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05/02/2020

Les carnets de la vie

Dans les carnets de la vie

Les âmes se livrent

Nues pour l’éternité

Mais les questions demeurent sans réponse,

Interminablement.

 

Au bord du terrible gouffre final

Là où s’agite le grand océan inconnu

Le mystère reste total.

 

Quelques souvenirs survivront,

Un champ de blé sous les chaleurs de juillet,

Une rivière pure et froide dans la Provence éternelle,

Le chant des sirènes dans les oliviers,

Le bruit du tonnerre dans les montagnes catalanes

Et le sable infini des plages

Où tous les pas s’avanouissent.

 

Et puis bien sûr il y eut nos mains

Pour un instant unies

Et ces collégiales que nous visitions,

Amoureux des vitraux aux éclats de couleur,

Là où des saintes dénudées

Chantaient des cantiques mystiques

Sur des harpes de fortune.

 

Oui, que restera-t-il de toute vie

Quand la mer déferlera contre les falaises de la mort

Et emportera dans une gerbe d’écume

l‘inanité de tous les mondes ?

 

Il restera le rêve éternel

Et le désir inassouvi de notre rencontre improbable.  

 

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Commentaires

L’esprit aimé a se torturer de ce qu’il n’aura plus, au moment même où il pourrait se réjouir de l’avoir... c’est le drame de l’humain.
Mais cela donne aussi des poèmes d’une grande force.
Carpe diem, plus que jamais. ♥️
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆

Écrit par : Celestine | 05/02/2020

@Célestine :en effet, on regrette souvent ce qu'on a perdu et on oublie ce que l'on a (ou que l'on pourrait avoir). C'était tout le drame de Lamartine devant son lac :))

Écrit par : Feuilly | 05/02/2020

Toujours dans tes poèmes, cette "rencontre improbable"... :-)

35.
Chaque jour serait une équation à résoudre
mais les termes varient dans cesse, compliquent
la recherche, annulent d'autres résultats.
Ce n'est qu'un lieu d'approche, pas de
rencontre.
Il me manque toujours ce qui aurait pu
être. Et qui peut-être a été.

41.
Nous sommes en attente de ce qu'on croyait
voir venir. Mais non, il arrive autre chose et
il faut tout refaire. De soi à soi. Jusqu'au
moment où, là, il y aura quelqu'un.

(extraits de L'homme qui penche, de Thierry Metz)
Je prends quelques phrases à la préface qu'en fait Cédric Le Pelven :

Vous êtes au seuil d'une grande oeuvre. Un
frère vous attend depuis des années et il a
quelque chose à vous dire qui s'adresse à cette
part de vous-même que vous vous efforcez de
taire et qui est la plus précieuse. Thierry,
c'est son prénom, traverse une épreuve. Cette
épreuve, c'est l'existence. Le fils perdu. Les
petits boulots qui empêchent d'écrire, qui
éreintent. L'alcool. La colère contre soi, contre
ceux qui l'aiment le plus.
(...)
Il se trouve que Thierry est maçon. Il se
trouve que Thierry est poète.
(...)
Il va vous dire à voix
haute ce qui chuchote en vous chaque fois que
vous posez le pied par terre, chaque matin :
rien ne va de soi. (27 novembre 2016)

J'ajoute ces éléments de biographie :
Thierry Metz est né en 1956 à Paris. En 1977, il s'installe à Saint-Romain-Le-Noble. Il travaille sur des chantiers. Le 20 mai 1988, Vincent, son second fils, est fauché par une voiture, qui passe sur la Nationale devant la maison. Le même jour il obtient le prix Voronca pour son recueil "Sur la Table inventée".
"L'homme qui penche" est écrit lors d'un second séjour volontaire à l'hôpital psychiatrique de
Cadillac. Il n'est pas plus fou que toi ou moi. Il lutte contre l'alcool et la dépression.
Le 16 avril 1997, Thierry Metz met fin à ses jours.

J'ai eu envie de ce partage. Et je ne sais pas lire la poésie sans connaître quelque chose du poète. Pour le roman, je m'en fous. Aucune importance. Le roman s'il est bon, donne les clés qui suffisent. La poésie, c'est autre chose.

Écrit par : Michèle | 06/02/2020

Merci, Michèle, pour cette longue citation (ô combien tragique, puisque le poète s'est suicidé). Cela rejoint ce que disait Halagu l'autre jour : la littérature pour sortir du quotidien et de notre solitude. Aller à l'essentiel et le dire.

Écrit par : Feuilly | 06/02/2020

A propos de "rencontre improbable": le mythe a toujours quelque chose d'excitant. La plupart des poètes créent un mythe ou un amour impossible -improbable rencontre, impossible oubli- pour trouver l'inspiration.

Écrit par : Halagu | 09/02/2020

@ Halagu : une sorte de vide, de manque de l'absolu auquel on aspire car le rêve est toujours plus beau que la réalité. D'autres se contentent intelligemment de ce qu'ils ont. Ils sont heureux, mais ne sont pas poètes :))

