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06/02/2012

Une maison à la campagne (2)

J’ai donc monté l’escalier de bois séculaire, qui craquait sous mes pas. Tout en haut, la vieille porte a émis un gémissement étrange quand je l’ai poussée, comme si elle avait voulu avertir de ma présence les ombres du temps passé qui devaient encore vaguement flotter en ce lieu. A tâtons, j’ai cherché l’interrupteur. C’était un ancien modèle qui datait d’avant toutes les guerres et qui était constitué d’une petite tige métallique qu’il fallait basculer pour donner le contact. Des fils électriques étranges, d’un autre âge et gainés de toile, en sortaient. Ils allaient ensuite se perdre dans les poutres maîtresses, où ils pendouillaient comme des lianes avant d’aller rejoindre l’unique ampoule de ce lieu. Celle-ci éclairait à peine tant elle était sale et recouverte de poussière. C’est donc quasiment à tâtons que je me suis avancé vers la tabatière qui s’ouvrait sur la nuit. Là haut, tout là-haut près de la voie lactée, quelques étoiles brillaient dont j’ignorais tout, même le nom. Le temps et l’espace… Le temps, symbolisé ici par toutes ces vieilles reliques du passé qui s’entassaient le long des murs et l’espace infini, dont on ne devinait la profondeur que par l’existence de ces étoiles perdues au fin fond de l’univers. Quel sens avait notre vie, face à tout cela ? Entraînés avec notre planète qui n’en finissait pas de s’enfoncer dans le vide intersidéral, nous tentions de vivre notre petit présent. Illusion souveraine puisque celui-ci se transformait aussitôt en passé, autrement dit en souvenirs, dont les armoires boiteuses et les boîtes empilées au hasard dans ce grenier résumaient bien le côté dérisoire.

Au hasard, j’ai un peu regardé ce qui traînait là, sur le plancher. Une barate pour faire du beurre, des seaux métalliques troués, un hérisson destiné à ramoner les cheminées, tout couvert encore de suie. Un vieux porte-manteau auquel pendaient des vestes démodées, attaquées par les mites. Un cadre en bois, dont l’aquarelle avait été retirée, un miroir brisé, dont des éclats jonchaient encore le sol, des boîtes en carton remplies d'on ne savait trop quels objets désormais inutiles. Dans un coin, une garde-robe bancale attira mon attention. Quand je voulus l’ouvrir, je m’aperçus qu’elle était fermée et que la clef avait disparu. Elle conserverait donc à jamais ses secrets et c’était peut-être  mieux ainsi. A quoi bon, en effet, remuer le passé et faire revivre les souvenirs de personnes que je n’avais jamais connues ? Ce qu’elles avaient vécu leur appartenait en propre. Des rêves et des illusions, elles en avaient sans doute eus comme chacun d’entre nous et comme nous en avaient concrétisé bien peu. Devenues vieilles, elles s’étaient remémoré, le soir au coin du feu, le peu qu’elles avaient finalement réalisé et qu’elles enjolivaient et amplifiaient à dessein afin de ne pas sombrer dans le désespoir le  plus noir. Comme cela, s’inventant des exploits auxquels elles avaient fini par croire, elles avaient atteint un âge avancé avant de finalement s’éteindre et de disparaître à jamais, ne laissant de leur passage que cette armoire fermée à clef que plus personne n’ouvrirait jamais.

Dans un autre coin, des jouets d’enfant étaient entassés les uns sur les autres. Un petit vélo à trois roues, des poupées aux cheveux clairsemés, un cheval en bois à qui il manquait une patte, des patins à roulettes sans roulettes, une ferme en bois, avec une vache et un mouton dessinés sur le mur, une roue de bicyclette tordue, des gants de boxe troués et, plus insolite, un collier de chien avec sa laisse.

Qu’étaient devenus les enfants qui avaient joué avec tout cela ? Vivaient-ils encore seulement ? Pourtant ils avaient été heureux ici, enfin je crois. J’essayais d’imaginer de jeunes garçons faisant des courses de vitesse avec leurs patins à roulettes, sur la petite route devant la maison. Assise près de la porte d’entrée, leur sœur coiffait inlassablement la même poupée pendant des heures. De l’écurie, une autre fille, déjà adolescente, sortait en tenant un jeune chien en laisse. L’animal était fou de joie à l’idée de partir en promenade et il aboyait de contentement. Toute la scène était là devant mes yeux, nette et précise. Qu’étaient-ils tous devenus ? Quand j’avais acheté la maison, celle-ci était déjà presque en ruine, ce qui fait remonter la naissance de ces enfants très loin dans le temps. Ils devaient être nés, si mes calculs étaient bons, entre 1870 et 1890. Leurs parents avaient connu l’époque de Napoléon III et la défaite de Sedan. Ils devaient en parler, le soir  au coin du feu et le grand-père, s’il était encore vivant, évoquait lui l’époque glorieuse de l’autre Empereur, le vrai, celui d’Austerlitz, de Marengo et d’Iéna. Celui aussi, hélas, de Waterloo. Et les enfants écoutaient tous ces récits et petit à petit ils les incorporaient à leur mémoire. Plus tard, à leur tour, ils en reparleraient avec leurs propres enfants, déformant sans le vouloir la vérité première, qui avait de toute façon déjà été déformée par ceux qui l’avaient racontée.

