11/01/2015
Paris est Charlie
Grande agitation à Paris dimanche après-midi, grande manifestation pleine d’émotion en souvenir des victimes du terrorisme. On est venu défendre la démocratie et la liberté de la presse. On est venu dire non au terrorisme. L’intention du public présent est louable.
Sauf que…
Sauf que déjà cette manifestation n’empêchera pas le terrorisme aveugle de continuer à exister et à tuer et cela, tout le monde le sait. En fait tout le monde a peur et vient crier sa peur, en espérant être entendu (par qui ?) et être protégé. Seuls nos dirigeants peuvent agir en fait. Et cela tombe bien, ils étaient tous présents, venus du monde entier.
Il y avait là François Hollande et Cameron, qui ont financé et armé les djihadistes en Syrie, dans l’espoir de faire tomber le régime de Bachar el Assad.
Il y avait là Sarkozy, qui avait fait la même chose en Libye et qui a plongé ce pays dans la misère et la guerre civile, terreau idéal du terrorisme.
Il y avait là le nouveau président ukrainien, Petro Porochenko, milliardaire de son état, qui est arrivé au pouvoir par des moyens plus que douteux (la révolution du Maïdam étant dirigée de l’extérieur et s’appuyant sur des milices fascistes qui ont pris le pouvoir dans un bain de sang) et qui massacre maintenant sa propre population sans aucun état d’âme.
Il y avait là le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, tout disposé à envahir l’Irak et la Syrie, l’Est ukrainien et même pourquoi pas la Russie toute entière.
Il y avait là aussi Benyamin Nétanyahou, venu soutenir la démocratie entre deux raids sur Gaza et venu aussi dire à quel point les Arabes sont dangereux. Il le sait bien, ses prisons sont remplies de Palestiniens.
Bref, que du beau monde. Et personne pour dire que si des terroristes existent, c’est parce que l’Occident n’en finit pas de tuer, de bombarder et d’asservir des pans entiers de la planète. On peut donc dire que la foule qui demandait à Paris d’être protégée le demandait à ceux –là même par qui le malheur est arrivé (puisque soit ils ont financé les djihadistes, soit ils ont retourné leur veste en fonction de leurs intérêts du moment et se sont mis à les bombarder).
Curieux paradoxe, convenez-en. En fait, notre civilisation est à bout de souffle et le capitalisme a montré plus que jamais ses limites. Pourtant il continue à vouloir aller de l’avant et à accumuler encore plus d’argent. C’est pour cela que le chômage est à son niveau le plus haut et que nos droits sociaux sont menacés. Heureusement ces attentats arrivent à point nommé. Dans une sorte de grande union nationale, la pays va oublier ses divergences entre riches et pauvres et tout le monde va s’unir contre l’ennemi commun.
Un autre paradoxe, c’est que Charlie Hebdo qui était par excellence un journal qui se positionnait contre le Système se voit récupéré par ce même système. Quant aux chefs d’Etat dont il se moquait, ils se servent de lui pour mieux asseoir leur autorité.
Restent les morts, les victimes innocentes. En attendant les suivantes.
20:01 Publié dans Actualité et société | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : paris, charlie hebdo
Commentaires
N'oublions pas aussi l'invasion par l'Urss, ce pays si sympathique, de l'Afghanistan, une guerre effroyable qui a duré dix ans et a conduit comme de bien entendu les USA à financer les groupes à qui nous avons en partie à faire maintenant. La politique, c'est évidemment les mains sales, c'est sûr il n'y a pas d'éthique en politique même si ça devrait, on est bien d'accord. L'ennemi de hier est l'ami d'aujourd'hui et inversement. Oui, un mouvement récupéré, oui Charlie récupéré (je suce Charlie un dessin que j'ai vu dernièrement, que je préfère à" je suis Charlie" même si ce dernier, franchement, ne me choque vraiment pas), comme tout avec le capitalisme qui ne laisse aucune ligne de fuite, qui strie et recode sur l'incodé : il est toujours amusant de voir les mecs, dans les manifs, défiler avec des T-shirt du Che, ou sur les stades de foot aussi, le Che, hihihihi...(quoique les stades de foot on connaît depuis celui de Santiago).
Mais nous sommes aussi devant un fait, clair et que l'on ne désire aucunement comprendre les causes de ce qui arrive n'a rien d'étonnant et ne change malheureusement rien à la situation : il y a devant nous des gens qui haïssent la démocratie (je ne parle même pas des "nôtres", de "démocraties" mais, beaucoup plus grave c'est la démocratie idéelle,, le concept qui leur fait gerber leur mitraille.) Et donc on continue à travailler sur des effets alors que les causes elle continuent à dérouler leurs conséquences. Mais voilà, c'est ce qui s'appelle être mis devant le fait accompli.
