Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/06/2008

Solstice

Pour revenir au solstice d’été, il y a dans cet apogée quelque chose qui me dérange et ce quelque chose, c’est le fait qu’il va bien nous falloir maintenant redescendre.

Pendant les mois d’hiver, courbés sous le vent et la pluie, nous avons attendu des jours meilleurs. Quand enfin ceux-ci arrivent officiellement (selon le calendrier cosmique, pour ce qui est de la météo, c’est encore une autre affaire), le plaisir est aussitôt gâché par le fait que les jours vont commencer, inexorablement, à raccourcir. Certes l’été est devant nous (car les beaux jours sont décalés par rapport au solstice : il faut laisser à la terre le temps de se réchauffer) mais le ver est dans le fruit. Cette promesse d’été est entachée de la certitude que le compte à rebours a déjà commencé et que nous sommes aussi proches du début de l’hiver suivant que nous ne le sommes du début de l’hiver passé.

Ainsi en va-t-il dans l’existence. « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard » comme dit le poète. A peine sommes-nous sortis de l‘enfance que tout est déjà consumé. Après quelques années gaspillées à assurer ses arrières sur le plan matériel, quand enfin on va pouvoir se consacrer à ses rêves, on se rend compte qu’ici aussi le compte à rebours a déjà commencé et qu’il est même déjà bien entamé. Qu’y faire ? Fixer le trou noir de l’hiver qui ne manquera pas d’arriver n’y changera rien. Refuser de le voir confinerait à la bêtise. S’en accommoder serait de la lâcheté. Alors ?

Alors je n’ai pas de solution, mais je sais que dans la vie, cet hiver qui approche ne sera pas suivi d’un nouveau printemps.

Car la vie est unique. On nous demande de faire le brouillon et d’écrire au net en même temps. Les ratures ne sont pas permises et toutes les fautes nous sont comptées. Le temps d’y voir un peu plus clair dans nos idées, au moment où nous reprenons le stylo pour écrire ce que nous avons à dire, les copies sont déjà ramassées.

Et en plus, elles ne seront lues par personne.

On se demanderait bien dans quel jeu nous jouons.

Ps. :certains disent que je suis parfois un tantinet pessimiste. Il se pourrait bien, finalement, qu’ils aient raison.


MontsegurSolsticeEte2003.jpg

00:22 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : solstice d'été

Commentaires

Euh...profiter du temps présent... ? :-)

Écrit par : Cigale | 26/06/2008

Oui, Cigale, ce ne serait déjà pas si mal. Vous qui revenez des bords de l'abîme, vous savez de quoi vous parlez. La nature, d’ailleurs, nous a conçus ainsi. Nous sommes conditionnés pour nous diriger là où nous trouvons notre plaisir. Cependant, ce n’est pas notre contentement qu’elle vise, en agissant de la sorte, mais la pérennité de l’espèce. Tout est mis en œuvre pour que l’individu survive et avec lui le groupe auquel il appartient.

Mais ce « carpe diem » plein de bon sens doit-il nous faire oublier le côté tragique de notre destinée ? Et doit-il nous empêcher de voir que même quand nous croyons agir pour notre propre bonheur nous ne sommes en fait que des pions dans un jeu qui nous dépasse ? Qui a inventé un jeu pareil et pourquoi ? La question, au moins, mérite d’être posée. Selon la théorie quantique, le hasard seul expliquerait tout. Certes, mais cette réponse ne semble guère satisfaisante. La nature ? Sans doute, mais cela ne nous dit pas pourquoi elle agit ainsi et d’ailleurs s’exprimer de la sorte, c’est déjà supposer dans cette nature un projet délibéré et pensé, ce qui paraît bien étrange. Une divinité quelconque ? Ah, ce Dieu-là semble bien avare de ses bienfaits, puisqu’il les reprend aussitôt que nous y avons goûté.

Un prêtre à qui je tenais un jour ce discours me disait que c’était là blasphémer et qu’en outre je me montrais bien ingrat envers tout ce que son Dieu m’avait donné (à commencer par la vie). Il avait raison, évidemment, mais lui-même avouait ne pas être tout à fait sûr de croire en l’existence de ce Dieu et que finalement seule comptait pour lui la solidarité entre les hommes, la petite étincelle qui faisait que chacun était disposé à aider son prochain. Je comprends ce qu’il voulait dire, mais cela revenait à réitérer mon propre discours, à savoir que l’individu œuvre pour la pérennité de l’espèce. Cela ne nous dit toujours pas pourquoi cette espèce se doit d’exister.

Tant qu’il y aura des loups, ils mangeront des moutons pour survivre, en quoi ils font leur métier de loups. Mais pourquoi faut-il qu’il y ait des loups ? Pour manger les moutons, me direz-vous. Mais les moutons, alors, pourquoi existent-ils ? Pour que les loups n’aient jamais faim, évidemment. Belle logique, qui ne me rassure guère.

