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24/09/2008

Les lauzes

Dans un de ses billets, consacré à l’automne qui arrive, Angèle Paoli parle des lauzes.

« Je me chauffe au soleil, sur le fil du lézard. Qui file sa trajectoire sur les lauzes. »

Ce terme « lauze » ne m’était pas inconnu, mais je l’avais un peu perdu de vue. Évidemment, ici, il est surtout amené par sa sonorité, proche de celle de lézard, mais le sens aussi est respecté, puisque la lauze désigne la pierre plate que l’on utilisait dans le Sud de la France pour faire les toits.

Le terme a une orthographe incertaine (lauze, lause ou même lose) et, curieusement, il n’est repris sous aucune des trois formes dans mon Petit Robert et je ne l’ai trouvé que dans le Grand Larousse de la langue française en sept volumes.

Le mot provient de l’ancien provençal « lauza », lui-même issu du gaulois « lausa », qui signifiait dalle. Au XVI° siècle, on le retrouve dans l’expression « pierre lause » Il s’agit bien d’une pierre plate détachée par lits et utilisée comme dalle ou pour couvrir les bâtiments. Manifestement, la pierre en question doit être du schiste et pourtant le dictionnaire donne le terme « lave « comme synonyme. Il précise aussi que dans la région de Saint-Étienne, la lauze désigne un grès houiller micacé.

Le Robert historique, toujours aussi précieux, précise que l’usage de la lauze s’étendait de la Provence à la Lorraine et que le terme a été utilisé par Stendhal (il est vrai qu’il était originaire de Grenoble et qu’il n’a fait là que reprendre un régionalisme, peut-être à son insu). Ceci dit, pour ce qui est de l’origine du mot, Alain Rey nous renvoie, via le gaulois, à un mot inconnu d’origine préceltique et probablement non indo-européen. On ne peut être plus vague, mais finalement ces origines obscures, qui remontent à la nuit des temps, ont elles aussi leur charme.

Ce qui est étonnant, cependant, c’est que ce terme, qui a bien transité par le gaulois, n’ait finalement survécu que dans la partie méridionale du pays. Le massif armoricain et le massif ardennais connaissaient pourtant aussi ce genre de toiture faite de pierres entrecroisées. Quel nom leur donne-t-on dans ces régions ? J’avoue que je l’ignore.

En cherchant sur Internet, je trouve ceci sur un site professionnel d’ardoisiers :

Aussi appelée "ardoise de montagne",
la lauze est le produit rustique par excellence,
brut de clivage, épais, il résiste à tout.
Adaptée aux conditions extrêmes, la lauze fera merveille
l'hiver dans les zones très enneigées, ainsi que l'été
pour conserver la fraîcheur d'une maison en pierre.

Son aspect de pierre naturelle permet une intégration
harmonieuse dans le paysage.




L’explication réside peut-être dans le fait que le Midi est resté plus authentique par certains côtés que le Nord et que l’habitat traditionnel y a perduré d’autant plus facilement qu’il offrait des avantages (résistance au poids de la neige en montagne et fraîcheur pour les étés torrides des plaines).

Remarquons que notre mot losange vient lui aussi du gaulois « lausa », pierre plate, dalle. Par la suite, c’est la forme géométrique de ces pierres qui a prévalu et le mot est d’ailleurs devenu masculin au XVIII° siècle sous l’influence du genre des autres noms désignant des formes géométriques (carré, rectangle, etc.).

Quand je consulte le Robert historique pour le mot losange, je m’aperçois qu’il se montre aussi perplexe que moi. Il dit en effet que le terme viendrait du gaulois « lausa » , ce qui, sémantiquement, semble satisfaisant comme explication, mais il signale le problème géographique, le mot étant surtout limité à l’aire provençale et franco-provençale. Du coup, certains linguistes ont émis l’hypothèse d’une origine orientale avec l’arabe « lawzinag », mot désignant un gâteau (d’après lawz, amende). En réalité rien ne permet de retracer l’évolution du mot et le sens de gâteau, attesté en français au XIV° siècle, pourrait n’être qu’une analogie de forme avec le losange. Des spécialistes, cependant, veulent voir une origine arabe commune pour les mots « losange » (au sens de gâteau), «lasagne » et son synonyme provençal « lauzan. »

Nous voilà bien loin des toitures en pierre et plus loin encore du lézard du poème qui paressait au soleil.

RIMG0595 - Copie.JPG


12:19 Publié dans Langue française | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : lauze