Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/03/2011

La tête dans les nuages (radioactifs)

Je reviens un instant sur l’accident survenu dans la centrale nucléaire japonaise.

En résumé, le nuage radioactif qui ne devait jamais arriver jusqu’aux Etats-Unis y est non seulement arrivé, mais il a même traversé l’Atlantique et est parvenu jusque chez nous.

Evidemment, les retombées radio-actives étaient infinitésimales, ce dont nous ne  doutons pas.

Ces retombées étaient mille fois moins importantes que celles de Tchernobyl nous a-t-on expliqué. Tant mieux !

Mais je me demande quand même pourquoi on compare ce nuage inoffensif à celui de la dernière catastrophe en date. J’aurais préféré qu’on le comparât aux normes généralement admises comme étant inoffensives. En effet, j’ai déjà un peu l’impression qu’on est en train de nous dire que ce n’est pas trop grave puisque nous avons déjà connu des situations mille fois plus inquiétantes. Pour moi, ce n’est pas là un argument probant.

Surtout que d’autres spécialistes, croyant nous rassurer, nous disent que ce nuage est effectivement sans importance si on le compare à la dose de radioactivité de l’hémisphère nord, lequel a été gravement pollué par les essais nucléaires antérieurs. Ah bon ? On apprend des choses… Je croyais que ceux-ci avaient été inoffensifs. Enfin, c’est ce qu’on avait dit à l’époque. Et bien non…

Bon, si on décrypte le message, cela veut dire : « nous ingénieurs nucléaires civils, nous pouvons vous affirmer que nous polluons beaucoup moins que les militaires n’ont pu le faire autrefois. Comme personne n’a jamais rien trouvé à redire à cette radioactivité d’origine militaire, dans laquelle vous baignez tous les jours et qui n’a d’ailleurs jamais affecté votre santé, il serait malvenu de venir nous reprocher quoi que ce soit aujourd’hui. » En effet.

D’ailleurs nous ne reprochons rien du tout puisque ces nuages sont inoffensifs. Ce sont des spécialistes qui nous le disent. Moi, je n’y connais rien dans le domaine du nucléaire. Je serais incapable de reconnaître un morceau de plutonium d’un morceau d’uranium. Je ne peux donc que faire confiance à des personnes qui ont étudié ces matières et qui les maîtrisent.

L’ennui, c’est qu’on dirait bien qu’ils ne maîtrisent plus grand-chose, ces spécialistes. Ils ont d’abord dit qu’il n’y avait pas de radioactivité à proximité de la centrale, puis qu’il y en avait un peu, puis qu’il y en avait carrément beaucoup (un million de fois supérieur), pour dire le lendemain qu’ils avaient mal lu les chiffres et qu’il ne fallait pas s’affoler.

Bon, tout va bien alors…Mais puisque tout va bien, il suffit de rentrer dans cette centrale et de la réparer ! Et bien non, justement. On n’oserait pas s’en approcher. Ah bon ? Non, on n’oserait pas, car outre lez gaz radioactifs qu’on a laissés s’échapper pour éviter une explosion (qui a quand même eu lieu), on a tellement arrosé les réacteurs à l’eau de mer, qu’il y a maintenant de l’eau dans des conduits souterrains où il ne devrait pas y en avoir. Et cette eau est drôlement radioactive. Ah bon ? C’est embêtant cela. D’autant plus embêtant, ajoute-t-on, qu’il se pourrait bien que cette eau radioactive se déverse dans le Pacifique. Aïe !

Bon, ce n’est pas trop grave non plus, le Pacifique est grand et ce sera comme pour le nuage qui a survolé nos têtes (le nuage qui ne devait jamais arriver jusqu’à nous et qui est quand même arrivé), la radioactivité sera diluée dans la masse. Ou bien les résidus seront négligeables. Ou en tout cas ils ne seront pas trop dangereux. Bref, cela aurait pu être plus grave et sans commune mesure avec une guerre nucléaire mondiale (tiens, personne n’a encore dit cela ?). Nous pouvons donc dormir sur nos deux oreilles (mais en fermant les fenêtres quand même).

Bon, je ne veux pas être alarmiste, il n’y a aucune raison. Sauf que les spécialistes auxquels je dois bien faire confiance me disent des choses contradictoires, qu’ils n’ont pas trop l’air d’accord entre eux et que surtout ils ne semblent plus trop savoir ce qu’il y a lieu de faire.

Certains pensent mettre une bâche au-dessus des réacteurs défectueux, d’autres proposent de rejeter une nouvelle fois des gaz radioactifs afin de réduire le risque d’une nouvelle explosion, d’autres encore parlent d’évacuer l’eau contaminée dans des tankers, etc. etc. Bref, cela va un peu dans tous les sens, mais en attendant la centrale pollue toujours, de plus en plus même (et un nouveau nuage radioactif se prépare à traverser nos beaux pays).

Je ne voudrais pas avoir l’air de critiquer ces éminents spécialistes qui sont évidemment beaucoup plus capables que moi, mais je me pose quand même des questions sur leurs capacités réelles à trouver une solution au problème.