Écrit par : Feuilly | 26/06/2008

Je pose une question et j'ouvre cette page et cela va plus loin que ma question...
Je sens aussi comme une nuit habitée. Parfois, je monte, dans la grande Chartreuse, dans un petit monastère aimé. J'y retrouve toujours la même chambre et son silence face à La Belladonne où les crépuscules sont un peu tristes mais où l'aurore réveille les glaciers. Votre photo est belle, votre question aussi...
Eh bien, là-bas, je dessine et j'écris avec le même outil. Quand mes yeux et mes pensées se sont reposés sur la beauté du monde, les mots viennent naturellement, avec leur note juste, sans drame, sans tourment...se posent comme une plume sur la feuille entre un dessin d'arbre ou de fleur ou d'herbe... Car être resté immobile, des heures durant, à se laisser porter au coeur des choses, laisse émerger une trace, me relie à plus grand que moi, à antérieur à moi, à persistance après moi.
Se relier au coeur des choses efface les questions et nous ensemence d'indicible. Et ce qui vient là est bon. Nul ruse, nulle cruauté mais du silence et de la bonté. S'adosser à ce silence habitable n'explique rien mais repose l'âme...et rend la mort moins effrayante, juste un passage, une porte à ouvrir pour être au coeur des choses...
Cet "hiver" qui approche sera suivi d'un printemps dont vous n'avez pas idée ! un solstice d'émerveillement. Les choses contemplées et dessinées m'en ont parlé...

Écrit par : Christiane | 06/07/2008

M'est revenu un souvenir qui se plante bien là-dedans.
Avez-vous touché le corps de l'être aimé quand la mort est encore neuve, quand elle vient juste de chasser définitivement la vie, quand nous posons une caresse ultime ? A ce moment-là où nous ne pensons plus, s'inscrit, malgré nous une connaissance, (co-naissance), qui nous reviendra, plus tard... car nous étions sur la crête des deux faces de cette vie et nous le sentions, nous aurions pu savoir mais le chagrin nous refusait ce voyage...

Écrit par : Christiane | 07/07/2008

Cette co-naissance est surtout un adieu.

Mais je comprends ce que vouslez dire avec votre grande Chartreuse. Etre relié à quelque chose de plus grand que soi, appartenir à un tout. C'est rassurant, c'est bénéfique même pour l'individu. Mais on se rapproche de la disparition consentie dans le néant.

Écrit par : Feuilly | 07/07/2008

Depuis que vous répondez je suis sensible à l'extrême délicatesse de votre façon de cheminer auprès de la pensée de l'autre. Je ne voudrais pas envahir votre site.Je ne réagis pas toujours volontairement mais il y a vraiment des paroles, des textes qui m'interpellent. Ce que vous écrivez me donne envie, non de répondre, mais de cheminer. vous êtes comme un déclencheur d'écriture. J'ai remarqué que lorsque les com. virent à la querelle politique ou idéologique cela m'intéresse moins. Non, vraiment l'essentiel se situe dans "quelque chose" qui émane des mots que vous écrivez, une sorte d'appel à la langue, une langue qui sonnerait si juste qu'elle ouvrirait une sorte de porte oubliée. J'entre et bientôt je chemine seul, au seuil de ma propre langue et les mots s'ordonnent très rapidement comme s'ils n'attendaient que cela depuis longtemps. C'est seulement après que je m'aperçois qu'on a dialogué en profondeur mais, avant, vous m'avez laissée toute à la joie de découvrir ce que cette langue avait à me dire.
Ainsi de la mort. Ce n'est pas tout à fait ce que vous y avez vu. Je vais essayer d'expliquer.
Surtout si cela est trop long, n'hésitez pas à effacer car c'est d'abord à vous que je m'adresse en écho à ce que vous venez d'écrire.
Quand j'ai eu cette expérience de cette mort qui s'installait, j'ai senti, intimement que les choses se passaient à des vitesses différentes. Le corps (l'écorce) partit en premier et devint rapidement froid et dur comme une pierre mais "quelque chose" stagnait dans l'air, qui était encore là, comme un souffle. Cela dura quelques heures puis se dissipa.
"Quelque chose" s'était scindé en deux, s'était échappé du corps, s'était attardé et avait disparu. Ce n'est pas une dérive religieuse, non, une connaissance, une co-naissance puis une inconnaissance.
Vous devez trouvez cela complètement fou. Je ne savais plus cela avant que vos mots aient rappelé cette expérience troublante que j'avais enfouie dans l'inconscient. Mais quoi de vos mots, je ne sais...Je dirais, une ambiance créée par leur agencement. Ils se posent et "quelque chose" en émane...
"Bizarre, vous avez dit bizarre..."
Désolée pour la répétition du mot "quelque chose" mais je ne sais vraiment pas comment nommer cette..."chose-là" !

