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15/09/2009

Le promeneur solitaire

Le promeneur solitaire parcourt la dune, perdu dans ses pensées, entre la rumeur de la mer et les montagnes empourprées du couchant.

 

Il marche, rêveur, dans l’infini des sables, et songe à ces cités englouties dont parlait le poète.

Vivent-elles encore au fond de l’eau, les belles sirènes d’autrefois ou ne sont-elles plus qu’un souvenir dans la mémoire des hommes ?

 

Il marche le promeneur, dans le bleu du soir et pense à tous ces peuples qui ont foulé le même sable, depuis la nuit des temps, depuis que le monde est monde. Que reste-t-il aujourd’hui de leurs conquêtes, de leurs rêves, de leurs aspirations ? Il n’en reste rien et tout cela ne fut qu’un reflet éphémère, comme ce scintillement passager au crépuscule, sur la mer.

 

Il fait noir maintenant et le mendiant s’est arrêté sur le sommet de la dune. Il a tout perdu, même son ombre, qui s’en est allée rejoindre les flots verts qui s’agitent dans l’obscurité.

 

Le voilà perdu, le promeneur solitaire, en ce désert de sable. Sur les rivages de la nuit, il cherche son chemin, n’ayant pour se guider que l’éternel grondement de la mer et la rumeur des vagues.

 

D’autres sont passés avant lui, qui ont disparu. D’autres passeront après lui, qui découvriront peut-être dans le sable les os blancs anonymes d’un promeneur éphémère. C’est sa mémoire, sans doute, qu’honore le vent, quand il siffle en gémissant, les soirs de tempête et qu’il emporte le sable en tourbillons fantastiques.

 

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00:03 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : poésie

Commentaires

Votre écriture est tout à fait remarquable...
Je suis sous le charme.
Merci

Écrit par : Monsieur N | 15/09/2009

C’est une peinture. Cet homme qui chemine d’un pas lourd sur un fond de dunes de sable sans consistance… Puis il sort du tableau laissant derrière lui un fond blanc. Et tous le rêves restent en cale sèche.

Écrit par : Halagu | 16/09/2009

C'est très beau !

Écrit par : Cigale | 16/09/2009

Merci à tous pour votre lecture.

Écrit par : Feuilly | 16/09/2009

@ Halagu (suite): en effet, le personnage sort du tableau à la fin. D'une simple promenade en bord de mer on passe à une réflexion existentielle (les peuples disparus) puis on se projette dans le futur, à un moment où le protagoniste aura disparu lui-même. A la limite, durant sa vie,il n’aura fait que marcher sur cette plage avant d’y mourir et cette marche doit être vue comme un symbole (cf. « sur les rivages de la nuit, il cherche son chemin »)

Écrit par : Feuilly | 17/09/2009

Oui Feuilly c’est cette réflexion existentielle que s’est imposée à moi à la lecture de ce petit chef d’œuvre. Oui le mendiant n’aura fait que marcher et marcher sur cette plage, c’est Sisyphe condamné à faire rouler une énorme pierre jusqu’au en haut d’une montagne et encore et encore et toujours. Nous sommes le mendiant, nous sommes Sisyphe. Et puis il disparait comme d’autres avant lui. Dans le silence qui a suivi sa disparition, j’entends, hélas, la question lancinante que l’humanité se pose depuis les temps les plus reculés. La force du texte est là, troublant et poétique. Merci.

Écrit par : Halagu | 17/09/2009

Nous sommes Sisyphe, en effet. Encore que Sysiphe roule son rocher pour l'éternité tandis que nos jours sont comptés. La question fondamentale est donc de savoir si on peut accepter cette situation, si on peut admettre que nous ne soyons que de passage, avant de disparaître complètement.

Écrit par : Feuilly | 19/09/2009

Dans son essai sur l'oeuvre de Michel Deguy "Le poète que je cherche à lire", Jalel El Gharbi évoque longuement un livre de Deguy "La poésie n'est pas seule", où sont explicités les fondements "d'une poétique poétique" qui est une poétique de poète mais aussi de lecteur.

Je n'entrerai pas ici dans la passionnante démonstration de Jalel El Gharbi sur le "Faire figural" de Deguy ; je me contenterai de citer le fragment de "La poésie n'est pas seule" auquel me renvoient vos commentaires, Halagu et Feuilly :

"Le monde est inaméliorable, c'est lui le tonneau danaïdien et sisyphéen qui roule en carnaval, qu'aucun bain de sang ne peut désaltérer ; il est seulement métamorphosable en sa gloire, en son feu, par l'incendie d'un vitrail, d'une tapisserie, dans le moment de sa fin, théâtralement."(La poésie n'est pas seule p.15)

La poésie se présente comme une consolation dans un monde qui a toujours été empreint d'immonde, dit Gharbi, qui souligne que cette récrimination ne s'appuie sur aucune nostalgie car, pour Deguy, il en a toujours été ainsi du monde. Le monde est comme ça, il n'y a pas d'idéal passé à reproduire.