Où étaient-ils, aujourd’hui ces enfants ? Tous étendus au cimetière, bien entendu. A supposer que l’un d’entre eux eût survécu jusqu’à cent ans, ce qui était pour le moins improbable, il serait mort de toute façon depuis au moins vingt ans, si pas trente. Et en pensant à cela, je regardais cette pile de jouets qui les avaient rendus heureux un certain temps, avant qu’ils ne s’en détachent pour entrer dans la vie adulte. Alors, ils avaient travaillé, ils avaient aimé et puis ils étaient morts. Voilà. Ca se résume à peu de choses, finalement, la vie des hommes.

Un peu nostalgique et déprimé, je suis allé inspecter l’autre coin du grenier. Tout en tâtonnant dans la demi-obscurité, je pensais à ma relation avec ma compagne, qui m’apportait tant. Et pourtant  un jour on parlerait de nous au passé et tout ce que nous aurions vécu resterait à jamais inconnu ou apparaîtrait comme vain et dérisoire. On ne pouvait rien y changer…

Arrivé enfin dans le coin le plus obscur, j’ai dû me pencher pour voir ce qui se cachait tout au fond, contre les tuiles. C’était un coffre ! Un gros coffre en chêne brut, comme on en voyait encore au XVII° ou XVIII° siècle. Je l’ai tiré vers moi comme j’ai pu, afin de le contempler plus à loisir. Qu’est-ce qu’il était lourd ! J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois avant de pouvoir en ouvrir le couvercle qui, heureusement, n’était pas verrouillé. Devinez ce qu’il y avait à l’intérieur ? Un gros livre et une clef. J’ai d’abord cru que cette clef ouvrait la garde-robe, vers laquelle je me suis aussitôt précipité, mais non. Cette clef n’ouvrait rien du tout. Je me retrouvais donc avec une armoire hermétiquement close qui garderait à jamais ses secrets et une clef inutile, qui n’ouvrirait plus jamais rien. Déçu, je suis revenu vers le coffre et me suis emparé du livre. C’était un gros volume relié en cuir, couvert de poussière. A la lumière pâlotte de l’ampoule, je suis quand même parvenu à en lire le titre, après avoir essuyé la couverture avec ma main : « Nouvelles impossibles ».

Littérature

07:00 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : littérature

Commentaires

L’espace intérieur à l’armoire est un « espace d’intimité » qui ne s’ouvre pas à tout venant… La véritable armoire n’est pas un meuble quotidien, elle ne s’ouvre pas tous les jours.
« Ainsi d’une âme qui ne se confie pas, la clef n’est pas sur la porte. » dit Bachelard.

[Rimbaud : « - L’armoire était sans clefs !... Sans clefs la grande armoire (…) » (Les étrennes des orphelins)]


J’aime la précision de ce mot : la tabatière…

Écrit par : Michèle | 06/02/2012

@ Michèle : oui, le secret bien gardé des armoires fermées. Ces armoires qui m'intriguaient quand, enfant, j'étais en visite chez quelqu'un.

Écrit par : Feuilly | 06/02/2012

J'ai tout lu d'une traite, la première et la deuxième partie comme un tout merveilleusement huilé malgré les serrures qui ne veulent pas s'ouvrir.
L'épisode du grenier m'a particulièrement frappée, projection dans mon futur.
Je suis en train de fouiner dans mon grenier pour ne pas laisser à mes enfants le soin de le faire plus tard. L'échéance des départs s'approche chaque jour davantage.
Ces souvenirs que vous décrivez si bien, je les ressens en ce moment ...J'ai écrit quelques textes (modestes) à ce sujet juste pour évacuer cette poussée de douce nostalgie.
Merci de nous donner tant d'émotions ! J'aime beaucoup votre écriture et la philosophie qui s'en dégage. J'aimerais vous mettre dans mes liens sur mes deux blogs ...