Écrit par : Christiane | 07/07/2008

Enfin, votre histoire de "loups" et de "moutons"...je connais cela , reconnais cela...Le mal, la souffrance : pourquoi ? Si Dieu est le bien absolu qui a créé la mal ? Et pourquoi le mal ? Moi aussi combien de fois me suis-je retrouvée à partager le doute avec des religieux.
Sa réponse va très loin, elle signifie que l'éternité est de chaque moment de solidarité, d'amour, de fraternité partagés et volés à l'absurdité , au tragique et à la beauté de cette création.
Vraiment bien sur ce blog, mais si vous ne supportez plus, faites signe et je déguerpis !

Écrit par : Christiane | 07/07/2008

Non, non, continuez, le site est ouvert à tous et vos réflexions m'intéressent. Encore que je ne comprenne pas bien ce que ma parole peut ainsi déclencher.

Écrit par : Feuilly | 07/07/2008

Alors je cite :
"Pour revenir au solstice d'été, il y a dans cet apogée quelque chose qui me dérange et ce quelque chose, c'est le fait qu'il va bien falloir maintenant redescendre..."
Un, j'attrape la maladie du "quelque chose"
Deux, me voilà ramenée dans La Grande Chartreuse, à guetter au solstice d'été, les rayons du soleil qui tombent à l'aplomb de l'autel, dans la merveilleuse petite chapelle du douzième siècle, dans laquelle j'aime méditer. (La pierre de l'autel qui avait été enterrée pendant la révolution, pour la protéger,vient d'être mise à jour, lors d'un chantier de réfection du sol et maintenant, a retrouvé sa fonction initiale. C'est une grande pierre noire portant des gravures sacrées remontant au Moyen-âge... Et ça c'est le début de votre souffle sur mon écriture !
La suite m'a émue comme je ne saurai le dire, et, entrant dans votre hiver, qui est aussi le mien (celui des sans râtures !!!) j'ai donc éveillé ce souvenir d'un glissement furtif vers cet autre chose où... s'il y a glissement, seulement glissement, l'oxymore prend un goût de choses possibles (Si vous promettez de penser à moi quand je mourrai, je promets de penser à vous quand vous mourrez) et devient échange de "la base et du sommet" (pour emprunter ce titre de poésie à René Char )
Figurez-vous qu'il vient de m'arriver une chose, bien étrange, qui ne va pas vous déplaire. Je commande en livre d'occasion par "Amazon" (ça m'arrive, pour alterner avec ma petite librairie préférée quand le délai d'attente est trop long pour une faim... vorace de lire...ou de relire...), "La vie de Henri Brulard", livre que j'avais égaré dans un de mes trop nombreux déménagements et j'écris au vendeur ma joie et ma perplexité de recevoir ce livre qui avait été lu, aimé et, hélas,abandonné. Il me répond, ce soir, par un mail, me disant qu'il est prof de français, qu'il avait acheté ce livre dans une brocante où étaient vendus les livres de la bibliothèque de Colette Colinger, professeur de français, proviseur de lycée, écrivain...décédée. Alors là ! je tombe en amour devant ce livre et celle qui ne s'en est séparé que pour mourir, et en amitié avec ce vendeur. Et ce livre a transité, par un amoureux des livres, pour atterrir dans mon capharnaüm...
Vous voyez bien que les morts nous soufflent de leur amour, bien après qu'ils nous aient quittés... merci de votre accueil, cela me change de deux sites où l'accueil s'est changé en... éjection. Je devais perturber avec mes com. qui devenaient des crues de mots irrépressibles ! Si cela vous arrive faites signe avant... l'exaspération, pour qu'on se quitte bons amis !

Écrit par : Christiane | 08/07/2008

Oui, ces livres qui cheminent ainsi, via les bouquinistes et je me demande aussi parfois par quelles mains ils ont pu passer. Des mots sont soulignés, qui nous indiquent ce qui, pour cete personne inconnue, a semblé important. Parfois un nom, sur la page de garde, donne comme une piste qu'il suffirait de suivre. Ou bien une dédicace de l'auteur à quelqu'un qu'il semblait connaître. Qui? Mystère. Du coup, je me sens moi aussi plus proche de cet auteur, comme si c'était à moi qu'il avait ainsi confié son livre.

Et parfois je me demande ce que deviendront mes livres, un jour. Peut-être qu'un acheteur inconnu se posera les mêmes questions que moi, à savoir qui était ce lecteur qui soulignait ainsi certains passages. Quelque part, un fragment de ce que j'ai pu pensé ou ressentir survivra d'une manière éphémère et incomplète. "Si vous pensez à moi à moi après ma mort, je penserai à vous..."

Ainsi, par delà la tombe, les lecteurs tissent un fil invisible qui est celui de la mémoire de l'humanité, un fil finalement plus important que les grands événements que sont les guerres et la chute des empires.

Écrit par : Feuilly | 08/07/2008

C'est tout à fait comme cela que je ressens cela...je me repose dans votre pensée qui continue la mienne...

Écrit par : Christiane | 08/07/2008

Les commentaires sont fermés.