journalistes en pleine émission.
Rappelons que ce parti a obtenu six portefeuilles dont ceux de l’Éducation, de l’Écologie, de l'Agriculture, et le poste de vice-premier ministre.
Écrit par : Michèle | 16/04/2014
L'Ukraine n'est désormais plus un pays puisque la partie Est fait sécession et que la partie Ouest envoie des chars pour rétablir l'ordre. Même si Kiev remporte la victoire (si Moscou n'intervient pas ou si l'Otan apporte son aide), il est clair que l'Est se sentira humilié et colonisé.
Écrit par : Feuilly | 16/04/2014
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