Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/10/2011

Aphorismes (7)

Autrefois, le colonialisme apportait la civilisation. Aujourd’hui, le libéralisme apporte la démocratie. Pour le reste rien n’a changé, il faut toujours passer par la guerre pour imposer ses idées.

La Chine vient de racheter un gros morceau de la dette européenne. Nous sommes donc tous devenus un peu chinois. J’aime quand le  libéralisme rapproche les peuples.

Ce qu’il y a de bien avec les guerres modernes, c’est qu’elles sont propres. Les bombes sont téléguidées et frappent leur objectif avec une précision redoutable, ce qui évite tout dégât collatéral, comme chacun sait. On ne comprend d’ailleurs pas comment 60 bombes ont pu tomber sur le palais d’un dictateur alors que tout le monde était d’accord pour dire qu’on n’en voulait pas à sa vie. La technique de téléguidage ne me semble pas tout à fait au point.

Les saisons tournent, revoici l’automne. Jusqu’au jour où nous ne serons plus là pour voir les feuilles tomber.

Je n’ai jamais aimé la Toussaint. Quand j’étais gosse, il fallait aller se recueillir sous la pluie sur la tombe de personnes que je n’avais jamais connues. Maintenant ce n’est pas mieux. Je connais à peu près tous ceux qui sont sous terre.

Le plus dur, à la Toussaint, ce n’était pas la visite aux morts, mais celle qu’il fallait rendre aux vivants. Moi qui enfant aimais déjà la solitude, me retrouver dans une pièce avec une trentaine d’adultes qui parlaient de la pluie et du beau temps m’ennuyait à mourir. Pour un peu j’aurais envié les autres, là-bas, dans leur tombe.

La tombe du grand-père (je ne l’ai jamais connu) n’avait ni pierre ni monument. Juste de la terre battue, ce qui en disait long sur notre position sociale. Enfin, au moins elle était propre et il n’y avait pas de mauvaises herbes. C’est que chacun a sa fierté !

A dix ans, au cimetière, quand je lisais mon nom de famille sur cette pierre dressée devant le petit carré de terre battue, il me semblait que j’étais déjà en retard.

La veille du 11 novembre, toute l’école montait à travers bois jusqu’au cimetière, pour rendre hommage à ceux de 14-18. Il faisait toujours mauvais et froid. Quand enfin on arrivait, complètement frigorifiés, c’est à peine si on apercevait le monument commémoratif, perdu dans le brouillard. Une fois revenus en classe, on se disait qu’ils avaient dû avoir drôlement froid les autres, là-bas, dans leurs tranchées. Pas étonnant qu’ils étaient morts.

  

Commentaires

Beaux apophtegmes de novembre, au nombre de neuf (novem), comme il se doit !

J'aime bien la chute du neuvième : "Pas étonnant qu'ils étaient morts", on y entend bien ces écoliers frigorifiés :)

Écrit par : Michèle | 31/10/2011

Une préférence pour le cinquième, mais tout est bon et empreint de cette douce ironie qui fait sans doute les "vrais" - ne m'en demandez pas la définition, ce n'est qu'une intuition - regards.
Sensations communes pour ces visites au cimetière de la Toussaint, j'allais dire la cerise sur le gâteau d'une tristesse déjà bien suffisante et en général pluvieuse.
J'en profite pour dire mon adhésion à votre billet sur votre blog, plus avant. Beaucoup de justesse dans ce que vous y écrivez.

Écrit par : Jean | 01/11/2011

@ Michèle : 9 aphorismes pour novembre, neuvième mois du calendrier romain? Je n'avais pas pensé aussi loin.

@ Jean : un "vrai" regard est forcément subjectif. Il n'est donc "vrai" que pour une personne. Mais au moins cette personne-là exprime-t-elle le plus honnêtement possible tout ce qu'elle ressent. C'est ce que nous cherchons dans la littérature, d'ailleurs : le regard authentique d'une personne qui n'est pas nous.

Écrit par : Feuilly | 01/11/2011

La tombe de mes grands-parents paternels est surmontée d'une voûte de fer, matériau recru d'épreuves. Une vasque asséchée recueille les boues et les odeurs sucrées. Je me contente de nettoyer, à mes rares visites, je ne voudrais pour rien au monde changer l'aspect de cet endroit où pèsent usures et mémoires. C'est comme le dictionnaire minimal d'un temps rempli d'oxydes et d'archaïsmes...

Écrit par : Dominique | 04/11/2011

@ Dominique : votre cimetière vaut tous les cimetières marins...

Écrit par : Feuilly | 04/11/2011

Les commentaires sont fermés.