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17/08/2007

Histoire, légende et littérature

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Commémorons, avec quelques jours de retard, la mort de Roland, survenue comme chacun sait à Roncevaux le 15 août 778. Trois siècles plus tard, cet épisode tragique (l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne avait été massacrée par les Basques, lesquels, soit dit en passant, ne faisaient que se venger de la destruction de Pampelune, tout en ruinant les prétentions franques dans la région du grand Sud-Ouest) allait donner lieu à la Chanson de Roland, un de nos premiers grands textes littéraires.
On sait que Charlemagne (qui n’était pas encore empereur puisqu’il n’allait le devenir qu’en l’an 800) était parti assiéger Saragosse (Zaragoza) afin de lutter contre les musulmans et faire progresser la foi chrétienne. Ce que l’on sait moins, c’est qu’en 777, le gouverneur musulman de Saragosse, le wali Sulayman ibn al-Arabi était allé trouver Charlemagne pour se plaindre de l’émir de Cordoue (Abd er-Rahman 1er), lequel venait de rejeter l'autorité du calife de Bagdad (Al-Mansour) . Or, Charlemagne avait tout intérêt à soutenir le calife dans la mesure où celui-ci avait comme ennemi naturel l'empereur chrétien de Byzance (qui risquait de faire de l’ombre à Charlemagne). En luttant contre l'émir de Cordoue, l’aspirant empereur se faisait bien voir du Calife de Bagdad en qui il espérait sans doute trouver un allié futur. De plus, cette guerre serait l’occasion de s’imposer dans le Sud et de défendre le monde chrétien contre la pression musulmane.

En 778, il traverse donc les Pyrénées et prend Pampelune, Barcelone et Gérone. Mais pendant que l’émir de Cordoue monte à sa rencontre avec son armée, Charlemagne apprend que sa frontière sur le Rhin est menacée par les Saxons. Il lui faut donc remonter au plus vite. D’autant plus que les Chrétiens qui vivaient sous occupation musulmane ne se plaignent pas vraiment de leur sort (ils devaient juste payer une taxe à l’occupant) dans la mesure où les musulmans, minoritaires, les laissaient relativement libres. Difficile, pour Charles, d’apparaître en libérateur dans ces conditions. Il préfère donc faire demi-tour et, après avoir détruit les murs de Pampelune, il repasse les Pyrénées. C’est là que survient l’épisode de Roland, lequel est raconté par le moine Eginhard dans la Vita Caroli Magni.

Il faudra trois siècles pour que cet incident finalement mineur (Roland n’est qu’un obscur préfet de la Marche de Bretagne) devienne la chanson épique que nous connaissons. Ce n’est d’ailleurs que dans ce texte qu’on présente Roland comme le neveu de Charlemagne (voir manuscrit d’Oxford). Eginhard ne dit rien de tel. Nous touchons donc du doigt le génie de la création littéraire qui déforme et amplifie un fait (par ailleurs déjà très ancien) pour en faire une œuvre nationale. Car il est évident que les Chansons de geste, outre leur qualité artistique, répondent à des besoins précis : glorifier les ancêtres afin de poser les bases de la nouvelle société en train de se créer, lui donnant ainsi une sorte de légitimité. Tous les peuples ont agi de la sorte, que ce soit les Grecs (Iliade et Odyssée) ou les peuples nordiques (Veda). Plus tard, ces chansons de geste deviendront ce que nous appelons le roman.

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