Écrit par : saravati | 08/02/2012

@ Saravati : « J'ai tout lu d'une traite » : voilà qui va encourager celui qui tient la plume… Personnellement, les greniers m’ont toujours fasciné depuis que je suis enfant. Tous ces objets qui ont servi (à qui ?), qui ne servent plus, et dont on se demande à quoi ils pouvaient bien servir. Je suis content que ce texte éveille en vous des émotions, car c’est bien ainsi que je conçois l’écriture.
Pas de problème pour le lien. Je vais d’ailleurs faire de même car vos blogues méritent assurément le détour.
Et puisqu’on en est aux opérations de marketing, je signale que dans mes liens j’ai ajouté récemment « L‘anagramme des anges », qui mérite lui aussi qu’on le lise.

http://anagrammedesanges.blogspot.com/

Écrit par : Feuilly | 08/02/2012

@ Feuilly
Agnès et moi nous sommes déjà rendues visite.
Le marketing lié à la recherche de la qualité, ça paie toujours :-)
Je vous envoie un texte déjà ancien sur les greniers puisque vous semblez les aimer :
http://saravati.skynetblogs.be/archive/2008/08/30/le-premier-grenier.html

Écrit par : saravati | 08/02/2012

@ Saravati : je vois que nos greniers se ressemblent ... (sourire)

Écrit par : Feuilly | 08/02/2012

Le grenier, chez ma grand-mère, était un terrain de jeux inépuisable. J' ai passé un temps infini le nez plongé dans les grandes malles de cuir et leur fatras, les jouets d' un autre âge, les vieilles robes, les chapeaux et même quelques lettres d' amour oubliées.. Jamais alors je n' ai pensé au temps qui passe. Quand j' y retourne aujourd' hui, oui.
Et votre personnage raconte bien tout ce que nous avons perdu en devenant adultes..
Chez nous on dit " vélux ".. Beaucoup moins poétique que la tabatière :)

Je parle, je parle mais c' est que je ne sais comment vous remercier pour ce que vous savez.. :)

Écrit par : agnès | 08/02/2012

@ Agnès : L'adulte, parce qu'il a pris conscience du temps qui passe, justement, recherche dans ces greniers les impressions ressenties autrefois quand il était enfant.

Vélux est la tabatière moderne, avec double vitrage, fermeture hermétique, poignée esthétique et pivot central.

La tabatière, c'est plus rustique. Mais vous avez toutes failli me faire hésiter. J'ai cru un instant que c'était un régionalisme, de moi seul compris. Mais non, le mot se retrouve dans les dictionnaires et est attesté chez les "bons auteurs" (ouf!):

Châssis, fenêtre à tabatière. Châssis, fenêtre ayant la même inclinaison que le toit où on l'a placé(e) et dont le battant pivote autour d'une charnière horizontale fixée à sa partie haute.

Un faux grenier élevé de six pieds et couvert en zinc, avec un châssis à tabatière pour fenêtre (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 312).

Cette chambre, très lambrissée, s'éclairait par une fenêtre à tabatière vitrée de vitres verdâtres, cassées en plusieurs endroits, raccommodées avec du papier, poudreuses, et qui salissaient le ciel (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 109).

− [P. ell. du déterminé] Couché sur son grabat, suçant sa pipe éteinte et ne pensant à rien, c'est la même étoile que le père Pâqueux regarde par la tabatière percée entre les chevrons (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p. 1096)

Si on comprend bien, il faut que la charnière se trouve sur la partie haute pour avoir une tabatière.

Le Robert historique nous dit que le mot tabac a donné tabaquière (boîte où on range le tabac), puis, par réfection, tabatière. Par analogie avec la forme de celle-ci (je dirais plutôt par analogie avec son système d'ouverture), tabatière a désigné une lucarne de comble.

http://environnement.wallonie.be/dnf/comblesetclochers/13_occultation_tabatiere.JPG

Écrit par : Feuilly | 08/02/2012

Tu me fais sourire quand tu dis :
"Si on comprend bien, il faut que la charnière se trouve sur la partie haute pour avoir une tabatière."

Si ce n'était la photo, je ne comprendrais rien :)

J'ai juste aimé comme le mot s'accorde à l'époque évoquée et au ton du récit...

Dans le grenier de Saravati, qui a accueilli une installation sophistiquée de circuit de train électrique, il y a un vélux :)

Écrit par : Michèle | 08/02/2012

@ Michèle : oui, bon moi et les explications techniques.... Je veux dire que la charnière se trouve d'office le long du côté horizontal supérieur. C'est plus clair ainsi? Et puis voilà à quoi servent les images. Tu posais la question l'autre jour (sourire).

Écrit par : Feuilly | 08/02/2012

Non, non, c'est moi qui suis nulle dans mes commentaires. :) Je veux dire tout l'inverse, c'est-à-dire que c'est facile pour toi de dire les choses comme tu les dis parce que tu as une science (littéraire et sûrement réelle) du bâti, des paysages et de plein d'autres choses. Il n'est qu'à lire "Obscurité" que tu as écrit en direct pendant un an, et beaucoup d'autres textes de "Marche romane", où il y a d'autres maisons, d'autres greniers, etc.

