Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/11/2009

Claude Lévi-Strauss

 

On ne peut pas, ici, passer sous silence la disparition de Claude Lévi-Strauss, qui restera une des grandes figures du XX° siècle. Je l’ai découvert lorsque j’étais étudiant, dans le cadre de mon mémoire de fin d’étude et je dois dire que ses écrits m’ont profondément marqué. Dans la presse d’aujourd’hui, je constate qu’on cite beaucoup « Tristes Tropiques », livre admirable, certes et que j’ai beaucoup aimé, mais il me semble qu’on ne peut résumer la pensée de notre anthropologue à ce seul livre. Personnellement, c’est par les « Mythologiques que je l’ai abordé » et j’ai tout de suite été subjugué par la manière dont il parvenait à réduire tous les contes et mythes étudiés à une structure simple qui leur donnait un sens insoupçonné jusque là. 

 

Depuis, on a beaucoup critiqué le  structuralisme mais il me semble que les excès dont celui-ci s’est rendu coupable est plus le fait des successeurs (qui voulurent pousser à l’extrême le décorticage des textes, jusqu’à en oublier la valeur humaine ou esthétique) que du maître lui-même. Car Lévi-Strauss, lui, a su justement donner un sens aux mythes étudiés en dévoilant les lois sous-jacentes qui en composaient la charpente.  Du coup, il est parvenu à relier tous ces mythes entre eux, nous donnant le fil d’Ariane qui permettait d’en faire une lecture globale. C’est donc à une analyse de la pensée humaine, envisagée dans son ouverture vers l’imaginaire, qu’il nous a conviés. En montrant comment les mythes de peuples qui n’ont eu aucun contact historique entre eux disent finalement la même chose (ou juste le contraire, ce qui revient au même car alors on brode toujours sur le même thème), il en arrive à la conclusion que l’esprit humain produira toujours la même pensée au même stade de son développement.

 

Etudiant tour à tour les règles de parenté, le mariage, la nourriture, les totems, les mythes, les échanges économiques et la création artistique, il a su, à chaque fois, percevoir la lame de fond qui animait tout cela.  C’est donc à une analyse complète de l’ensemble des activités humaines qu’il parvient, nous offrant une synthèse des archétypes mentaux.  Cette synthèse, il l’a souvent représentée sous la forme d’une symphonie. Chaque instrument joue dans son coin, mais l’ensemble forme un tout cohérent et harmonieux, un tout qui a un sens. Face à la nature et à l’animalité, l’homme a donc su inventer des histoires, des coutumes, des rites, pour dire qui il était vraiment et pour tenter de justifier à ses propres yeux son existence sur terre.

 

Bien sûr, avec Lévi-Strauss, l’auteur (ou les acteurs si on prend par exemple les danses rituelles des Amérindiens) disparaît au profit d’une vérité plus grande qui le dépasse. Par le biais de l’anthropologie culturelle, nous renouons donc avec notre propre Moyen-Age où la littérature était essentiellement orale et anonyme. C’est une époque où l’auteur s’effaçait devant le message à transmettre. Et ce message reposait essentiellement sur la tradition (laquelle servait à fonder la société dont elle émanait), et ne visait pas, comme de nos jours, à créer systématiquement du neuf pour le plaisir de se montrer original. C’est donc à beaucoup de modestie que nous conduit l’œuvre de notre anthropologue, car il nous dit en fait que nos créations que nous croyons singulières ne sont en fait que l’émanation de la société toute entière à un certain stade de son développement.

 

Et ces structures cachées (même si elles sont parfois réductrices et même si on peut dire aussi autre chose des mythes analysés), en mettant en parallèle et en reliant des centaines et des centaines de mythes, qui se renvoient les uns aux autres, ces structures cachées, dis-je, nous font toucher du doigt la manière dont notre pensée fonctionne. Elles nous montrent aussi l’importance que prend l’imaginaire dans notre volonté de dire notre présence au monde.

00173af5.jpg