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03/03/2017

Joël Godart, "A la fin de ces longues années" (Editions Chloé des lys)

 

Une nouvelle fois, je suis sous le charme après la lecture du dernier livre de Joël Godart (« A la fin de ces longues années »), un livre de poèmes, bien entendu :

Dans son recueil précédent, il était question du rêve, de la mer, des nuages, de la femme et aussi de la mort.

Ces thèmes, on les retrouve dans ce second livre, mais il me semble que la conscience de la mort qui rode a pris plus d’emprise sur le poète :

A la fin de ces longues années

Quand nous devrons quitter cette terre

Nous déposerons sur le fleuve nos deux cœurs

 

C’est que le temps continue à avancer et que les années qui restent devant l’écrivain s’amenuisent petit à petit :

Les années ont passé comme feu de paille

déposant sur nos vies des brassées de feuilles

L’hiver s’avance et sur toutes choses

étend ses longs doigts blancs de givre

 

Cette prise de conscience n’est pas morbide, elle est simplement lucide. L’auteur a conscience qu’une grande partie du chemin est derrière lui et il décide, puisqu’i n’y a plus rien devant lui, de s’arrêter et de regarder la beauté du monde.

On sait que le poète habite maintenant en Bretagne, devant l’océan. Cette région  devait forcément devenir un thème de prédilection :

Sur mes domaines les routes sont rares. Beaucoup de végétations battues par les vents, de chemins tracés en toute hâte (…) La nuit nulle lumière sur la lande mais des cris d’oiseaux.

Outre la description de la lande bretonne, un tel texte porte en lui une réflexion existentielle. Les routes qui se font rares sont celles de l’existence, le vent symbolise les difficultés de la vie et ces cris d’oiseaux dans la nuit noire ont quelque chose d’effrayant. On devine la mort tout au bout et le grand plongeon du haut de la falaise.

Pourtant, en ce lieu de repos et de recueillement, l’amour peut renaître :

J’avais oublié jusqu’à la blancheur de ta peau (…)

Tes yeux étaient deux promesses.

 

Parfois les vers de J Godart deviennent des jeux de mots tendrement érotiques aux consonances bibliques :

L’amour est olivier au jardin de mes caresses

 

Mais les saisons défilent et l’automne (ultime cycle de la vie) approche. Les arbres qui « bavardent dans la nuit mystique» vont perdre leurs feuilles :

Ainsi va comme une feuille

Le monde vers sa perte

 

Le poète (qui nous a parlé d’un autre livre qui devrait sortir bientôt et qui sera consacré au Père Lachaise) hante les cimetières et voit sur les tombes des noms de femmes. Il se demande si leurs amants se souviennent d’elles, de la douceur de leurs lèvres et de leurs mèches blondes. Mais

Seules les allées se souviennent et chuchotent sans fin vos noms dans les corridors du temps

 

Parfois, le poète par le de son « métier » d’écrivain :

Avec des mots j’ai fait une tresse  

Descendant en guirlande jusqu’à mes pieds

 

A d’autres endroits, il parle de la musique comme d’une métaphore de ses poèmes :

Au son de ta mandoline

J’ai gravé ô Colombine

Mes accents sur le disque

D’amertume et de folie

Mais déjà le disque se raie

 

L’amour et l’érotisme sont bien présents (à quoi renvoie cette mandoline ? Au corps de la femme aimée peut-être…) mais la fin est bien là : le disque se raie.

Le recueil se termine sur neuf petits textes étranges et charmants où l’auteur met en scène des guerriers d’une peuplade primitive. Ceux-ci ont combattu vaillamment, mais ils attendent la mort.

Nous, les lecteurs, nous attendons plutôt les livres suivants de Joël Godard. Puissent-ils être nombreux !

 

Joël Godart, A la fin de ces longues années