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08/04/2017

Le silence

Ce site est un peu à l’arrêt.

Tout est silence.

Mais à l’origine, le silence n’était-il pas tout ? Ne dit-on pas d’ailleurs que Dieu était le Verbe ? Avant Dieu, avant le monde, c’était le règne du silence.

Puis le serpent susurra quelques mots à l’oreille d’Eve et tout s’écroula.

Depuis, nous vivons dans le bruit, chassés du paradis.

Avant notre conception était le silence. Encore que pendant la gestation le fœtus doit entendre le bruit du cœur de sa mère. Puis il vient au monde dans un grand cri.

Ensuite ce sont des guerres et encore du bruit jusqu’à la mort, qui est un autre silence.

Entre les deux il y a  l’amour. L’amour et le silence des amants, qui se contemplent sans un mot, fascinés l’un par l’autre. Nudité d’avant le temps, d’avant la parole et le bruit. Nudité de l’origine, silence des corps qui s’attirent.

Le silence est-il amour ?

 

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02:04 Publié dans Errance | Lien permanent | Commentaires (9)

Commentaires

Quel beau billet !
Il y a deux silences. Celui de l'infini, et celui du néant.
Au début, les amants se regardent dans le silence de l'infini, éblouis comme devant l'immensité des étoiles.
Et puis s'installe entre eux le silence du non-dit, de la suspicion, de la communauté réduite aux aguets. Celui du néant.
L'amour n'est silence et le silence n'est amour que lorsque les mots sont là pour le dire, le chanter, et le faire vivre.
¸¸.•*¨*• ☆

Écrit par : celestine | 08/04/2017

En écho à ton billet et en partage - parce que si les sites sont parfois un peu à l'arrêt, la lecture, l'écriture et l'amitié ne s'arrêtent pas -, cet extrait d'un roman de Claro " Hors du charnier natal", inculte / dernière marge, 2016 :

De ma naissance je garde fureur. La noire torsion du boyau vaginal quand le sang m'éclaboussa les yeux. Les rudes rafales de l'air sans nom qui m'invitait à hurler. Les paquets de doigts qui me tiraient, me palpaient, me dévissaient du ventre. Et en même temps je sentais des pelletées de terre noirâtre me tomber sur le museau, des mottes de terre dévaler sur mes membres contractés. La terre chantait ou vomissait, le manège du temps tournait, et j'en avais déjà ma claque.

C'est un peu exagéré bien sûr. Mais si j'essaie d'imaginer ce banal instant, c'est ainsi qu'il se produit, et pas autrement. C'est ainsi que les choses adviennent quand je les laisse recommencer sur la page. Même celles qui n'ont jamais gravé d'empreinte dans aucune réalité que ce soit. Dès qu'écrites, il faut qu'elles beuglent, qu'elles raclent. Elles semblent conditionnées dans un liquide colérique. Portées par une volonté d'émeutier, sanglées sur le dos d'une bête déchaînée.

Écrit par : Michèle | 09/04/2017

Et cet autre extrait, de ce récit à double-fond dans lequel Claro a décidé d'écrire la biographie romancée d'un anthropologue russe - un certain Nikolaï Mikloukho-Maklaï (1816-1888) -, cet aventurier qui s'exila volontairement en Nouvelle-Guinée et finit par faire l'objet d'un culte étrange. Mais cela prend vite avec Claro une autre tournure...
Dans cet extrait je mets les guillemets qui sont dans le texte puisqu'il s'agit de la citation d'une lettre :

" Je suis moins femme que tu le crois, au sens où tes semblables et toi l'entendez, vous qui me voyez dans mes robes avant de me respecter dans mes réticences. Je veux dire qu'en moi autre chose que la femme telle que nos pères l'ont dessinée, avec une feinte négligence, s'agite et renâcle dans cette silhouette qu'on - toi, eux, tous - voudrait seulement de grâce tissée. La grâce, le sais-tu, mon corps s'en déleste chaque mois en rouges tourbillons que l'eau, aussi pure soit-elle, ne rend pas plus pâles qu'un seul pétale de ces roses que vous nous offrez en feignant d'ignorer nos douleurs.

" Nos vraies douleurs, ce sont vous, et l'effort que nous faisons sans cesse sur nous pour vous aimer ou seulement vous supporter, vous les hommes, malgré ce mépris dans lequel vous nous... choyez. Oui, car vous nous choyez, honnêtes maquignons de nos puissances fécondantes. Mais je m'égare, je m'enrage. Oh, ne rougis pas, surtout ! Tu te pâmes bien devant les alvéoles d'une éponge extorquée à ses mutiques abysses, alors souffre qu'un peu de physiologie de bas étage s'épanche entre ces lignes qui ne cherchent même plus à te retenir, mon fier requin.