Il faut assassiner l'esprit de Sérieux. L'esprit de Sérieux est à l'origine des guerres.
Écrit par : cleanthe | 11/01/2015
J'ai eu l'immense plaisir d'écouter un homme de très grande qualité et à la fin j'avais envie de parodier un immense poète en disant "Un seul être bon arrive et tout est repeuplé". Je vous invite à écouter cet homme de sciences, cette intelligence éclairante. Il rejoint, en tout cas, vos analyses.
http://www.tv7.com/point-de-vue-de-boris-cyrulnik-neuropsychiatre_3979593465001.php
Écrit par : Halagu | 13/01/2015
@ Cléanthe: pas d'éthique en politique, en effet. On se sert des uns, on se sert des autres et puis finalement tout se retourne contre nous. Mais au-delà de ce que je disais ci-dessus (nos guerres coloniales qui nous font haïr), la vidéo proposée par notre ami Halagu est très éclairante. Nous avons laissé croupir dans des banlieues les descendants des populations immigrées. Coupés de leur culture initiale (au Maroc, ces jeunes seraient peut-être devenus bergers ou pêcheurs), mal assimilés dans la nôtre (l'école républicaine, qui ouvre toutes les portes, leur est culturellement quasi inaccessible) ils se réfugient dans une semi-délinquance qui peut vite se radicaliser. Et certains s'y emploient bien.
Dès lors comment réagir ? Impossible de se taire et de laisser faire. Condamner tout le monde musulman, se serait se venger stupidement et se mettre au même niveau que nos agresseurs. Frapper à notre tour aussi. Il reste donc l'éducation, mais c'est un travail de longue haleine qui peut prendre deux générations. Mais ici, maintenant, au présent, que faire avec cette jeunesse qui se radicalise et qui en veut à notre culture et même à notre vie ?
Écrit par : Feuilly | 13/01/2015
Comme je le disais dans un message précédent, ayant été prof dans une école à discrimination dite positive (tu parles !), j'ai eu l'occasion d'observer voici déjà pas mal d'années l'aveuglement absolu des directions et autres PO fût-il par ailleurs "socialiste" vis à vis de la précarité d'une population arabe laissée à l'abandon (tout en serinant le laüs convenu des angelots de la laïcité et de la citoyenneté), dont ils se fichaient éperdument et qu'ils méprisaient joyeusement. Je parle ici des évêques de la laïcité, de ce laïcards crispants et malhonnêtes qui ne visaient qu'un avancement dans la nonciature publique, les mêmes qui par ailleurs nous demandent d'être des citoyens, c'est à dire en somme de laisser leurs privilèges en état, bref citoyens à condition de bien la fermer sa gueule. La question du voile, pour ça ils étaient forts, mais pour donner à tous une chance égale dans l'éducation, ça, bernique,c'est une autre chanson (personnellement qu'un texan se promène dans nos contrées en Stetson ne m'a jamais dérangé-))
Rien vu, rien entendu, ils vont nous faire la morale, ces abrutis de la morale publique, ça commence déjà.Oui absolument, un racisme larvé pour ces jeunes depuis leur enfance. Je peux en témoigner à mon minuscule niveau.
Écrit par : cleanthe | 13/01/2015
@ Cléanthe : un racisme qui va forcément se développer, surtout si d'autres attentats se produisent. Le Canard enchaîné a été menacé lui aussi. Mauvaise farce ou menace réelle ?
Écrit par : Feuilly | 13/01/2015
Cléanthe, je pense comme toi qu'il y a une faillite de notre école républicaine qui ne reconnaît que les siens. C'est terrible.
Je viens de regarder un documentaire sur France 2, "Syrie, enfants en guerre", une enquête au cœur d'Alep quotidiennement bombardée. Hussein, 16 ans, qui a rejoint les rangs de la Free Syrian Army et son frère, Moatez, 13 ans, qui s'apprête à le rejoindre. Moatez qui dit : "Les gens nous regardent, bien tranquilles, de chez eux. Ils n'ont pas honte ? Ils ne voient pas tous les morts, tous les morceaux de chair humaine dans les rues ? Mais on se battra jusqu'au bout avec l'aide de Dieu."
Écrit par : Michèle | 14/01/2015
Evidemment, quand on n'a plus rien à perdre...regarde maintenant mon PO, "engagé de gauche (on rit là tu comprends) va faire une réunion pour dénoncer les crimes contre la libertés d'expression. Bien, logique et normal. Mais tu crois qu'is vont réfléchir à ce qui engendre cette situation ? Poser la question, c'est, comme on dit, déjà y répondre.
