15/01/2013
Une autre guerre humanitaire
Nous avons parlé de Napoléon Bonaparte et de son intervention en Egypte décidée soi-disant pour libérer son peuple et le délivrer des dirigeants qui l’opprimaient.
Trois quarts de siècle plus tard, c’est Napoléon III qui est au pouvoir. En 1860, il décide d’intervenir en Syrie (tiens donc !), alors province ottomane, pour « y rétablir l’ordre ». Que s’était-il passé qui justifiât cette intervention ? Environ 20.000 personnes, la plupart des Chrétiens, venaient d’être massacrées au Liban et à Damas, dans des affrontements intercommunautaires, ce qui avait fortement ému l’Occident (remarquez que les choses ont un peu changé, puisqu’aujourd’hui le même Occident soutient des djihadistes musulmans qui ne cachent pas leur intention de se débarrasser de la population chrétienne). On accuse immédiatement le pouvoir en place, à savoir les autorités ottomanes, au mieux d’avoir laissé faire, au pire d’avoir incité à la haine.
Bref, Napoléon III envoie donc 60.000 soldats, qui débarquent au Liban le 16.août 1860. Ils y resteront une bonne année, le temps que le calme revienne. L’empire ottoman étant affaibli, toutes les puissances occidentales cherchaient en réalité à se positionner pour s’emparer des morceaux du gâteau. La Russie souhaitait s’étendre vers le sud, tandis que la France, une nouvelle fois, cherchait à affaiblir l’Angleterre en se positionnant sur la route des Indes (tout en faisant du commerce). Il fallait donc conquérir La Syrie et pour y parvenir chacun s’était appuyé sur les minorités locales (ce qu’on fait encore aujourd’hui en dressant les Sunnites contre les Chiites) : les Français avaient choisi de protéger les Catholiques, les Russes les Orthodoxes et les Anglais les Druzes. Les massacres intercommunautaires de1860 n’avaient pas d’autre origine.
Un peu plus tard, en pleine Première Guerre mondiale, voilà les Français et les Anglais réconciliés. Du coup, ils organisent ensemble un blocus des côtes syriennes afin d’empêcher le ravitaillement en blé. Le but est de pousser les Arabes à se révolter contre l’Empire ottoman qui soutient par ailleurs l’Allemagne dans le conflit en cours. Affaiblir l’Empire et précipiter sa chute, c’est indirectement affaiblir l’Allemagne. On ne connaît pas le nombre exact des victimes, mais on estime que la famine qui a fait suite au blocus a causé la mort de 200.000 personnes au Liban et de 300.000 en Syrie.
Ca va, pour le moment la tentative de renversement d’Assad n’a encore fait que 60.000 morts.
Empire ottoman
00:06 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : syrie, empire ottoman
Commentaires
Si on a coutume de dire que " lorsqu'on veut faire parler l'histoire, on ne réussit qu'à la faire bégayer", là, il me semble qu'elle apporte sur les situations actuelles un précieux éclairage.
Les acteurs changent, les alliances se font et se défont, mais les stratégies d'intérêts sont toujours les mêmes.
Oserais-je vous dire que tout cela porte un nom ? Capitalisme.
Écrit par : Barnabé | 15/01/2013
Écrit par : Feuilly | 15/01/2013
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade....
Le grand mystère Rimbaud : Poète de génie et marchand d'armes
Écrit par : Barnabé | 15/01/2013
Écrit par : Barnabé | 15/01/2013
Concernant la Syrie, ce témoignage de Thierry Messan sur Voltaire.net
Qu'au moins on le lise :
http://www.voltairenet.org/article171972.html
Pour le Mali, j'y reviendrai...
Écrit par : Michèle | 15/01/2013
@ Barnabé : oui, Rimbaud en marchand d'armes, c'est incompréhensible. Visiblement il voulait s'assurer une certaine somme d'argent qui lui aurait permis de vivre sans se soucier de l'avenir.
Écrit par : Feuilly | 15/01/2013
Écrit par : Michèle | 15/01/2013
http://www.humanite.fr/monde/aqmi-aux-origines-de-la-tragedie-du-nord-mali-512727
Écrit par : Michèle | 15/01/2013
Notre politique colonialiste est donc suicidaire. On nous a dit (propagande ?) que Kadhafi avait peut-être des armes chimiques. Si c'était vrai, où sont-elles aujourd'hui ? Et quand ces gens disent qu'ils vont frapper le coeur de la France, ce ne sont peut-être pas des paroles en l 'air.
Demain, quand le régime syrien finira par tomber, ce sera la même chose. Ces djihadistes que l'on a armés vont se trouver désoeuvrés et ils se retourneront contre nous. Nous croyons nous servir d'eux, mais ce sont eux qui se servent de nous. On déstabilise des régimes certes condamnables, mais stables et finalement modérés pour mettre à la place des enragés avec qui tout dialogue sera impossible.
Écrit par : Feuilly | 15/01/2013
Mine de rien, savez-vous que c'est là un des grands principes de l'histoire et de ses drames ?
A malin, malin et demi, c'est comme ça que coule le sang, inlassablement. Le fameux pacte germano-soviétique n'avait pas d'autre raison que celle de se tromper mutuellement en faisant ami-ami.
Écrit par : Bertrand | 16/01/2013
Je ne suis pas férue d'histoire mais j'essaie de garder un esprit critique sur ce qui se passe en regard de ce qui a précédé et c'est, ma foi un enseignement aussi valable que tout ce qu'on nous ressasse dans les medias.
A une époque je m'étais abonnée à Croissance des Jeunes Nations et cette analyse de société m'avait bouleversée quant au rôle des états occidentaux ...
Écrit par : saravati | 17/01/2013
@ Saravati : oui, quand on se donne un peu la peine de lire le point de vue de ces jeunes nations dont vous parler, de se mettre à leur place, alors on regarde l'Occident comme un prédateur particulièrement destructeur. Lire à ce sujet "Les veines ouvertes de l'Amérique latine" de Eduardo Galeano.
Écrit par : Feuilly | 17/01/2013
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