Ces termes de bâti ne collant pour moi à aucune réalité, je fais mon chemin à travers les textes -et j'adore tes citations des auteurs qui parlent de "tabatière" -. Veux-tu que je te dise, tabatière, à part la blague à tabac (j'ai du bon tabac dans ma tabatière...), je ne connaissais pas, j'ai d'abord cru à un endroit du grenier où on séchait le tabac, mais comme elle "s'ouvrait sur la nuit", ce ne pouvait être qu'une lucarne "en tabatière". Et donc la force de ce mot, qui n'était pas lucarne, qui n'était pas vélux. Sa force poétique, comme dit Agnès.

Écrit par : Michèle | 09/02/2012

Chez moi, il y a des vélux. Ce qui relève d'ailleurs d'une marque commerciale et non de l'objet comme tel.
Chez mon grand-père, il y avait une tabatière et je ne comprenais pas pourquoi cette allusion au tabac, alors qu'il n'y avait aucun fumeur dans la famille.
Pendant qu'on nous construisait une nouvelle maison, j'ai dormi sous la tabatière, je me souviens combien j'aimais la tenir ouverte avec son grand crochet au milieu et combien le paysage découpé en deux parties égales (rendu un peu flou par l'usure du verre) semblait différent à travers ce grand oeil sur les toits !
Michèle, les textes ne se contruisent pas seulement avec des mots ...
Un bel échange ici ! Si j'osais, j'ouvrirais ma tabatière pour vous offir une prisée !

Écrit par : saravati | 09/02/2012

Des mots de chair et de sang oui Saravati, bien sûr :) enfin de sang je sais pas.
Mais si vous saviez le nombre de choses que m'apprend la littérature et que je n'aurai jamais le temps d'aller vivre ou vérifier. La littérature est une vie doublée qui aide (en tout cas moi) à regarder mieux, à aimer mieux (là je ne suis plus sûre :)...
Voyez par exemple je n'ai jamais prisé (du tabac) eh bien votre prisée là, je la prends avec plaisir et diable qu'elle est bonne (ancienne fumeuse).

Écrit par : Michèle | 09/02/2012

C'est tellement lapidaire les commentaires que je m'y reprends à une autre fois (encore :) pour préciser que je prends "ma part" de prisée, offerte à tous bien sûr :)
Ouf !

Écrit par : Michèle | 09/02/2012

@ Michèle
Je crois qu'il n'y a pas de littérature mais des littératures qui sontautant de regard de ceux qui écrivent et de ceux qui lisent en réinterprétant. Et ces regards sont multiples, variés, sensibles.
En fonction de notre propre sensibilité, nous accrochons ou pas et cela est une véritable richesse à condition que nous laissions un peu tomber nos barrières mentales pour être au plus près du vécu, du ressenti de l'autre.
Prisons ensemble, Michèle et pour évacuer l'odeur forte du tabac, ouvrons la tabatière !

Écrit par : saravati | 09/02/2012

Chère Sara j'ai cru que vous me disiez Prions ensemble, mais les prisons, ça me va, faisons-les tomber :)

Écrit par : Michèle | 09/02/2012

Michèle, j'ai failli... vieux réflexe d'éducation ...mais je me soigne.
Les barreaux des prisons feront se relever les tabatières :-)

Vous voyez, Feuilly, nous nous sommes installées dans votre beau salon au pied du grenier, il ne manque plus que vous !

Écrit par : saravati | 09/02/2012

Je rentre du travail, un peu en retard (les trains, par ces grands froids, ont de ces caprices...). Le temps de manger et peu et puis voilà. J'arrive au salon et je constate qu'il y a du monde et que ça discute ferme. Continuez, continuez. Je m'installe dans un fauteuil et je vous écoute. On apprend des choses. Que Michèle est une ancienne fumeuse par exemple et que Saravati se souvient de la tabatière avec son grand crochet au milieu. J'avais oublié de préciser cela.

Ce qui est amusant, c'est que dans ma maison actuelle, il y avait une tabatière au grenier. C'est là que je faisais sécher mes oignons et il fallait faire attention, quand je me penchais au-dessus de la boîte qui les contenait, de ne pas me cogner la tête contre cette tige métallique. J'ai tellement intériorisé ce danger, qu'aujourd'hui que ce grenier est devenu une chambre avec velux, je continue à avoir le même réflexe comme si l'antique tabatière était toujours là. Comme quoi les objets ont une vie après leur mort puisqu'ils perdurent dans nos souvenirs.

Écrit par : Feuilly | 09/02/2012

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