Je suis dégoûté. Je vois encore les visages d'abrutis qui ne voulaient rien comprendre à l'époque où on leur hurlait aux oreilles. Et il n'y avait pas besoins d'être prophète-)))) pour le comprendre. Enfin je suppose et espère qu'il y aura des gens pour le saisir ça, que l'immigration est venue dans nos contrées et qu'elle a participé à l'enrichissement de celles-ci, qu'elle a permis un développement économique important (sans juger de la nature de ce "développement"), qu'elle a dû d'abord encaisser le "un immigré= un chômeur" de Lepen, puis, lorsque la "crise" a frappé, leurs enfants ont été touchés d'abord. Alors bien sûr, faut pas faire de dichotomie manichéenne, y a des hommes partout, c'est à dire de petits individus angoissés par le manque, la solitude, la peur de vivre qui noue, la survie...Mais là franchement ne pas avoir cru ça, ben, pour moi, c'est comme si tous ces beaux prêcheurs des valeurs "humanistes" avaient eux-mêmes engagé la balles dans le barillet .
J'enrage, j'enrage pour les mecs de Charlie qui étaient des frères, j'enrage pour les flics abattus, j'enrage pour les 4 juifs assassinés, et j'enrage pour une société qui, derrière ces bonnes intentions, arment des bras aveugles.
Écrit par : Cleanthe | 14/01/2015
Désolé pour les fautes, c'est le matin, je suis un peu nerveux et je me relis pas.
Écrit par : cleanthe | 14/01/2015
"c'est comme si tous ces beaux prêcheurs des valeurs "humanistes" avaient eux-mêmes engagé la balle dans le barillet ."
Rigoureusement exact, Cleanthe.
C'est une des raisons pour laquelle ce " Je suis Charlie" me pue aux yeux...
Je peux rester moi-même, ne pas user de cet affligeant symbolisme et être révolté, peiné, abasourdi par le massacre.
Je suis écœuré. On doit avoir de la peine comme l'exige lv pensée dominatrice...
Putain ! Hier, tous les Français résidant à l'étranger ont reçu une lettre de leur ambassadeur respectif, moi y compris donc.
Cette lettre est signé " Je suis Charlie"
J'EN AI MARRE !
Écrit par : Bertrand | 14/01/2015
Cher Feuilly, si tu pouvais corriger ces horribles fautes dues à l'émoi, sans doute...
Écrit par : Bertrand | 14/01/2015
Je réponds à tout ceci par un nouveau billet.
Écrit par : Feuilly | 14/01/2015
« Notre civilisation à bout de souffle » , vous n'allez pas un peu vite ?
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 17/01/2015
@ Christian Cottet-Emard : sans doute un peu, oui. Il n'empêche que face à cette barbarie intégriste, on a l'impression d'être dans la situation de l'Empire romain à la fin de son existence. Le capitalisme pur et dur montre par ailleurs ses limites (crise, chômage, endettement des Etats) et nos choix de société aussi (pollution, réchauffement climatique, déforestation, agriculture polluante, etc.). Les progrès technologiques font illusion car j'ai l'impression que nous allons bientôt atteindre les limites de notre système. D'autant plus que le voilà attaqué idéologiquement de l'intérieur par l'intégrisme musulman.
Écrit par : Feuilly | 18/01/2015
Et il y a cet essai sociologique d'un scientifique de grande qualité...je veux parler du livre d'Emmanuel Todd: ''Qui est Charlie? Sociologie d'une crise religieuse''.
" Ce qu'un chercheur peut apporter d'utile au débat public n'est pas une morale plus pure ou une idéologie de meilleure qualité, mais une interprétation objective de faits qui ont échappé aux acteurs eux-même, emportés par l'émotion, mus par des préférences souvent obscures ou carrément inconscientes'' Voila résumé le but de cet essai.
Et les médias, drapés dans leur habits de suffisance, refusent de l'écouter, pire ils l'insultent avant même de le lire.
C'est un livre qui dérange et c'est tant mieux, c'est le propre du travail scientifique qui n'est pas à la traine... Et pourtant elle tourne!
Excellent, tant sur le fond que sur la forme, on peut le lire d'un seul trait avec plaisir.
Écrit par : Halagu | 09/05/2015
@ Halagu : Todd est un historien sérieux. Il dérange car il dit souvent des choses justes, comme le fait que la Russie serait en train de remonter la pente (il s'appuie pour dire cela sur sa courbe démographique).
Sur l'affaire Charlie, il a manifestement raison aussi. La grand messe démocratique qui a suivi l'attentat était pour le moins orientée. Valls s'est emporté (comme à son habitude) contre lui.
Écrit par : Feuilly | 10/05/2015
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