Écrit par : Feuilly | 09/02/2020

Au cours de son exil en France, la poétesse Marina Tsvetaeva vivait deux passions à distance: avec Boris Pasternak d'une part et Rainer Maria Rilke, d'autre part. Le premier vivait à Moscou et le second à Prague et elle ne les a jamais rencontrés . Marina Tsvetaeva maintenait de toutes ces forces cette ''non- rencontre'' qui sublimait l'émerveillement d'une relation amoureuse virtuelle et l'aidait à écrire ses plus beaux poèmes. Elle ne désirait surtout pas rompre le charme d'une relation exaltée qu'elle voulait peindre selon son imaginaire, selon ses fantasmes. L'absence ne profite-t-elle pas à l'imaginaire, à la passion ? Et ses amours incandescentes, pouvaient-elles s'épanouir sans la distance, sans l’absence, en dehors du rêve ? Rilke était effrayé, il ne savait pas comment gérer cette tempête qui arrivait par le courrier. Elle excitait son imagination et il était prédisposé à se laisser séduire tant que la distance pouvait être maîtrisée, respectée. Une phrase résume son état d'esprit, il lui dit : « Nous nous touchons comment? Par des coups d'ailes ». C'était ce qu'elle souhaitait entendre et répondait: « Moi je te parle. Je ne connais pas ta voix. Tu ne connais pas la mienne. Je viens jusqu’à toi. Tu viens jusqu’à moi. Qui peut s'imaginer ce que nous partageons ?» Et elle ajouta : « Je voudrais garder cet état de grâce, on se rencontre quand on a envie de parler, on est libre de toute contrainte... » Rilke, a eu ''l'élégance'' de mourir sans jamais la rencontrer. Il est resté auréolé et, pendant longtemps, Mairina a continué à l'aimer et converser avec lui comme s'il était encore en vie.
En même temps, l'amour de la poétesse pour Boris Pasternak commençait à dépérir. La raison est simple: ce denier a eu la mauvaise idée de rompre le charme d'une passion éthérée entretenue à distance. Il a choisi, en effet, de la retrouver à Paris. Et la rencontre l'a ramenée sur terre, elle qui habitait le ciel et méprisait la terre. Le virtuel a cédé la place au réel et l'inspiration amoureuse avait perdu de la hauteur. Il lui fallait l'impossible pour atteindre l'absolu.
Tout laisse penser que les sentiments amoureux démesurés et la poésie qui en découle, ne peuvent se concevoir que dans l'éloignement et la non-rencontre de l'être aimé ou d'un idéal inaccessible. C'est la seule manière de les sublimer... Même les yeux d'Elsa ne sont pas les yeux d'Ella.

Écrit par : Halagu | 09/02/2020

Merci pour cette explication éclairante. Le mariage, déjà, et la vie quotidienne, ont tendance a émousser l'amour initial. Seul ce qui est inaccessible est désirable. On comprend mieux l'exaltation mystique (et érotique) de Ste Thérèse d'Avila ou d'Hildegarde von Bingen. :))

Écrit par : Feuilly | 10/02/2020

Pour reprendre la référence d'Halagu aux "Yeux d'Elsa" :

Olivier Barbarant, fin lecteur de l'oeuvre d'Aragon (Aragon, la mémoire et l'excès - Champ poétique, Champ Vallon), écrit :

Dans la dernière période du poète, chaque nouveau poème s'appuie et renvoie à la totalité de l'oeuvre. Ainsi, 1492, date-clé du "Fou d'Elsa", poème "historique" consacré à l'histoire de la Reconquista espagnole contre le pouvoir arabe en Andalousie, fait-elle écho à 1942 (date des "Yeux d'Elsa"). Avec "Le fou d'Elsa", le poète devient historien (comme il sait le faire dans son oeuvre en prose) : il s'appuie sur une fantastique érudition, mais pour la "rêver", conscient de ce que le poème est sans doute plus réaliste qu'une historiographie toujours dépendante des vainqueurs, quand il prend symboliquement le parti du peuple arabe vaincu. Moyen Âge et modernité s'enchevêtrent, de même que l'histoire personnelle du poète et l'Histoire de deux défaites comparées, celle de la France comme celle du dernier des Abencérages. Le "Fou d'Elsa" forme donc une reprise et une "correction des "Yeux d'Elsa", un retournement du mythe amoureux sur lui-même. Aragon poursuit "sa quête des origines" de l'amour, passant désormais de l'invention de la fin'amor médiévale à ses sources, à savoir la poésie arabo-andalouse qui féconda la littérature occidentale dans son ensemble.

Écrit par : Michèle | 12/02/2020

@ Michèle : oui le poète interprète et réinterprète sans arrêt le passé, il le fait sien, pour dire "le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui".

Intéressant, ce "Fou d'Elsa" qui fait remonter à la surface le dernier Abencérage (clin d'oeil en passant à Chateaubriand) et qui revit dans la défaite musulmane l'humiliation de la France de 1942. On n'écrit jamais au présent, mais on peut puiser dans le passé pour dire le présent, car le passé, par définition, est mythique et porteur de sens.

Écrit par : Feuilly | 13/02/2020

Je pense (pour avoir intériorisé la parole du poète, qu'il s'agisse de Yourcenar, de Müntzer, de Chateaubriand, d'Aragon...) qu'on écrit toujours à partir du politique, c'est-à-dire de ce qui est au cœur de nos vies. Et que c'est ce présent que nous vivons qui éclaire le passé, qui nous permet de le lire. Et le seul vecteur bien sûr est la langue, mais pas n'importe laquelle. C'est la langue poétique, c'est-à-dire l'écriture qui a une puissance de vérité. La vérité est rétive au compte rendu, elle a besoin d'écriture.

Écrit par : Michèle | 13/02/2020

''C'est le présent que nous vivons qui éclaire le passé''. C'est très juste.

Écrit par : Halagu | 15/02/2020

Oui, le présent vécu éclaire enfin le passé (ce que nous n'y avions pas encore vu). Inversement, on pourrait dire qu'on interprète le passé en fonction de notre présent (c'est le piège dans lequel les historiens ne doivent pas,tomber).

Écrit par : Feuilly | 15/02/2020

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