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21/09/2015

Souvenir

Il y avait tout au bout de la rue Hors-Château, une petite ruelle. Je l’aimais cette ruelle et j’y pénétrais souvent. C’est que tout au bout se dressait une maison. Une maison modeste certes et assez ancienne, mais une maison qu’enlaçait une glycine. Souvent, un doux parfum se répandait discrètement alentour. Loin du bruit la ville, l’habitation était là, hors du temps. Un peu penchée, d’aspect fragile, elle avait traversé plusieurs siècles et il me semblait respirer en ce lieu une atmosphère quasi moyenâgeuse. Je prenais mon temps pour regarder autour de moi. Tout était calme. Un merle, parfois, poussait un cri ou se risquait à quelques notes. Le vent faisait frémir doucement les feuilles de la glycine et tout là-haut, dans le ciel bleu, passait un nuage blanc. Le silence était impressionnant et jamais je ne me serais cru au cœur d’une grande agglomération.

Après quelques minutes, m’étant bien imprégné de l’ambiance qui régnait en ce lieu, je  frappais à la porte. Alors, tu venais m’ouvrir. C’est ton sourire, toujours, que je voyais en premier. Ton beau sourire de jeune fille. J’avais vingt ans.

Les années ont passé et l’autre jour je suis retourné dans la petite ruelle, au bout de la rue Hors-Château. La maison est toujours là, la glycine aussi. Un merle a crié dans le silence et dans le ciel d’automne passaient de sombres nuages. J’ai frappé à la porte, mais personne n’a ouvert.

Qu’es-tu devenue, toi que j’ai aimée lorsque j’avais vingt ans ?

Littérature

12:49 Publié dans Prose | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littérature

09/09/2015

Qui dira ?

 

Qui dira la beauté des levers de soleil sur la mer ?

Qui dira la grandeur des montagnes couronnées de neige ?

Qui dira les sauts espiègles de la rivière bleue sur les rochers noirs ?

Qui dira la chanson du vent dans les grands peupliers ?

Qui dira la rumeur du blé ployant sous le vent brûlant de juillet ?

Qui dira le crépitement de la pluie sur le toit, les nuits d’orage ?

Qui dira le hululement de la chouette invisible au cœur des ténèbres ?

Qui dira le chant de l’oiseau perché sur sa branche ?

Qui dira l’odeur des fleurs qui embaument  dans le sous-bois ?

Qui dira la couleur des épilobes  groupés dans la clairière ?

Qui dira la saveur de la myrtille bleue qu’on cueille dans la lande ?

Qui dira la noblesse des grands cerfs noirs dans la forêt profonde ?

Oui, qui dira tout cela ?

 

Littérature

 

 

 

 

 

16:59 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature

02/09/2015

Jeanne R. "A l'ombre des désirs"

Jeanne R. est le nom d'auteure d'une dame lyonnaise publiée chez Chloé des Lys (qui, pour rappel, est aussi mon éditeur). Elle m'avait fait l'honneur de lire mon roman "Obscurité" et en avait donné une critique que j'avais appréciée. Je ne pouvais faire moins que de lire son propre livre, un peu embêté, cependant, à l'idée de rentrer dans un système de copinage. En effet, l'avantage des blogues, c'est qu'ils sont souvent plus honnêtes que la presse officielle (y compris les pages littéraires) et je n'aurais pas voulu déroger à cette règle. Heureusement, je n'ai pas eu à me forcer. Son livre m'a plu d'emblée et c'est donc sans me sentir obligé que j'ai rédigé les quelques lignes qui suivent, que Jeanne R lira ou pas, selon qu'elle fréquente ou non ce site.

