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13/06/2008

Flaubert et l'éducation non sentimentale.

Si nous connaissons bien les œuvres des grands écrivains, voire leur vie, il n’en va pas de même en ce qui concerne leurs idées. Bon, bien sûr, nous savons que Jules Vallès n’était pas du même bord que Bernanos, mais en dehors des cas typiques, nous ignorons souvent ce qu’il en est de leurs points de vue politique. Ainsi, dans les notes qui se trouvent en annexe du Dictionnaire philosophique de Flaubert, je trouve ceci, qui ne manque pas d’intérêt :

« Si la France ne passe pas d’ici peu de temps, à l’état critique, je la crois irrévocablement perdue. L’instruction gratuite et obligatoire n’y fera rien – qu’augmenter le nombre des imbéciles (…) Le plus pressé est d’instruire les Riches, qui en sommes sont les plus forts. Eclairez le bourgeois d’abord ! Car il ne sait rien, absolument rien. Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de la bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli. Il lit les mêmes journaux et a les mêmes passions. »
(Lettre à Georges Sand, 7 octobre 1871).

On notera :

1) l’idée habituelle qui consiste à dire que la situation présente est désespérée et que tout allait bien mieux avant.

2) Le postulat (qui nous semble scandaleux) qui pose comme principe qu’il ne sert à rien d’éduquer le peuple et qu’il faut se concentrer sur les riches.

3) En dehors de ce paradoxe, on pourrait se demander si Flaubert n’avait pas raison, quand on voit la situation aujourd’hui. Les gens modestes ont en effet le droit de faire des études, mais c’est bien le modèle marchand de la bourgeoisie qui prédomine. Quelque part, les critiques de Flaubert à l’encontre du mari d’Emma ou du pharmacien Homais ressemblent à celles que nous formulons à l’encontre de Sarkozy et de ce qu’il représente. Notre écrivain cite même les journaux comme moyen d’abrutissement des masses. Il nous dit en substance que si c’est pour élever le prolétaire au niveau de la mesquinerie bourgeoise, on n’y aura pas gagné grand chose. Finalement, s’il vivait de nos jours, il ne se sentirait pas dépaysé.

07/06/2008

Sur les "fautes" de Flaubert

Flaubert, on le sait, est un homme qui travaillait et retravaillait ses textes. Jamais content de la forme obtenue, il raturait, puis raturait encore. Après ce labeur épuisant, il se mettait à déclamer sa prose tout haut, en hurlant dans ce qu’il appelait son « gueuloir ». C’est à l’épreuve de l’oralité qu’il décidait si le rythme et la musicalité de ses phrases étaient satisfaisants.

Pour Flaubert, comme pour Maupassant d’ailleurs, il n’y a qu’une bonne façon de dire une chose. Mais si l’écrivain qu’il était se devait de trouver le mot juste, il ne pouvait pas toucher à la syntaxe. Celle-ci, immuable, appartient à la collectivité. Selon cette conception, l’écrivain est un homme qui maîtrise à la perfection la langue commune.

Le problème commence lorsque cet écrivain se permet une déviance. Emploie-t-il un terme avec une acceptation un peu particulière ou trouve-t-il une tournure quelque peu singulière, qui s’écarte de la norme habituelle, et aussitôt lecteur est sur ses gardes. La liberté d’un écrivain comme Flaubert s’arrête là. Il peut jouer avec la langue, mais il ne peut jamais aller trop loin. Voilà donc sans doute pourquoi Flaubert raturait à l’infini. C’est qu’il était persuadé qu’il n’y avait qu’une manière de tourner sa phrase afin que celle-ci exprimât au mieux sa pensée. Plus tard, au contraire, des écrivains comme Proust penseront qu’ils peuvent utiliser la syntaxe comme moyen de singulariser leur style, de le rendre unique et donc d’affirmer leur personnalité via leur style propre.

Puis, voilà qu’en 1919 survient un débat qui a embrasé le pays et qui concernait les « fautes » de Flaubert. Ce fut une révolution. Subitement on semblait se rendre compte que ces grands écrivains qu’on avait toujours admirés n’avaient pas toujours respecté scrupuleusement les normes grammaticales. Ils s’étaient permis des écarts que les élèves des lycées ne se permettraient pas. Ils avaient donc trahi la langue et dès lors ils ne pouvaient plus être ceux qui en garantissaient la pureté. Ce fut un choc.

D’un autre côté, quelqu’un comme Proust défendra Flaubert, en disant que ses « fautes » étaient voulues et qu’il s’agissait en fait pour lui de se forger un style propre. C’est donc le rapport à l’écriture s’est modifié ainsi que le rapport entre la grammaire et la littérature. On ne demande plus à l’écrivain de respecter les normes mais d’être original. Il lui faut donc explorer les possibilités de la grammaire plutôt que de la respecter.

C’est ce problème qui est analysé dans mon article « Sur les fautes de Flaubert » paru dans La Presse littéraire.


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06/06/2008

Flaubert et son dictionnaire (suite et fin)

Mer : n’a pas de fond. Image de l’infini. Donne de grandes pensées.
Mercure : tue la maladie et le malade.
Minuit : limite du labeur et des plaisirs honnêtes. Tout ce que l’on fait au-delà est immoral.
Moulin : fait bien dans un paysage.
Moustique : plus dangereux que n’importe quelle bête féroce.
Musique : adoucit les mœurs. Exemple : la Marseillaise.
Oasis : auberge dans le désert.
Optimiste : équivalent d’imbécile.
Ouvrier : toujours honnête quand il ne fait pas d’émeutes.
Poésie (la) : est tout à fait inutile. Passée de mode.
Pucelle : ne s’emploie que pour Jeanne d’Arc et avec Orléans.
Rime : ne s’accorde jamais avec la raison.

05/06/2008

Flaubert et son dictionnaire

Pour agrémenter notre journée, voici quelques citations extraites du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert.


Bible : le plus ancien livre du monde.
Bouchers : sont terribles en temps de Révolution.
Epoque (la nôtre) : tonner contre elle. Se plaindre de ce qu’elle n’est pas poétique. L’appeler époque de transition, de décadence.
Etagère : indispensable chez une jolie femme.
Facture: toujours trop élevée.
Faubourgs : terribles dans les Révolutions.
Gothique : style d’architecture portant plus à la Religion que les autres.
Hippocrate : on doit toujours le citer en latin, parce qu’il écrivait en grec.
Homère : n’a jamais existé. Célèbre par sa façon de rire.
Hystérie : la confondre avec la nymphomanie.
Idéal : tout à fait inutile.
Imbéciles : ceux qui ne pensent pas comme vous.
Imprimerie : découverte merveilleuse. – A fait plus de mal que de bien.
Littérature : occupation des oisifs.
Livre : quel qu’il soit, toujours trop long.


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