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05/12/2009

Instant d'éternité

Finalement, ce n’était pas si terrible d’être mort. Sa vie (si l’on peut dire), s’écoulait calme et tranquille. Certes, il ne parvenait pas à lire, ne sachant plus tourner les pages, mais il pouvait par contre jouir du soleil et se promener le long du fleuve sans se faire remarquer, ce qui était tout de même appréciable. Parfois, durant les longues après-midi d’été, il s’asseyait sur un banc et restait là à contempler l’écoulement régulier de l’eau. C’était une manière comme une autre de comptabiliser le temps qui passe et de mieux apprécier l’éternité dont il jouissait maintenant. Il regardait aussi les femmes qui marchaient sur le chemin et qui étaient loin de soupçonner sa présence. Il les trouvait belles, terriblement belles et ne pas pouvoir le leur dire gâchait tout de même son plaisir. Mais le plus dur, c’était le matin, au réveil, quand il voulait se contempler dans un miroir et qu’il n’apercevait plus son image. Cela lui faisait un choc à chaque fois, il n’y a pas à dire. Même chose le soir, quand le soleil rasait l’horizon et qu’il cherchait en vain son ombre devant lui, là où elle aurait dû se trouver et là où elle n’était plus.

 

 

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01:12 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature

Commentaires

Consolons-nous par l'humour : parfois, mieux vaut ne pas la voir, son image matinale dans la glace, tant l'écart entre ce qu'on sent de l'intérieur et ce qu'on voit à l'extérieur est grand.
J'aime bien cette idée de revenant, idée chère à Béraud, d'ailleurs, puisque c'est la matrice initiale de nombre de ses personnages.
J'ai l'impression que vous voilà embarqué dans un récit qui commande une suite.

Écrit par : solko | 05/12/2009

Les revenants...

Dans un roman de seconde zone (dont j'ai oublié le nom) le revenant - qui était une adolescente - se "matérialisait" (disons que sa conscience sortait de la nuit) quand les personnes vivantes pensaient à elle, comme si le fait de penser à elle lui permettait de revivre.

Cette idée originale me revient souvent en mémoire: nos morts sont-ils près de nous lorsque nous pensons à eux ? :-D

Écrit par : Cigale | 06/12/2009

J'aime beaucoup votre texte.
M'accompagne parfois la solitude, puis me souvenir de certains bons moments, penser aux absents. Remplir cette solitude d'un peu de nostalgie, c'est un peu sourire à nouveau avec eux : les absents. Perdre l'esprit et ma vie quelques minutes , revivre avec eux juste un instant.

Écrit par : ellesurlalune | 07/12/2009

@ Solko : « J'aime bien cette idée de revenant » Sans doute est-ce une manière, en faisant revivre les morts, d’atteindre à une certaine éternité.

@ Cigale : « nos morts sont-ils près de nous lorsque nous pensons à eux ? » Grave question. En tout cas ils vivent encore un peu grâce à notre souvenir. Pour le reste, qui peut savoir…

@ Ellesurlalune : « revivre avec eux juste un instant. » Non seulement les absents revivent par notre souvenir, mais nous aussi, finalement, en nous remémorant les moments précieux que nous avons pu vivre avec eux. D’où, une nouvelle fois, l’importance de la mémoire dans ce qui nous constitue. Et les absents, ce sont aussi sont qui sont partis bien loin ou qui ont disparu de notre vie par les hasards de l’existence.

Écrit par : Feuilly | 07/12/2009

Simple indiscrétion! Feuilly, est-ce ton vrai nom, ou serait-ce le pseudo d'un descendant de François-René de Chateaubriand de sinistreS mémoires?

Solko a raison. L'histoire promet. Mais je ne te suivrai pas au-delà des spectralités d'un Oscar Wilde... à Canterville, bien sûr.

Écrit par : giulio | 07/12/2009

Eh bien voilà, en attendant que tu nous livres la suite, je me mets à lire "Lazare" d'Henri Béraud (Albin Michel, 1924). Il n'y avait à l'époque pas de 4e de couverture pour dévoiler le propos. Mais Béraud dédie ce livre à un ami :
"(...) Il se peut que ces sortes d'énigmes laissent indifférents tous ceux quii nous précèdent comme ceux qui nous suivront, mais nous qui vieillîmes sans vivre, avons trop fréquenté les morts pour résister aux vertiges de certains gouffres.
D'autres diront si, par cet ouvrage, l'auteur parvient tout ensemble à élargir les possibilités de la vraisemblance et à communiquer sa propre angoisse."

Écrit par : Michèle | 07/12/2009

@ Giulio: Feuilly est un pseudo. C'est le nom d'un grand plateau boisé dans ma région natale.

Pour le reste, je suis embêté car tout le monde attend une suite alors qu'il n'y en a pas. Ce n'était que quelques réflexions couchées sur le papier et transposées sous forme d'histoire.

Écrit par : Feuilly | 08/12/2009

Pour ma part, je n'attends pas de suite. J'ai écrit "en attendant que tu nous livres la suite", un peu comme j'aurais dit "tiens ce que tu écris m'amène à, me donne envie de".
J'aime les fragments, les notes, les p'tits bouts d'affaires, les grands bouts d'affaires.
Ce qui se passe sous la plume de ton clavier m'intéresse :-)

Écrit par : Michèle | 09/12/2009

Je m'en doutais bien, oh natif du plateau feuillu!
C'est tes spectralités qui m'interpellaient, moi, pour qui elles n'ont jamais été au-delà des canterburiennes d'Oscar Wilde. Bonne hibernation!

Écrit par : giulio | 10/12/2009

Comme l'a dit FM avant sa mort : "ce n'est pas le fait de mourir qui me soucie, c'est de ne plus être!".

Écrit par : Jean de Mezzaluna | 13/12/2009

Ne plus être, voilà le drame, en effet.

Écrit par : Feuilly | 22/12/2009

Les commentaires sont fermés.