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24/10/2007

Raison et beauté.

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A notre époque et en Occident, on a l’impression que seul compte le progrès technique. L’homme se pense dans une Histoire sans cesse en devenir, étant entendu que les lendemains ne peuvent être que meilleurs. Cette conception linéaire de l’Histoire n’a un sens que si on lie le futur à la notion de progrès. Comment imaginer, en effet, que l’humanité pourrait régresser ? Par respect pour lui-même, l’homme s’invente donc dans un devenir sans cesse meilleur, un peu comme les enfants qui se regardent grandir et qui rêvent du métier qu’ils feront plus tard.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette conception du temps qu passe.

D’abord, il n’est pas du tout sûr que demain sera mieux qu’hier. On a connu des périodes sombres où c’était même carrément le contraire, que l’on songe à la chute de l’Empire romain sous les coups des barbares ou plus récemment à la guerre 40-45. Il existe ainsi des époques, qu’on le veuille ou non, où le confort et la culture reculent. Le progrès se trouve alors derrière soi. C’est d’ailleurs en regardant en arrière que les humanistes de la Renaissance sont allés puiser dans l’Antiquité les forces capables de faire avancer le monde.

Les Grecs avaient une notion cyclique du temps. Sans doute faut-il y voir un confort de l’esprit, puisque cette conception contient en elle-même des germes d’éternité : tout change, mais un jour ou l’autre tout redevient comme avant et l’Age d’or est de nouveau atteint. Est-ce le christianisme, avec ses idées de parousie et de jugement dernier qui nous a fait renoncer à cette vison cyclique ? Peut-être bien, à moins que ce christianisme n’ait enseigné une telle doctrine parce que précisément la conception du temps avait changé (il est toujours difficile, devant un phénomène, de déterminer la cause de la conséquence).

Mais revenons aux Grecs. Sans doute leur manière de voir les choses nous semble-t-elle naïve, mais ils avaient au moins cette supériorité sur nous de conserver un certain équilibre. Autrement dit, il y avait des limites qu’il ne fallait pas franchir. Ainsi parvinrent-ils à concilier les progrès techniques avec le culte de la beauté. Quant à leur conception de la démocratie, la taille même de leurs cités permettait une juste participation de chacun. Nous, au contraire, dans notre démesure, nous courons vers un futur incertain, misant exclusivement sur le progrès technique (comme si lui seul pouvait donner le bonheur) au détriment de la réflexion, du bien-être et du respect envers la beauté. Conciliant à la fois le sacré et la raison, la Grèce antique semble bien éloignée de notre conception matérialiste, au point qu’on en viendrait à regretter que le temps, précisément, ne soit pas cyclique, ce qui nous assurerait au moins de repasser un jour par cet Age d’or irrémédiablement perdu.

En misant tout sur la technique et la domination de la nature, nous sommes arrivés à mettre notre existence même en péril. De la bombe atomique au réchauffement climatique, de la pollution aux insecticides cancérigènes, l’avenir même de l’humanité semble compromis par nos découvertes. On n’ose d’ailleurs imaginer quel monstre pourra un jour sortir des laboratoires de la génétique. Il nous faudra alors construire un nouveau labyrinthe pour enfermer ces nouveaux minotaures à visage humain, nous tournant une nouvelle fois vers cette Grèce des origines pour trouver une solution aux problèmes que nous aurons créés.

Si chez nous tout est matériel, la réflexion spirituelle (et je ne prends pas ce terme dans son sens spécifiquement religieux) fait de plus en plus défaut. Se contentant de confort matériel, « homo modernus » en oublie de réfléchir sur lui-même et sur sa destinée. Car cette île dont nous parlions dans la note d’hier, ce lieu où il nous serait possible de nous arrêter pour réfléchir, est avant tout un lieu intérieur. Hélas, pressés par la vie courante, nous vaquons à nos occupations à un rythme de plus en plus effréné. Il n’y a plus de place pour la poésie ni même simplement pour se regarder vivre.

Ces dernières années, le néolibéralisme et la mondialisation de l’économie nous ont entraînés dans une course à la concurrence. Il faut être productif, construire tout plus vite, mieux et moins cher que votre voisin, sinon vous êtes perdu. Or, quand on voit à quel prix on trouve de la min d’œuvre dans certains pays, on se dit qu’on ne sera jamais concurrentiel, à moins d’accepter de travailler 10 heures par jours tout en vivant sous le seuil de pauvreté. Dans un tel monde, où l’argent est roi, on ne se préoccupe plus du bien- être ni encore moins de la spiritualité ou de la poésie. Nos grands-parents ont encore connu une époque où un petit artisan pouvait fabriquer un objet avec l’amour du métier, essayant humblement de le rendre le plus beau possible. Cette époque est révolue. Il reste l’argent, pour quelques-uns du moins. Quant aux autres… Ils cherchent une île.

Commentaires

Sur le même sujet, mais avec un autre regard, je viens de trouver ceci qui vous intéressera peut-être : http://kalima.hautetfort.com/archive/2007/09/10/une-autre-vision-des-evenements-du-11-septembre.html

Écrit par : Vagant | 24/10/2007

En effet, très intéressant.

Écrit par : Feuilly | 24/10/2007

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