"Avant de partir, tu m'as pris le menton dans la main, et mon menton, le temps de cette caresse retenue, est devenu oiseau, pour mieux te rassurer, mais ta main je la voulais ailleurs, au plus profond de moi, au plus brûlant, et c'est elle, cette main, n'en doute pas, qui serait devenue oiseau, mésange apeurée, et moi la bête sauvage, la gueule ouverte, moite, ta femme. Je t'imagine lisant ces mots et froissant déjà la page, les yeux rouges, les dents de fer. J'aurais tant aimé t'apprendre le désir et ses rudiments, t'enseigner ses facéties pareilles à celles de l'éventail, quand la chair, pli sur pli, s'écarte et s'élargit et accepte pour mieux dévorer, mais tu t'es réfugié dans ta barbe, comme un pope dans sa prison d'encens."

Écrit par : Michèle | 09/04/2017

@ Célestine : il y a deux néants et donc deux silences, en effet :)) Et merci pour ta fidélité à ce site.
@ Michèle : merci pour ces extraits

Écrit par : Feuilly | 10/04/2017

Je pense que l'amour peut rester silence, sans que ce soit le silence de la négligence. Les mots sont incomplets, ont des sens multiples et mentent parfois à l'insu de qui les a proférés. Tandis que le silence habité par regards, sourires, touchers... celui-là va au-delà des mots et de tout murmure...

Écrit par : Edmée De Xhavée | 12/04/2017

@ Edmée : qu'il est beau ce silence-là, quand l'attirance (la fascination comme dirait Pascal Quignard) est la plus forte.

Écrit par : Feuilly | 12/04/2017

J'aime le silence. Il peut être associé à l'amour ou non. Il y a le silence du calme. (Yourcenar écrit dans Alexis, "le mensonge du calme").

Là où j'ai le plus goûté le silence, c'est lors d'un office du soir, à Orval. Je ne sais plus comment s'appelle cet office, Complies ? Vers 20 heures. Un moment donné, on éteint tout, et c'est le silence total, pendant quelques minutes. D'abord, j'ai entendu mon propre bruit (circulation du sang, acouphènes). Puis, j'ai tenté de faire abstraction de ce bruit interne (aussi le bruit qu'achevait de faire la vie vécue, les images, les sons de la journée...) Je ne sais pas si j'ai été heureuse à ce moment-là, mais je puis dire que c'était un grand moment. Et que j'aurais aimé le vivre à un autre moment qu'en juillet - quand les journées sont longues. L'abbatiale d'Orval est sombre, mais il y a encore un peu de lumière. Enfin, c'était parfait - presque parfait.

J'aime aussi le silence des samedis et des dimanches matins, quand la circulation est moins dense à Bruxelles. Il y a bien le décollage des avions, qui me réveille, mais c'est par vagues - pas tout le temps.

Quant à l'amour o;) cela fait trop longtemps. Mais il arrivait un moment, en effet, où le silence se faisant, et quand on pose sa tête sur une épaule, on glisse tout naturellement dans un demi-sommeil, ou une sorte d'état de veille différent. Je dors, mais pas tout à fait. C'est très confortable. C'est ce que je préfère... C'est encore un autre silence que ceux qu'on a évoqués ici...

Écrit par : Pivoine | 15/04/2017

Je regrette un peu que ce site soit à l'arrêt... Dis, tu te fais à facebook toi ?

J'y trouve parfois de belles choses... Mais aussi, que de scories !

Écrit par : Pivoine | 15/04/2017

Site un peu à l'arrêt, oui. J'ai été occupé par des manuscrits. Celui du livre sorti mais pas encore référencé ("ici et ailleurs") et puis un autre qui est en cours de lecture ailleurs. Mais je reconnais que depuis j'écris peu. Ca recommence seulement à revenir.

Facebook c'était plus pour la promo des livres, mais du coup ça prend du temps aussi pour pas grand chose. Il faut choisir ses "mais" évidement, ne prendre que ceux qui parlent culture ou politique internationale. Mais c'est décevant car impossible d'y mettre un article de fond un peu long (article de presse ou écrit par moi) : personne ne le lit. C'est un monde de l'éphémère et de l'immédiat qui ne me convient pas trop.

Écrit par : Feuilly | 15/04/2017

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