17/10/2007
De l'édition
Sur son blogue, « La Lettrine », Anne-Sophie Demonchy nous propose un résumé de l’entretien qu’elle avait eu avec Dominique Gaultier, le directeur du Dilettante.
A un certain moment, celui-ci nous livre une réflexion pour le moins étrange :
« Si un auteur ne s’adresse pas au bon éditeur, c’est qu'il est mauvais. Il ne lit pas, donc il envoie son manuscrit comme une bouteille à la mer. Je ne crois pas qu’on écrive un chef d’œuvre sans avoir une idée de l’éditeur chez qui l’envoyer. »
Outre le fait qu’on imagine mal quelqu’un qui écrirait et qui ne serait pas, par ailleurs, passionné par la lecture, une telle phrase part du présupposé qu’il convient de lire tout ce qui s’écrit aujourd’hui (sinon comment connaître les tendances des différents éditeurs ?). Cela signifie donc qu’il vaut mieux s’imprégner des 720 romans de la rentrée que de lire les classiques, ce qui me dérange déjà quelque peu.
Il est certain qu’il est un peu vain d’envoyer son manuscrit au hasard, mais d’un autre côté le premier devoir d’un écrivain est d’écrire. Sonder les tendances éditoriales du moment fait partie d’une autre stratégie, nécessaire certes, mais qui n’a rien à voir avec les qualités littéraires dudit romancier. On pourrait plutôt parler ici d’une opération qui s’apparente à celle du marketing : savoir trouver un débouché pour son produit. Bien sûr, celui qui ne saura pas réaliser cette démarche ou qui n’aura pas les qualités pour la mener à bien pourra laisser son manuscrit moisir dans ses tiroirs. Mais est-ce pour cela qu’il faut le qualifier d’emblée de mauvais auteur ? On pourrait d’ailleurs retourner l’argument et dire que celui qui se fait éditer est peut-être justement celui qui est assez perspicace pour se rendre compte de ce qui plaira. En d’autres termes, son texte aurait pu être écrit en tenant compte d’une certaine attente. Si tout le monde agit de la sorte, on risque bien de se retrouver devant une production fort monotone. Au fait, qui a dit que les 720 romans de la rentrée se ressemblaient un peu tous et qu’ils étaient interchangeables?
De plus, si on veut bien y réfléchir, il est parfois difficile de déterminer quelle est la tendance d’un éditeur. C’est peut-être assez aisé à repérer pour les petits, qui ne proposent que quelques auteurs, mais pour les grandes maisons possédant plusieurs collections, tous les genres et toutes les tendances peuvent être représentés.
D’un autre côté, il y a lieu de considérer les propos de notre éditeur comme dénués de sens dans la mesure où (ce n’est un secret pour personne) aucun manuscrit n’est publié en arrivant anonymement par la poste. Il faut donc être introduit dans une maison d’édition pour espérer un tel honneur. Dans un tel contexte, évidemment, on comprend que la moindre des choses est de se plier à la « tendance » de la maison.
21:12 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Littérature, édition.
Commentaires
Bonjour,
j'ai lu votre réponse sur le site La Lettrine et vous ai suivi jusqu'ici. Tou cela pour dire que j'abonde complètement dans votre sens.
Au plaisir de vous lire à nouveau...
Écrit par : Mikael | 18/10/2007
Bonjour,
je pousuis avec vous le débat ici puisque vous développez votre idée. Je comprends mieux ce que vous vouliez dire en parlant de lire/écrire. Je ne crois pas que Gaultier parlait de lire tous les livres publiés... Mais de simplementy savoir à qui on envoie son manuscrit. Tout simplement distinguer une maison comme Odile JAcob de la sienne.
D'autre part, vous avez raison quand vous dites qu'on ne peut pas tout lire. Mais comment un auteur choisit-il les maisons d'édition à qui il envoie son manuscrit s'il ne sait pas du tout ce que contient le catalogue.
Enfin lorsqu'on demande à un éditeur quelle est sa ligne, inlassablement il répond qu'elle correspond à ses goûts. Dans ce cas, évidemment, il est très difficile de savoir précisément si le roman va plaire ou non...
Écrit par : Anne-Sophie | 18/10/2007
A Mikaël : amusant de vous retrouver ici. Je connaissais déjà votre site où je me promenais parfois sur la pointe des pieds.
A Anne-Sophie: voilà, vous l'avez dit, il faut tomber sur un éditeur qui ait les mêmes goûts que vous. Bien sûr, les grandes lignes, on les connaît. Mais ce petit plus qui fait que votre manuscrit plaira à une personne tandis qu’il laissera une autre indifférente, c’est difficile à deviner. Et puis nos propres textes ne sont pas tous identiques. Il y en a des réalistes, des fantastiques, des poétiques, des politiques, le tout se mélangeant parfois. Vous pourriez me proposer différents textes, j’en aimerai certainement certains tandis que d’autres me plairont moins. Ce n’est pas pour cela qu’ils sont plus mauvais. Disons simplement que je serai moins entré en harmonie avec eux, c’est tout. Pourtant, si j’étais éditeur, la sanction tomberait aussitôt.
Écrit par : Feuilly | 18/10/2007
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