Et quand je lis ceci, des questions, je m’en pose même beaucoup : «Interrogé à ce propos, le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano, a répondu que le gouvernement et les experts nucléaires réfléchissaient à toutes les solutions, y compris celles mentionnées dans la presse ». Quoi ? Est-ce à dire que ces brillants spécialistes sont en train de nous demander sans rire si nous, citoyens ordinaires, nous n’aurions pas des suggestions à leur faire pour réparer leur fichue centrale ? On croit rêver. Cela voudrait donc dire qu’ils sont dépassés et qu’ils ne savent plus faire grand-chose ?

Heureusement que le nuage radioactif est sans danger !

Ceci dit, ce sont eux qui le disent, qu’il est sans danger, eux qui maintenant semblent se tourner vers nous en désespoir de cause.

Bon, on a compris, il reste à espérer que les six réacteurs ne se mettent pas à fondre les uns après les autres. Le comble, c’est qu’on n’oserait même plus faire comme le Candide de Voltaire, oublier tout et « cultiver son jardin ». Vous pensez, avec ce nuage au-dessus de nous…

 112122.jpg

 

Commentaires

Il ne faut pas se contenter d'écouter les mots des spécialistes qui commentent la situation, qu'ils soient japonais, américains ou français, mais regarder leur tête. On comprend tout de suite.

Écrit par : solko | 31/03/2011

@ Solko : de fait ... (sourire)

Écrit par : Feuilly | 31/03/2011

Dans le Discours de la méthode, Descartes disait que grâce aux développements de la technique, l'homme va pouvoir se rendre " maître et possesseur de la nature". L’accident survenu dans la centrale nucléaire japonaise démontre que non seulement l’homme ne peut pas maitriser la nature mais aussi qu’il ne contrôle plus sa création. Le créateur dépassé par sa créature, cela rappelle un héros que tout le monde connait, et ainsi la réalité rejoint la fiction. Le lieu de cette catastrophe est hautement emblématique. Voilà un pays qui a subi des séismes destructeurs et les effets de la bombe atomique, situations qui inspirent les mangas, la peinture et les scenarii japonais. Et ce pays a construit 55 réacteurs nucléaires. Voila un peuple dont les croyances invitent à l’harmonie entre l’homme et la nature, et ce peuple a développé les techniques les plus dévastatrices de l’écologie (pêche, industrie,...). Ces contradictions n’ont qu’un seul alibi: dominer le monde.
D’autre part, quand on regarde la carte de répartition des centrales nucléaires dans le monde, on voit que 90% de celles-ci sont situées en Europe, aux USA et au Japon. C'est-à-dire les principaux pays du G8, ceux-là même qui polluent et profitent du nucléaire, ceux-là même qui imposent, au nom du principe de la non prolifération nucléaire, un apartheid technologique. Au même moment, les pays qui ne font pas partie de l’archipel des pays riches sont invités au partage des catastrophes et des crises écologiques provoquées par une logique productiviste du G8. Qui prendra en charge les irradiés des pays pauvres d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud ? On n’en parle même pas, ils subiront en silence! Et comme pour enfoncer le clou, Sarko déclare aujourd’hui qu’il « compte demander une réunion des autorités de sûreté nucléaire des pays du G20 pour définir des normes internationales». Quel mépris, il a encore perdu une occasion de se taire. Il ose parler de NORMES INTERNATIONALES, des normes qui seront décidées par ceux qui possèdent des centrales. Autrement dit, les juges et les parties sont confondus. Dans le vocabulaire de Sarko, le mot international désigne les vingt pays les plus riches, les autres sont sous tutelle. En outre, il confirme que pendant plus d’un demi-siècle le fonctionnement des centrales n’obéissait qu’à des normes intérieures, alors que les conséquences d’une catastrophe nucléaire sont planétaires. Voila comment "le créateur est dépassé par sa création et prend lui-même la figure du monstre."
Pardon d'avoir abusé de cet espace.

Écrit par : Halagu | 01/04/2011

@ Halagu : mais vous n'abusez pas, tout ceci est bien intéressant au contraire et me fait penser au livre de Jacques Ellul, "le bluff technologique" qu'une connaissance m'avait conseillé autrefois et que j'avais lu avec avidité. Ellul explique comment le technicien néglige toujours les quelques inconvénients liés à son invention. Il ne met que les avantages en avant et tout le monde suit. Comment en effet oser refuser le progrès ? Le problème c’est qu’il arrive toujours bien un jour où les inconvénients resurgissent, même si statistiquement il y avait peu de chance de les voir apparaître. Nous sommes exactement dans ce cas d’école avec la centrale japonaise. Un tremblement de terre de force 9 semblait improbable. Pourtant il est arrivé. Il était cependant prévisible, puisque le Japon se situe sur une plaque tectonique.

Écrit par : Feuilly | 02/04/2011

Les commentaires sont fermés.