Où trouver refuge ? (continue Gharbi et je le cite) Refuge, i.e. recours, ou logis - ce qui n'exclut aucun mode d'être du nomadisme à l'errance -, lieu de repli pour penser son habitat (qui peut être itinérant) et se munir de cette "capacité d'habiter" le monde. Et le poète convient à la suite de Hölderlin que "c'est poétiquement que l'homme habite cette terre" à quoi seul peut remédier "comme", la métaphore.

A un autre moment de ce livre, Jalel El Gharbi évoque la "fable amour" chez Deguy, comment la vérité est dans la fable et comment la mer est un synonyme, un parophone de l'amour. L'amour qui a ses fables autobiographiques...

Et je vais relire "Le promeneur solitaire" pour la énième fois (pour la "danse qui en accompagne le chant").

Écrit par : Michèle | 21/09/2009

"La mer est un synonyme, un parophone de l'amour. "
Voilà qui donne encore une autre dimension à ce poème. Cette mer le long de laquelle le promeneur marche et dont il attend beaucoup (mais elle lui donne bien peu), ce serait donc l'amour? Mais quel amour, celui du monde ou celui d'une femme?

Écrit par : Feuilly | 21/09/2009

Je ne réponds pas à ta question, qui ne m'est pas adressée.
Mais voici ce qu'écrit Jalel El Gharbi :

Qu'on chante l'amour, la mer ou même la catachrèse, c'est toujours le chant même qu'on chante car "c'est au dire que se réserve en vérité le dire".

Écrit par : Michèle | 21/09/2009

"c'est au dire que se réserve en vérité le dire".
Qu'est-ce à dire? Qu'on parle pour parler, qu'on écrit pour écrire et que dans le fond peu importe le sujet abordé?

Je me méfie un peu de telles affirmations. La critique universitaire est friante de ce genre de discours: la poésie ne dit rien, si ce n'est elle-même et la langue littéraire n'a d'autre message à transmettre que sa spécificité à elle.

Je crois au contraire que la littérature ne doit pas s'envisager comme un simple jeu sur la forme (mais elle est cela aussi, bien entendu) mais au contraire comme la seule discipline qui soit capable de parler de l'humain, de ce qui s'agite au plus profond de nous.

Écrit par : Feuilly | 22/09/2009

"La seule discipline qui soit capable de parler de l'humain, de ce qui s'agite au plus profond de nous" :

Justement c'est pour cela que le dire est essentiel et que la poésie qui dit au plus près, au plus juste est un fait de langue. Cela m'a toujours fait sourire, parfois agacée, que l'on puisse trouver un coucher de soleil "poétique". NON, la poésie est dans la langue ou elle n'est pas. Et que "le dire se réserve en vérité au dire" c'est bien parce que c'est le seul vecteur. Sinon on ne dit RIEN. Et on ne dit donc pas l'humain.

Écrit par : Michèle | 22/09/2009

Le terme poétique peut, me semble-t-il, caractériser tous les événements qui sont capables de faire naître une émotion. La nature est toujours source d’émotion que le poète peut saisir et transcrire, s’il a du génie, en langage poétique. « Ah ! frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le génie », disait A. de Musset.

Écrit par : Halagu | 24/09/2009

"la poésie est dans la langue ou elle n'est pas" dit Michèle. certes, certes, mais comme le remarque Halagu, elle est dans "tous les événements qui sont capables de faire naître une émotion". Sans le monde extérieur, point d'émotion et donc point de poème (ou alors une poésie creuse, toute formelle). Et ces émotions, on peut les traduire en effet en poèmes, mais cela pourrait être aussi en tableaux pour un peintre ou en musique pour un musicien. Exprimer de l'émotion ne me semble pas l'apanage exclusif de la langue, il y a d'autres moyens (même si c'est le mien).

Donc, comme le remarque Musset, tout est d'abord dans le coeur, dans le regard qu'on porte sur les choses.
Après, une fois qu'on a choisi son moyen d'expression (par exemple l'écriture), il est certain qu'il faut user de tous les moyens que celui-ci met à notre disposition et là, effectivement, on peut parler de fait de langue car le poète joue avec la langue pour faire ressentir à autrui tout ce qui l'a touché et qu'il a préalablement perçu.

Écrit par : Feuilly | 24/09/2009

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