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En-dessous du titre, l’auteur annonce d’emblée la couleur en précisant que son livre est un « récit romanesque ». Comme le souligne bien le professeur d’université qui a rédigé la préface, la distinction a son importance car on ne trouvera pas dans ce récit  une succession chronologique et logique des faits. Cela ne veut pas dire non plus qu’il ne se passe rien, bien au contraire, mais disons que les faits ont moins d’importance que le cheminement intérieur de l’héroïne (Louise) qui se pose pas mal de questions. Car le centre de ce livre est là : une suite de questionnements sur la vie, la mort, le hasard et surtout l’amour. Qu’est-ce que vivre, en effet ? Là où Sartre disait que l’existence précède l’essence, Jeanne R. nous dit plutôt qu’on ne vit pas sans aimer et que sans grand amour la vie ne mériterait sans doute pas d’être vécue. Mais ce postulat engendre à son tour d’autres questions : ne peut-on aimer qu’un seul être ? Est-on infidèle si on aime deux hommes à la fois ? Pas forcément, si ce que l’on donne au second n’enlève rien au premier. L’héroïne tâtonne, hésite, puis trouve que son accomplissement personnel passe par cette voie, que la morale chrétienne réprouverait sans doute, mais qui lui permet de poursuivre son chemin et de profiter pleinement de la vie. On ne trouvera cependant pas ici d’épicurisme de bas étage. Ce n’est pas le plaisir pour le plaisir qui est recherché, mais celui-ci doit être compris comme l’aboutissement de l’amour et donc comme la concrétisation de cet amour. Or cet amour éclaire sa vie de femme et sa vie tout court. Elle se donne donc le droit de s’y abandonner au nom de sa morale personnelle (mais en prenant bien soin, toujours, de ne pas blesser le premier homme, ce compagnon avec qui elle vit par intermittence et qu’elle adore lui aussi. En effet, « plurielle dans ses amours (…) elle était foncièrement fidèle »). 

 

Comme elle est de nature questionneuse, Louise poursuit sa réflexion : si je suis heureuse dans les bras d’un homme, est-ce à dire que mon bonheur dépend d’autrui ? Elle prend du coup conscience de la fragilité de l’équilibre atteint et quand son amant se montrera soudainement moins présent (soit par manque de temps, soit parce qu’il se pose des questions lui aussi sur la pertinence de cette relation extra-conjugale), elle se mettra à souffrir. Elle a besoin de lui mais sent qu’il s’éloigne. Comment faire pour le faire revenir ? Impossible de lui ordonner de l’aimer. Ne rien faire, le laisser partir, c’est faire son propre malheur. Alors, subtilement, elle parlera du « nous » que constituait le couple d’amants et dira à l’être aimé combien ce « nous » était important pour elle et sans doute pour lui aussi. Il reviendra, attiré irrésistiblement par cette Louise peu commune, qui n’arrête pas de se poser mille questions, mais qui ne pourrait pas vivre sans se les poser. Mais que faire quand une question ne trouve pas de réponse ou que la réponse provisoirement trouvée est remise en doute le lendemain ? Peu importe, finalement, car vivre, c’est s’interroger sans fin. Et toujours, l’amour reste la meilleure grille de lecture pour définir sa propre vie. « Jusqu’où puis-je aller sans me perdre quand je suis amoureuse ? » se demande cependant l’héroïne. Car aimer, c’est se donner complètement à l’autre et donc se perdre soi-même. Or sans amour la vie n’a pas de sens. Curieux paradoxe, donc.

Notons que notre Louise est une artiste peintre et qu’elle cherche par ses toiles à capter (ou même à capturer) la beauté du monde. Là aussi, il s’agit donc d’une recherche d’équilibre, car son pinceau en main, elle tourne le dos au côté sordide de la vie pour n’en conserver que la quintessence absolue, la beauté première, celle qui nous fonde. C’est pour cela aussi qu’elle a besoin de l’amour des hommes, pour trouver cet équilibre existentiel qui lui permet d’avoir ensuite un regard positif sur ce monde qui l’entoure et qu’elle semble parfois seule à voir. Privilège des artistes s’il en est. Ou privilège d’une femme amoureuse, tout simplement.  

Ce livre qui traite si bien de l’amour devrait plaire d’office à toutes les femmes. Quant aux hommes qui aimeraient être aimés (ce qui fait déjà pas mal de monde), il ne les laissera pas indifférents. Personnellement, j’ai adoré, sans compter que l’écriture est limpide et agréable à lire.

 

Littérature

16:30 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : littérature