Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/03/2013

Se mettre sur son trente et un

Voilà une expression qui semble toute simple et dont je ne parviens pourtant pas à trouver l’origine.

Que ce soit dans le dictionnaire des expressions et locutions de Rey et Chantreau ou bien dans le Dictionnaire historique du Robert (toujours par Alain Rey), on ne découvre rien de satisfaisant. On nous dit que le plus logique aurait été le chiffre 9 (= neuf). Puis on aurait multiplié ce chiffre pas deux par une sorte de calembour (se mettre sur son dix-huit, autrement dit mettre des habits deux fois neufs, vraiment neufs) ou par quatre (se mettre sur son trente-six).  On trouve effectivement trente-six dans quelques textes, mais on peut lire aussi « se mettre sur son trente-deux » dans le journal des Goncourt et « se mettre sur ses cinquante et un » chez Balzac.  Curieux. De là, on aurait ramené le chiffre à trente et un, soit parce que c’est le nombre de jours maximum que comporte un mois, soit parce que le nombre normal des jours serait trente et donc trente et un marquerait un jour un peu exceptionnel.

Honnêtement, toutes ces explications me  semblent assez farfelues.

L’explication pour trente-six (« ils se voyaient tous les trente-six du mois », autrement dit pas souvent et même jamais) est plus convaincante. Au départ, trente-six, qui est un multiple de douze, avait la valeur d’un intensif (« voir trente-six chandelles », c’est en voir beaucoup, faire trente-six métiers, etc.). Evidemment, associée aux mois, l’expression a pris un sens opposé : comme il n’y a pas trente-six jours dans un mois, elle a signifié jamais (un peu comme les calendes grecques, qui n’existent pas, ou la semaine des quatre jeudis, qui n’existe pas davantage).

Remarquez qu’être « dans le trente-sixième dessous » (dans une mauvaise situation) indique également une idée d’intensité. La référence serait pourtant le chiffre trois si on en croit Alain Rey.

Trente, quant à lui, vient du latin « triginta » (trois fois dix) formé sur « tres » (trois). Ce « triginta » a donné « trinta » en latin populaire, par contraction et finalement « trenta » vers l’an mil.

trnd-31.jpg

 

Commentaires

Nous partageons, à ce que je vois, le même goût à fouiller la langue et ses expressions. C'est un travail passionnant, un travail d'archéologue du sémantique et c'est bien beau.
Je vous suis complètement : les explications ne sont guère convaincantes qui tentent d'éclaircir cette belle expression " se mettre ou être sur son trente et un". Un peu tirées par les cheveux, pour tout dire. Tiens, voilà une autre expression qu'il faudrait explorer aussi : tirer par les cheveux. Sans doute plus facile.
Avez-vous regardé du côté de Pierre Guiraud ? Ce linguiste remarquable donne souvent des pistes très intéressantes, notamment dans son "Dictionnaire des étymologies obscures."

Brassens parle du troisième dessous dans "La Fille à cent sous" :
"Du temps que je vivais dans le troisième dessous,
Infâme, immonde ivrogne...

Écrit par : Barnabé | 04/03/2013

@ Barnabé : explication tirée par les cheveux. Bah, inutile de couper les cheveux en quatre...

Écrit par : Feuilly | 04/03/2013

Jacques Roubaud, mathématicien, poète, essayiste, membre de l'Oulipo, a écrit "Trente et un au cube" (Gallimard, Blanche, 1973).

" 31 x 31 x 31
3 instances dans lesquelles 31 joue le rôle de dispositif central.

31 poèmes, chaque poème composé de 31 lignes, chaque ligne décomptée en 31 positions métriques.

31 est un nombre premier donc indivisible ; cependant décomposé en répétition dans le livre en 5-7-5-7-7.
Intertextualité entre la versification classique et un type de poème japonais, le TANKA fondé sur la métrique irrégulière et impaire 5-7-5-7-7.
Ces répartitions sont imbriquées dans le texte lui-même puisque la distribution des 31 lignes de chacun des 31 poèmes se fait sous la forme de 5-7-5-7-7 lignes chacun - de même, chaque ligne est partagée en 5 blocs contenant successivement 5-7-5-7-7 positions métriques."

http://www.ecriture-art.com/roubaud.htm

Écrit par : Michèle | 05/03/2013

Ça n'a pas beaucoup de rapport avec se mettre sur son trente et un, mon truc de Roubaud. Mais je n'ai pas su résister. J'adore ça, ces contraintes de texte. Ça m'épate.
Comme La Comédie de Dante Alighieri (qui s'appellera divine à la Renaissance) : un poème en trois parties de 33 chants chacune (enfin 34 pour l'Enfer). 100 chants en tout. Rédigés en tercets hendécasyllabiques de cinq pieds, qui racontent le voyage que fit Dante au cours de la semaine pascale de l'année sainte 1300 à-travers les trois royaumes de l'au-delà...
Il y a un roman de l'écrivain suisse Jean-Louis Kuffer, qui est bâti comme ça, LE VIOL DE L'ANGE : trois parties de 33 chapitres chacune.

Écrit par : Michèle | 05/03/2013

Je connais ce roman de Jean-Louis Kuffer. Étrange livre, envoûtant, dérangeant même. Un très grand livre. Mais il est vrai que l'écrivain suisse est bourré de talent !

Écrit par : Barnabé | 06/03/2013

J'avoue que les livres de JK Kuffer me parlent plus que ce poète mathématicien.

Écrit par : Feuilly | 06/03/2013

D'après une encyclopédie de 1933, trente et un serait une altération de "trentain" - sorte de drap dont la chaîne est composée de trois mille ou trente fois cent fils et qui s'employait pour la confection de vêtements de cérémonie.
Cette référence me paraît plausible et pas trop tirée par les cheveux ...

Écrit par : saravati | 11/03/2013

@ Saravati : merci pour cette explication que je préfère en effet aux autres. Je vais chercher de ce côté.

Écrit par : Feuilly | 11/03/2013

@ Feuilly
Dans Larousse du XXe siècle-volume 6- edition de 1933 (avec de superbes illustrations)

Écrit par : saravati | 11/03/2013

Le Robert historique parle effectivement de ce "trentain", mais sans faire le rapprochement avec notre expression "se mettre sur son trente et un". Pourtant...

"Trentain" aurait d'abord désigné une mesure de capacité, puis une série de trente messes dites pour un défunt. On désignait aussi sous ce terme "un drap de luxe dont la chaîne était faite de trente centaines de fil". S'agissant d'un drap de luxe, la tentation est forte, en effet, d'y voir l'origine de notre expression.

Mais pourquoi alors se mettre sur son trente-deux comme chez les Goncourt? Par ironie peut-être, pour employer un autre chiffre que 31 ?

A mon avis, c'est à cause de ces chiffres (18, 36, 31, 32, 51) employés indifféremment que le Robert historique n'envisage pas l'origine de l'expression à partir de notre seul "trentain".

Écrit par : Feuilly | 11/03/2013

Les commentaires sont fermés.