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02/05/2008

Alvaro Mutis

Alvaro Mutis, écrivain colombien né à Bogota en 1923, est d’abord un poète et ce n’est qu’à partir de 1985 qu’il s'affirme comme romancier, avec une série de romans autour d'un même personnage, Maqroll le Gabier (el Gaviero).

Celui-ci, aventurier toujours au bord de la misère, est un marin que l’on retrouve aux quatre coins de la planète et finalement autant sur terre que sur mer. Marginal, il vit d’expédients et s’embarque toujours dans des expéditions qui sont à la limite de la légalité (trafic d’armes, exploitation d’une mine d’or, etc.). Grasset, dans sa collection « Bibliothèque Grasset » a eu la bonne idée de reprendre l’ensemble des romans consacrés à Maqroll. Ceux-ci, pleins d’aventures et de péripéties, se lisent comme on peut lire Jules Verne à l’adolescence, c’est-à-dire d’un bout à l’autre et sans répit. Pourtant, ce n’est pas tant les aventures qui nous passionnent que la recherche du sens de la vie. Car ce gabier (un gabier était celui qui, perché au sommet du plus haut mât d’un voilier, observait l’horizon et donnait des indications au capitaine) ne peut se contenter de l’existence routinière que nous menons tous plus ou moins. S’il se lance dans des aventures cent fois recommencées, c’est avec le secret espoir de trouver enfin une raison de vivre. C’est pour cela aussi qu’il sort des sentiers battus en ne respectant pas les règles sociales. Il cherche un ailleurs qu’il ne découvre évidemment jamais. Cette quête perpétuelle, qui l’amène dans des situations périlleuses où il frôle la mort (mais n’est-ce pas cela qu’il recherche, en fin de compte ?) est aussi vaine qu’inutile, mais cela ne l’empêche pas de recommencer sans cesse. Profondément humain sous ses airs bourrus, il s’entoure de quelques amis aussi marginaux que lui, comme les membres de la famille Bashur. Armateurs et négociants libanais, ceux-ci évoluent dans le monde des affaires maritimes troubles (pavillons de complaisance, cargaisons douteuses etc.)

L’œuvre de Mutis pose des questions sur la précarité de la condition humaine, sur l’écoulement inexorable du temps et sur le désespoir (puisque toute tentative pour parvenir à « faire » quelque chose est vouée à l’échec)

"Suis les navires. Suis les routes que sillonnent les embarcations vieilles et tristes. Ne t'arrête pas. Evite jusqu'au plus humble des mouillages. Remonte les fleuves. Descends-les. Confonds-toi avec les pluies qui inondent les savanes. Refuse tout rivage."

Les sept romans repris chez Grasset sont :

1) La neige de l’Amiral
2) Ilona vient avec la pluie
3) Un bel morir
4) La dernière escale du Tramp Steamer
5) Ecoute-moi, Amirbar
6) Abdul Bashur, le rêveur de navires
7) Le rendez-vous de Bergen

Dans « La neige de l’Amiral », avec l’esprit d’un Rimbaud qui « descendait des fleuves impassibles », Maqroll remonte, lui, un fleuve tropical à la recherche de scieries qui évidemment n’existent pas ou en tout cas dont l’accès lui sera refusé. Cette remontée à contre-courant, aux prises avec les exactions de l’armée, la nature aveugle et la méchanceté des hommes, est un véritable voyage initiatique.
Le thème du fleuve revient très souvent chez Mutis. Symbole de l’écoulement du temps et de la vie qui fuit entre nos doigts, il est logique de vouloir le remonter, même si au bout de la course on ne trouve que le néant.

« Ilona vient avec la pluie » est l’histoire d’une maison de passe à Panama, tandis qu’un « bel morir » retrace l’affrontement entre la guérilla et l’armée qui se livre à la répression, le héros se retrouvant évidemment coincé entre les deux belligérants. «Ecoute-moi Amirbar » retrace la tentative d’extraire de l’or du creux de la terre, autre rêve illusoire qui se terminera par un échec car il est effectivement à peu près impossible d’arracher quoi que ce soit à la vie. « Le rêveur de navire » porte bien son titre puisqu’il s’agit ici de trouver le plus beau bateau qui soit (celui qui pourrait enfin nous emporter vers un autre monde, sans doute). Malheureusement ou bien le protagoniste ne le trouve pas ou s’il le trouve, il n’a pas les moyens de l’acquérir (quand il ne risque pas carrément sa vie).Enfin, « Le rendez-vous de Bergen » retrace le suicide d’un ami, usé par la vie qui ne lui a apporté que des déconvenues.
On voit donc que si ces romans tiennent le lecteur en haleine par leur trame narrative incomparable, il s’agit avant tout d’une réflexion sur la vie et la mort, ce qui les range assurément du côté de la philosophie du désespoir.

En France, Mutis a reçu, en 1989, le prix Médicis étranger pour son roman "La neige de l'Amiral."

En Espagne, il est lauréat du Prix Cervantes 2001.

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