16/02/2020
Asie
Il était arrivé avec pour tout bagage
Les souvenirs de pays ultramarins.
Il ramenait un peu de sable blond,
Quelques coquillages nacrés
Et une perle océane achetée sur un marché de Bombay.
Dans ses yeux, il y avait tout le soleil des îles sous le vent,
Les nuages de pluie des moussons
Et les cieux rouges des tropiques ensanglantés.
Il avait dû faire un terrible voyage.
Après avoir mené bien des combats
Et avoir fui beaucoup de guerres,
Il était revenu,
Conservant pour tout trésor le parfum d’une femme
A la chevelure de nuit.
Elle n’était plus que l’ombre d’un fantôme
Mais il ne pouvait oublier l’odeur de sa peau nue
Quand l’amour les rassemblait
Dans sa case de bambous.
C’était sa sœur aux yeux d’Asie
Assassinée par un soldat inculte
Alors qu’elle était le centre du monde.
Il avait dispersé ses cendres aux quatre coins de l’univers
Puis était sorti de la ronde pour revenir chez lui,
Oubliant ses rêves de grandeur
Et ne se souvenant que de la mort de cette fille
Dont il avait fermé les yeux
Tandis qu’une grande tache rouge
Rougissait la chemise sous son sein gauche.
Fuyant les alizés, reniant tous les dieux,
Il avait marché vers le nord, traversé des steppes infinies,
Franchi des déserts de pierres et des fleuves impétueux
Pour tenter d’oublier la tendresse de son regard,
L’accueil de ses hanches, et la souplesse de son ventre.
Mais il eut beau marcher, toujours il voyait l’éternelle blessure,
La tragique coupure, dissimulée dans la toison bouclée des rêves.
Il est donc arrivé un beau matin,
Ayant perdu toute illusion.
Il s’est assis sur le petit pont de pierres
Et a juste prononcé ces mots : « Me voici revenu ».
Puis il a contemplé l’eau fuyante de la rivière
Qui emportait son dernier rêve.
23:21 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature
05/02/2020
Les carnets de la vie
Dans les carnets de la vie
Les âmes se livrent
Nues pour l’éternité
Mais les questions demeurent sans réponse,
Interminablement.
Au bord du terrible gouffre final
Là où s’agite le grand océan inconnu
Le mystère reste total.
Quelques souvenirs survivront,
Un champ de blé sous les chaleurs de juillet,
Une rivière pure et froide dans la Provence éternelle,
Le chant des sirènes dans les oliviers,
Le bruit du tonnerre dans les montagnes catalanes
Et le sable infini des plages
Où tous les pas s’avanouissent.
Et puis bien sûr il y eut nos mains
Pour un instant unies
Et ces collégiales que nous visitions,
Amoureux des vitraux aux éclats de couleur,
Là où des saintes dénudées
Chantaient des cantiques mystiques
Sur des harpes de fortune.
Oui, que restera-t-il de toute vie
Quand la mer déferlera contre les falaises de la mort
Et emportera dans une gerbe d’écume
l‘inanité de tous les mondes ?
Il restera le rêve éternel
Et le désir inassouvi de notre rencontre improbable.
00:46 | Lien permanent | Commentaires (14)